Devant chacun
des objets
on se surprend
à sourire
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Lorsqu'on se rend à un vernissage au Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg, on se croit un peu être en période de pénurie d'art. Un monde fou se déplace pour cette soirée un peu spéciale. La nef du Musée se remplit au fil des minutes qui semblent de plus en plus longues, car l'espace des expositions temporaires est encore fermé. Et pour cause, ils sont occupé par les "officiels". Après un bref discours du directeur et des conservateurs, la foule s'impatiente et voudrait bien découvrir les oeuvres de Cildo Meireles et de Kirchner. En effet, le musée propose en même temps qu'une présentation de plus d'une vingtaine d'oeuvres de Cildo Meireles, un regroupement de dessins, croquis, esquisses de Kirchner, ce qui est une grande première. En somme : deux expositions exceptionelles.
Mais, attardons nous un peu sur cet artiste brésilien qu'est Cildo Meireles. Cildo Meireles est né en 1948 à Rio de Janeiro, il poursuivit des études à l'école des Beaux-Arts de la même ville et fonde en 1969, une unité expérimentale du Musée d'Art Moderne de Rio de Janeiro. Son travail se caractérise par la multiplicité des médiums. Cildo Mereiles est un peu touche à tout : photos, installations, peintures, ambiances, performances, happenings, sculptures… Il est très engagé d'un point de vue social et politique, tout son travail est une dérision poétique et drôle de la société de consommation, du monde de l'art, du monde politique…
Devant chacun des objets on se surprend à sourire : des billets de zéro dollar, des pièces de zéro cent avec au verso une bouteille de Coca-Cola, des esquimaux à l'eau sans saveur, des tirelires transparentes en forme de cochon… Chaque objet ou série transporte avec lui des explications précises sur sa représentation, son sens, la raison de son "état". Par exemple, avec "Arvore de dinheiro" (Arbre à billets) Cildo Meireles fait référence à l'inflation des années 70 au Brésil, "l'argent était alors au Brésil ce qu'il y avait de moins cher" ; "titre : 100 billets de 1 cruzeiros, prix : 2000 cruzeiros", il interroge aussi le statut de l'oeuvre d'art.
Cildo Meireles, zero cent
Après s'être pressé au milieu de la foule, on pénètre dans un espace aux murs noirs dans lequel est suspendu un filet qui délimite un second espace à l'intérieur duquel reposent 201 boules de taille et de couleur identiques mais de poid différent. Le public est autorisé à pénétrer dans cet espace : un rêve pour les enfants. C'est ainsi qu'on reste coincé là jusqu'à ce que la marmaille qui nous accompagne daigne bien vouloir en sortir!
D'espace en espace on découvre des ambiances différentes dans lesquelles on peut se déplacer. Sur une jetée surplombant "une mer d'eau sèche", pour reprendre les mots de l'artiste, on entend au loin le bruit de la mer. Il s'agit en réalité du mot "mer" chuchoté par 80 personnes dans 30 langues. Chaque installation est accompagnée d'une bande audio à peine audible mais qui créée toute l'atmosphère.
Puis en quittant "La houle" (c'est ainsi que s'intitule "la mer sèche") en se laissant entraîner par la vague de la foule, on découvre au fond d'un étroit couloir une minuscule installation : une petite marionnette de caoutchouc devant des étalages. "Camelô" est une installation délicate qui nous interroge sur notre rapport au monde. On fait d'abord partie d'une oeuvre et ensuite on en domine totalement une autre. N'est-ce pas là le reflet de notre place dans le monde ? Dans certaines situations l'homme déplace les boules de son jeu lui même et dans d'autres il n'est qu'une marionnette dont on ne voit pas celui qui tient les fils.
Le travail de Cildo Meireles nous questionne sur notre rapport au monde et sur ce qu'il traîne avec lui, toutes ces choses dérisoires qu'il contient, tout ce qui crée les "Mailles de la Liberté" (travail sur la théorie du chaos).
SophieKa Strasbourg, mars 2003
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