L'Homo eroticus à Chaumont



Jardin de pierres, Chaumont sur Loire
Une goutte


d'eau coquine


lui léchant, à


intervalles réguliers


le bas des reins















Un jardin de toutes


les tentations,


aux plantes grimpantes


parfumées















Les grenouilles


de s'y frotter


frénétiquement















Des jacinthes d'eau


aux formes


testiculaires















S'élève


vers le ciel des


pistils géants















On ne peut


s'empêcher de


toucher cette corolle

Point de "fesse cachée" dans les Jardins de Chaumont, peut-être une poitrine rose bonbon, il est vrai! Mais bien plus de la poésie, de la sensualité, de la suggestion, de la subtilité, du marivaudage et de l'humour lorsque l'on s'égare dans les trente jardins, conçus autour du thème à la fois périlleux et tapageur de l'Erotisme.

L'érotisme tend à l'émotion esthétique : plaisir et art d'aimer. Et c'est ce que l'on ressent à Chaumont : des bosquets idylliques aux cabinets de verdure et d'essences enivrantes, des pergolas corsetées aux alcôves moites et feutrées, des jardins clos, écrin de l'amour courtois aux rappels du jardin d'Eden avec ses épices et ses plantes odoriférantes.

Promenade initiatique au pays des sens et des songes.

Décrire les 30 jardins est chose impossible. Certains sont si captivants que l'on y revient malgré soi. Ainsi, "Et vice et versa" à la moiteur permanente : un sous-bois tamisé abrite des tontines où l'on peut se réfugier à un, à deux ou à plusieurs. Un jardin de toutes les tentations, aux plantes grimpantes parfumées et aux fougères luxuriantes. ». Un jardin de toutes les tentations aux plantes grimpantes parfumées et aux fougères luxuriantes, qui suscite l'imagination et met les sens en ébullition. Une sculpture de Pascale Poncin, aux formes délicieuses d'une paire de fesses, achève le trouble. Une goutte d'eau coquine lui léchant, à intervalles réguliers, le bas des reins !



"Le Nid des déesses Mappa". Les gants mappa roses, gonflés (véritables tétons érectiles), qui vibrent toutes les 8 minutes sont-ils érotiques lorsqu'ils flottent sur une marre envahie de roseaux phalliques ? Bien sûr. C'est là une transformation amoureuse et ludique des objets qui révèle leur aspect sensuel, poétique, généreux et humoristique. Dans la pièce d'eau se sont installées trois grenouilles, non plutôt quatre (cette dernière étant arrivée dans la soirée du 31 mai au milieu des jacinthes d'eau aux formes testiculaires très suggestives). Autour des cucurbitacées ont été plantées, dont des pieds de concombres du Diable qui explosent à maturation, tout comme les tétons mappa. Au fil du temps, les déesses se dégonflent et éclatent… de plaisir peut-être ! "Je soupçonne les grenouilles de s'y frotter frénétiquement" s'en amuse Rémy Duthoit, le paysagiste, "toutes les trois semaines nous les remplaçons".

On est attiré par "Les pétales du désir" à l'arôme musqué du chanvre tressé qui constitue chacun des pétales, réalisé en 4, voire 5 jours ! C'est un des plus petit jardin et pourtant, il n'y paraît rien. "C'est en raison de démultiplication de l'espace et des plantes grimpantes comme les ipomées noires" expliquent Eric-Pierre Ménard, paysagiste et Chantal Dugave, architecte plasticienne. Cette fleur géante prend le visiteur au piège comme un bourdon dans ce double parcours dans lequel chaque pétale devient de plus en plus odorant, au fur et à mesure que l'on se retrouve au cœur d'où s'élève vers le ciel des pistils géants. On ne peut s'empêcher de toucher cette corolle imaginaire duveteuse et vaporeuse.

Pour Peter Bellchambers, architecte paysagiste et Yvonne van Roeckel, architecte d'intérieur, l'érotisme n'est jamais explicite. "Le projet est venu d'une image d'une danseuse du Crazy Horse qui prenait une douche et dont on ne voyait que les ombres. C'était très érotique" explique Peter Bellchambers. "The Dance of the Seven Gardens" allégorise la danse des sept voiles de Salomé qui ne s'est jamais "dévoilée" et qui a obtenu ce qu'elle voulait : la tête de Saint-Jean ! Derrière chaque voile aérien, dans un parcours circulaire, un jardin apparaît : des nuages de fenouil pourpre aux canas et dahlias écarlates. Plus l'on se rapproche du septième, plus le passage se fait étroit. Le dernier jardin restera impénétrable : voilé, autour d'un espace d'eau qui s'irise au rythme des battements d'un cœur rouge.



"Le jardin Flou"… Egarement des sens olfactifs (verveine odorante, skimmia japonica…) et visuels par un jeu kaléïdoscopique de vélums virginaux transparents aux percées irréelles qui dévorent les limites du jardin, laissant entrevoir un saule tortueux, un chardon boule ou peut-être, une ombre. L'occasion d'une poursuite amoureuse dans ce labyrinthe qui ne mènera nulle part.

"Viens" est un jardin capteur de sons d'où la voix du poète Michaël Batalla enivre. Cette "structure accueillante du désir" comme la nomme Eric Stéphany, recrée une atmosphère "au bord du désir", intensifiée par les végétaux aux couleurs rouges flamboyantes. On se laisse happer par les reflets changeants du plan d'eau, miroir en acier sur lequel coulent nos désirs.

Bien d'autres jardins encore, retiennent l'attention. "Green Phantasy Landscape", chambre à coucher ondulante ou cabinet intime déluré où les clématites vous caressent à chaque pas ou sur chaque siège où l'on s'abandonne. . "L'Eloge de la Sieste" invite à se prélasser sur un banc de pelouse tandis que des voix susurrent au creux de l'oreille de doux messages et que l'on découvre avec stupéfaction sous un amium et un bambou, une sculpture de Piero Veraldi… un fessier, girond s'il en est !…

Eros et Psyché vivent ici heureux pour l'éternité. Leur petite fille renaît chaque jour dans les Jardins de Chaumont. Elle se prénomme toujours Volupté, déesse des plaisirs de l'amour. La grande d'autres mots : de donner à s'érotiser, alors qu'il n'y est question que de nature… réussite de ce 11ème festival est de nous faire croire aux miracles de l'érotisme.

Muriel Carbonnet-Caumes
Paris, mars 2002

Jusqu’au 20 octobre 2002
Conservatoire International des Parcs et Jardins et du Paysage, Ferme du Château, 41150 Chaumont-sur-Loire

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