il crée au moyen du dessin des images qui rappellent la photographie |
Christian Denzler
Trait par trait. Trait contre trait. Et chacun d'eux si fin que c'est à peine s'il apparaît. Mais l'ensemble de ces traits produit une image dont on sait aussitôt : voilà une œuvre de Christian Denzler. Et, elle fait partie d'une œuvre empreint d'une cohérence et d'une radicalité, d'une constance et d'une singularité extraordinaires.
Cet artiste d'une quarantaine d'années, vivant à Bruxelles, a développé une technique graphique hors du commun. Son œuvre contredit, élève à un plan supérieur, une idée préconçue et fréquente du dessin : ce serait un moyen d'expression presque archaïque, un simple support de l'esquisse, du projet, du provisoire. Chez Denzler, au contraire, le dessin est une technique parfaitement autonome, absolument équivalente à la peinture ou à la vidéo. Il la maîtrise d'une manière qui le rapproche des maîtres anciens. Il n'en joue pas moins — et c'est le paradoxe de son œuvre — de cette éphémérité qu'on dit propre au dessin. Car ce qu'il dessine — ce furent pendant des années des formes organiques et charnelles, tout à fait érotiques — paraît dans un étrange entre-deux : ces choses sont là, pleinemement présentes et plastiques, et pourtant elles semblent à peine affleurer sur la feuille tant elles sont fines. A moins que ce qui affleure là soit, à l'inverse, le bref instant qui précède leur absorption par la feuille blanche ? L'épithète qui qualifie le mieux cet entre-deux est "insaisissable" : un quelque chose qu'on perçoit, mais dont l'existence est suspendue dans une troublante incertitude.
Presque oniriques, les images de Denzler reflètent le moment où elles deviennent images. C'est étrange : il crée au moyen du dessin des images qui rappellent à de nombreux égards le procédé de la photographie, ce moyen d'expression qui fut, des décennies durant, dénigré par beaucoup comme ne relevant pas de l'art. C'est particulièrement visible dans les portraits récents. Les visages apparaissent comme si les rayons lumineux venaient de les imprimer sur le papier. Et ils affleurent — aussi précis et présents soient-ils — à la surface comme s'ils se trouvaient dans l'état instable d'une feuille qu'on vient de plonger, au laboratoire, dans le bain de développement. L'être et le paraître sont ainsi maintenus dans un équilibre qui évoque un autre mot : l'étonnement, l'étonnement tout simplement que cela soit possible.
Christian Denzler, vue de l'exposition galerie Gabriel Brachot
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Christian Denzler, Espace Gabriel Brachot, Avenue Louise, 74, 1050 Brussels
tél. : +32 2 511 05 25, www.galeriegabrielbrachot.be
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