Nous ne pensons
pas que les
centres d'art
doivent être des
agents de promotion
d'artistes …
Quand on voit
des gens
du milieu culturel
qui viennent
à la campagne,
on peut se demander
qu'est-ce que c'est que
cette culture des villes,
même la plus brillante
qui se nourrit
de ce qui est produit
par la campagne
en terme de
produit des sols,
de modèles
et ne lui rend rien,
en reconnaissance
et culture …
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Le Centre d'Art Contemporain de Meymac :
la force du privé, propos de Caroline Bissière recueillis à Meymac le 7 juillet 2002.
Dans ce centre qui résulte de notre volonté, à Jean Pierre Blanchet et moi-même de découvrir et faire découvrir par le public des artistes contemporains, nous voulions avoir des artistes en résidence. Cela s'est avéré impossible, ne serait-ce que pour des raisons économiques. Nous voulions que le public entre dans le processus de la création pour en comprendre le sens : l'art contemporain reste en effet hermétique à un public qui n'a pas les repères culturels d'artistes qui innovent. Nous avons donc tourné la difficulté en offrant une aide de 50 000 Francs (€ 7 622,45) à un artiste qui effectue un séjour d'un an qui aura l'obligation de montrer 3 stades de l'évolution de son travail. Nous lui consacrons alors à chaque fois un dépliant. Nous avons ainsi un dépliant de Stephane Magnin, Delphine Coindet dont une pièce a été acquise par le Frac Limousin et Luc Adami, un jeune artiste qui vit à Dijon.
Notre budget annuel est de 1,5 million de Francs (€ 228 673,53) par an, rien à voir avec Vassivière. Nous ne pouvons qu'employer des intermittants, payés à mi-temps par l'association du centre alors que Vassivière a un personnel à plein temps. Je n'ai ici qu'un demi salaire et jean Paul lui, est totalement bénévole. Nous ne pensons pas que les centres d'art doivent être des agents de promotion d'artistes. La collectivité publique doit être la charnière entre l'artiste et le public. Sa mission est de sensibiliser le public d'où son obligation de montrer en priorité des jeunes artistes, d'être la prolongation d'une sorte de pédagogie, d'établir un système de dialogue permanent, un maillon de la chaîne : "Récits" l'exposition actuelle replace le travail d'artiste dans un contexte particulier ; en montrant des artistes confirmés comme Bouillon ou Immendorf, on revient aux racines en soulignant les évolutions ; enfin on joue le jeu de la découverte.
Nous sommes donc très différents de Vassivière. Meymac n'est pas un lieu rural, mais se nourrit d'un tissus urbain, ne serait-ce que par le bâtiment.
Notre projet artistique se base sur des exposition thématiques. Elles sont gratifiantes pour le créateur qui est obligé de réfléchir aux artistes aux aménagements que ces thèmes exigent. Mais elles sont aussi importantes pour les artistes qui prennent en charge leur part du projet.
Enfin de telles expositions attirent plus facilement le public que des expositions personnelles€: on offre aux visiteurs un fil conducteur qui convient à 80% d'entre eux.
Pour "Récits" nous trouvons curieusement à un moment de convergence d'expériences semblables, comme par exemple actuellement à Münich. Il y a une émergence de la narration. Nous n'avons pu intégrer Boltanski qui est un peu un modèle du genre car nous n'avons pu avoir la pièce qui nous intéressait car elle était engagée par ailleurs. Mais il était aussi, peut-être, un peu trop le représentant historique de cette tendance et nous avons choisi des artistes parfois inconnus, tenants de l'actualité.
Dans cette exposition, on a aussi voulu une juxtaposition de diverses techniques : elle illustre une démarche successive par approximations : on commence à amasser les références, les informations, puis on trie en fonction d'une connaissance qui s'approfondit et enfin on arrive à un savant mélange de références précises.
Nous avons trouvé que beaucoup d'artiste se sentent dans une impasse. La narration leur permet de revenir aux sources, de malaxer leurs idées, presque de la peinture….
Guy Tortosa au Centre d'Art et de Paysage de Vassivière en Limousin :
le service publique, entretien du 06. 07. 2002, propos recueillis à Vassivière le 6 juillet 2002 par Liliane Touraine et Bernard Blum
Dans le Centre, nous voulons développer des réflexions via l'art, mais seulement l'art sur le paysage. Aujourd'hui nous avons invité Gilles Clément, un paysagiste, mais demain ce sera le tour d'urbanistes, d'ingénieurs de designers de façon à atteindre une conscience plus précise de ce qu'est la campagne.
On vit sur des schémas anciens séparant ville est campagne. C'est en réalité plus complexe. La campagne s'est urbanisée. Le centre de Vassivière se trouve au milieu d'un lac artificiel créé au milieu des années cinquante par Edf grâce à un barrage en béton, un ouvrage d'art, création qui correspond à l'époque où on bétonnait la banlieue des villes, où se développe l'urbanisme lié à l'extension de l'industrie qui grandit en périphérie des grandes villes. Au même moment beaucoup de paysans ont quitté la campagne créant traumatisme et perte des racines et de savoir faire.
Cette campagne désertée, comme le Limousin, est aménagée par les ingénieurs des villes pour créer, par exemple, un barrage qui doit alimenter les villes en électricité, mais aussi le bois des charpentes et des constructions. Des gens comme Pinault ont ainsi fait fortune et continuent d'ailleurs dans les forêts d'Amazonie ou d'Indonésie. Le Limousin a vu se développer une industrie du bois en aménageant ses forêts. C'est parfois beau, mais aussi parfois problématique du point de vue écologique car on a planté des essences identiques en rangs serrés. Les modèles ont été donnés par l'Onf qui, tant par ses uniformes kakis que les grades de ses employés ; ressemble à une armée. L'Onf gère donc la forêt à la manière militaire. L'idée de l'Onf et des grands propriétaires fonciers était de planter le plus aeré possible de façon à avoir des troncs aussi droits que possible. Ainsi les arbres, démunis de branches, donnent de belles poutres faciles à débiter. On cherche aussi des essences qui poussent vite, comme les épineux. On évite les feuillus qui poussent trop lentement et qui se sont donc pas très rentables, ainsi que ceux qui ont de beaux troncs noueux.
Plus tard, sur les espaces laissés libres, on établit une industrie touristique. Cette région s'est trouvée avec son lac et ses belles prairies, un zone idéale pour les campings, les caravanes et les hôtels.
Alors, après l'intervention des ingénieurs d'Edf produisant de l'énergie, celle de l'Onf qui ont remplacé les landes à genets et moutons par des forêts denses, le développement de l'industrie touristique saisonnière, on attendait du centre de Vassivière qu'il crée une industrie de loisirs.
Or les tenants de cette industrie culturelle sont peut être mieux à même de comprendre la situation d'où la proposition que nous avons faite de profiter de la situation exceptionnelle de cette zone pauvre et rurale€; on pouvait faire prendre conscience des mutations dites rurales puisqu'on est ici dans un paysage plutôt "rurbain" que rural proprement dit. Bien des questions ici sont très contemporaines. Beaucoup de gens ici pensent globalement bien qu'ils agissent localement. Plusieurs d'entre eux ont participé aux travaux de Porto Allegre, des nouveaux venus, ils sont venus vivre et travailler à la campagne par choix et font de l'économie "équitable". Il y a ici une économie très intéressante, loin des clichés des gens de la ville qui souhaitent voir la nature conforme à leurs rêves d'enfance : seulement sous le soleil d'été en ignorant la tristesse, le chômage, les problèmes écologiques. Il y a donc des gens qui viennent ici de façon définitive, pour y vivre à longueur d'année, contrairement à ceux qui viennent acheter des maisons pour avoir le droit des les fermer, finalement, 10 mois par ans. Ces nouveaux arrivants fixes sont donc très intéressants. Leur choix de vie est basé sur des options économiques et politiques clairs. Notre campagne comporte alors un mélange de gens qui ont baissé les bras, qui sont au chômage et bénéficient du RMI, d'autres sont des agriculteurs qui se sont laissé porter par la vague productiviste industrielle, qui marchent à la prime, qui sont devenus un peu étrangers à eux mêmes et en sont malheureux : on les a poussé à faire des bêtises et maintenant les gens des villes qui sont très chics, mangent bio et votent écolo leur reprochent la pollution… D'autres enfin sont entrain de revenir, gens du crû ou jeunes venus assumer un idéal. Ils s'attachent à un nouveau modèle économique et social. Ils jouent la solidarité. Pas loin, on a cré ily a environ 15 ans une entreprise travaillant le bois. Elle comporte une quarantaine d'employés, tous payés au même prix. C'est une sorte de communauté solidaire, de phalanstère. Ils gèrent toutes les phase de transformation du bois de façon à ne pas dépendre des intermédiaires qui les exploiteraient. Il y a aussi plus loin une société qui fait du commerce "équitable". Elle achète et vend, par exemple du café de Colombie et des produits de qualité de diverses origines en assurant aux producteurs le "juste prix". Ces gens ne croient plus aux vertus de la consommation, du progrès par le profit.
Dans notre centre d'Art et du Paysage, nous avons donc voulu réaliser une exposition sur l'idée de la tempête, mais sans que cela s'impose de façon trop nette.
Régulièrement je susciterai parmi les artistes qui viendront ici des réflexions sur des thèmes que je considère comme majeurs€; par exemple à l'automne on réfléchira sur le thème de la pauvreté. C'est un beau thème. D'autant plus qu'il y a des pauvretés qui sont des richesses sur d'autres plans, comme il y a des richesses qui sont de vraies pauvretés. Du point de vue de l'Organisation Internationale du Commerce, nous sommes sans doute une zone très pauvre. Mais peut être que sur un autre plan, celui de la biodiversité, de la qualité des relations entre personnes, nous sommes très riches.
Notre exposition actuelle comporte des travaux de Gilles Clément, de Michael Dans et de Bertrand Lamarche. Gilles Clément, c'est un ami, quelqu'un que je connais et avec qui je travaille depuis une dizaine d'années. Michael, c'est un artiste belge et Bertrand français. Je leur au tout de suite commandé une œuvre parce que je veux aussi repositionner ce centre comme lieu de production, en faire un laboratoire de création.
Les artistes peuvent ou non résider. Souvent ils travaillent chez eux sur leurs ordinateurs, ils ont des modes de production en relation avec une entreprise à l'étranger. Je les aide à trouver de l'argent. On travaille ensemble, on définit les moyens, on monte les travaux ensemble.
J'espère,
1 - situer ce lieu comme espace de réflexion sur les enjeux environnementaux et territoriaux paysagers,
2 - faire en sorte que la production à venir suive toujours cette thématique. On sera donc le premier centre d'art et du paysage en France,
3 - n'inviter ici pas seulement des artistes plasticiens, mais aussi des créateurs dans d'autres domaines, mais qui contribuent aussi à la transformation de notre conscience paysagère et du territoire,
4 - intervenir in situ, pas seulement dans les esprits, mais aussi in visu. Travailler sur le territoire lui-même et le faire autrement que dans le passé. On a fait à Vassivière un parc de sculptures. C'est bien. Mais c'était plaquer le modèle du musée sur l'extérieur. On ne se préoccupait pas du dessin des chemins.
Dans l'avenir nous voulons travailler sur l'implantation de la forêt, le tracé des chemins, le mobilier et enfin arrêter de se concentrer sur des lieux trop spécifiques et montrer que c'est la vie elle-même qui est une forme d'art, que la société via les politiques, peut donner lieu à la créativité. C'est la sculpture sociétale chère à Joseph Beuys. Donc très naturellement c'est dans la région toute entière, au moins le territoire des lacs de Vassivière, que s'étendra la notion de parc de sculpture ; un parc où la nature est sculpture, sculpture sociétale, d'une toute autre dimension.
Etablir des liens fertiles avec tous les acteurs du paysage, ceux qui font du commerce équitable, les élus des petits villages et nous deviendrons alors à leurs yeux conseils et accompagnateurs des procédures d'aménagement du territoires, des supports pour re-dynamiser la région. Si on veut trouver d'autres modèles que la forêt intensive industrielle ou celui de l'industrie touristique qui ne fonctionne que du 14 juillet au 15 août, il faut trouver d'autres formes d'habiter ensemble sur la planète et cette région en particulier. Il faudra y créer des emplois grâce au développement de la qualité paysagère et d'une culture paysagère environnementale et sociale. Je suis déjà heureux de voir que nous sommes déjà compris de cette façon. C'était le 1er message que j'ai voulu passer en arrivant ici. Plutôt que de courir à travers le monde et à Paris, j'ai tenu à rencontrer les gens, leur expliquer mon message et faire en sorte qu'ils me considèrent comme un acteur parmi d'autres. Je ne veux pas être un "centre". Je préfère être un " milieu". Les milieux de l'art sont beaucoup trop refermés sur eux mêmes ; ce sont des milieux citadins riches. Ils sont mal compris.
Par chance, j'ai la possibilité de pouvoir rebondir sur quelque chose qui avait existé dans le passé : l'île de Vassivière était dans les années 80 un lieu de rassemblement pour les artistes locaux, mais aussi d'ailleurs. Ils avaient organisé un "symposium" de sculptures en granit que l'on peut voir encore sur le flans des prés en arrivant, sur l'idée "valoriser le granit local". Ca a été une réussite et salué comme tel. Il y a des œuvres d'artistes intéressants comme François Bouillon, Jean Luc Wilmoutte. Deuxième periode de l'île de Vassivière : sur la base de cette réussite, les collectivités locales et l'Etat, à l'époque des "Grands Travaux " de Jack Lang, on désiré de créer en région et en secteur rural, un équipement culturel centre d'art avec la notion de "parc de sculptures". On a recruté alors un directeur, Dominique Marchez qui est maintenant à Chamarande dans l'Essonne, et qui a mis en œuvre tout un programme architectural en faisant appel à 2 grands architectes : le français Xavier Frabre qui a aménagé le "Creux de l'Enfer " à Thiers et Aldo Rossi, un italien. Ils ont travaillé ensemble sur ce bâtiment qui est depuis quelques jours classé "monument historique", en sa qualité de grand monument de la fin du 20ème siècle. Dominique Marchez a travaillé sur ce parc de sculpture en essayant de l'ouvrir à d'autres matériaux, comme par exemple la pierre la terre, les arbres. Il y a 2 ans il a souhaité vivre une nouvelle expérience, peu de temps après la tempête qui a peut être joué sur sa décision. Cette tempête a été durement ressentie ici. Les œuvres comme celles de Pistoletto se sont mises à flotter du fait que ce sont les arbres qui définissaient les allées…
Un artiste a eu le sentiment que nous étions dans un environnement pas si naturel que ça et sentant la présence d'Edf, nous a mis des néons dans les arbres. C'est un raccourci intéressant. L'alimentation ne se fait pas par capteurs solaires car Edf n'aime pas tellment les énergies renouvelables. J'aurais aimé qu'Edf aide, mais ils préfèrent l'énergie nucléaire…
J'aimerais travailler ici comme j'ai travaillé il y a 15 ans avec Fabrice Hybert lorsqu'il a fait sa première exposition. Les pièces devraient être des œuvres nouvelles car un centre d'art doit être un laboratoire, un lieu de production. On peut laisser aux Frac et au misée, j'ai été moi-même directeur de Frac, le rôle qui consiste à acheter les œuvres qui existent ici ou là et constituer une collection cohérente. Nous avons à nous situer sur le plan de l'expérimentation et aussi donner des chances à des artistes qui débutent, comme par exemple Michael pour qui c'est sa première exposition personnelle.
Entrons dqns le centre pour voir notre exposition….
Le Micado de Michael Dans est bien dans l'esprit de la tempête : nous parlions ensemble, je lui disait que lorsque la tempête est passée, tout le monde a pleuré que c'était une calamité, mais finalement on a totalement oublié d'en tirer un enseignement : la nature a simplement corrigé les erreurs des plantations industrielles en abattant tout ça. La nature nous a rendu service en ouvrant des perspectives là où tout était bouché. Grâce à la tempête une nouvelle végétation est apparue car dans ces ouvertures la lumière a permis la germination de nombreuses graines en dormance qui attendaient parfois depuis des dizaines d'années.
Est-ce que la véritable tempête, ce n'est pas en réalité la catastrophe lente organisée par les hommes. Alors en discutant avec cet artiste, il a eu cette idée : je vais faire une sorte de micado géant. Il y a ici en Limousin quelque chose de japonais. Comme vous le savez le Japon est très rural, très rustique où on y mange des soupes, où on y prend un petit bain chaud pour se réchauffer avant d'aller se coucher car les maisons sont froides, comme les maisons jadis ici où on se mettait un petit brasero sous le lit. J'aime bien cette idée de micado qui nous renvoie aussi au hasard de la nature où l'homme doit pouvoir s'y retrouver. La cage à oiseau, c'est une œuvre qu'il avait déjà faite dans le passé. C'est une sorte d'auto portrait : cet artiste est un peu insomniaque et cette niche nous fait penser à un garçon qui a des nuits un peu troublées et qui doit parfois se tromper de porte et a besoin d'entrées multiples. Il y a dans le micado une pièce métallique, c'est le repère. On le retrouve dans l'édition à 100 exemplaires signés qui est en vente à l'entrée à 25 euros… Du fait qu'on est ici dans une station de tourisme rural, il y aura bientôt beaucoup de campeurs, je demande aux artistes de à penser à des éditions, une bouée demain, pourquoi pas une tente, un petit tabouret, mais artiste, imaginatif. Alors Michael m'a fait un petit micado…
Pour Bertand Lamarche, nous avons mis aux fenêtres un filtre qui donne l'effet d'une nuit américaine. Il permet à l'œuvre d'être dans une semi obscurité. Il s'agit aussi d'une production. C'est une installation qui est en fait la maquette d'une station de traitement des eaux usées ; l'illustration d'une ville éclatée mi imaginaire, mi réelle. Partout en France, à la campagne, à côté des petits villages, il y a des stations de traitement des eaux usées. C'est une composante des campagnes urbanisées et aussi des villes dans lesquelles nous vivons. Si vous pensez d'où vient l'eau, elle vient la plupart du temps de stations d'épuration de retraitement où des ingénieurs travaille. Mais ce qui est très beau, c'est une maquette qui montre une construction où les visiteurs pourraient passer sur une passerelle, il y aurait une nacelle avec un projecteur qui à travers des fenêtres permettrait d'illuminer le tourbillon de l'eau. Cet effet est fixé en direct par une camera et on projette cette image sur un écran. On voit alors le vortex du tourbillon qui est aussi le même phénomène que la tempête : ce qui se produit dans un verre d'eau, dans un bassin, ce tourbillon est identique pour la tempête, le cyclone, le vortex.
Avec Gilles Clément, nous avons des photos assez didactiques. Comme je vous l'ai dit, je souhaite inviter dans ce centre pas seulement des artistes plasticiens, mais aussi des ingénieurs des urbanistes, et pour moi Gilles Clément c'est le plus grans paysagiste en France ; Il vient encore de publier un livre, "L'éloge des vagabondes". C'est le théoricien du "Jardin planétaire". Là un, j'ai obtenu une commande du ministère de la Culture piur qu'il fasse un travail de photographie sur le territoire de Vassivière et qu'il réflechisse à des projets d'aménagement de la nature et deux, pour commencer, je lui ai demandé s'il avait des idées sur le thème de la tempête et il nous a apporté ici des photos qui témoignent des phénomènes produits par des traumatismes. Ainsi ici par exemple, dans un parc naturel un arbre est tombé, mais au lieu de le débiter, on le laisse. Il a fait la même chose dans son jardin : suite à la tempête de 99, un pommier a été renversé par le vent. Gilles constate qu'il n'est pas mort, mais juste couché. Il le laisse en ménageant un petit coussin pour porter le pommier et aujourd'hui les branches repartent, il en coupe la plupart et laisse se développer un nouveau tronc. Voilà l'accompagnement de la nature. Une autre conception qui va à l'encontre de la volonté d'obliger la nature à faire ce qu'on attend d'elle et on la tue. Un autre exemple est dans la maison de Gilles Clément dans la Creuse. Il a construit sa maison en forme de L de façon à ne pas gêner un beau chêne. Ce chêne a été abattu en 1999 par la tempête. On voit le chablis, le réseau des racines, qui est à l'air. Du coup le chêne est mort. Gilles le fait débiter, il laisse venir toute la végétation qui colonise le chablis, une végétation qui vient des graines qui étaient dans la terre des racines et qui attendaient que la lumière vienne pour germer. C'est comme chez nous : après que la tempête est abattu les arbres, nous avons eu une prairie de digitales qui sont maintenant remplacées lentement par des genêts. C'est la fameuse théorie de Gilles Clément du "Jardin en mouvement". La nature crée des strates qui permettent de voir se développer successivement des végétations différentes qui se remplacent les unes après les autres : des herbes aux broussailles et aux grands arbres.
Au sujet de la commande publique, quand je suis arrivé ici, je suis allé solliciter le ministère de la Culture que je connais bien puisque j'y ai travaillé, en disant qu'il faut utiliser les moyens de la commande publique pour faire autre chose que des œuvres d'art publiques, qu'elle aille à la production d'œuvres qui servent à l'aménagement du territoire. J'ai par exemple en projet de faire réaliser par des designers des pontons et abris lacustres qui serviront aux vedettes qui sillonnent le lac. Il y aura ainsi une complémentarité de la commande publique et des collectivités pour aménager l'espace public….
Quand on voit des gens du milieu culturel qui viennent à la campagne, un peu plus loin il y a la maison de Gilles Deleuze, on peut se demander qu'est-ce que c'est que cette culture des villes, même la plus brillante qui se nourrit de ce qui est produit par la campagne en terme de produit des sols, de modèles et ne lui rend rien, en reconnaissance et culture. Au contraire elle la culpabilise en lui disant qu'elle est réactionnaire, qu'elle pollue…. Il faut rendre justice aux justes. Il y quand même des choses très belles. Le problème de l'art et de la culture, qui peut devenir problème si on n'est pas conscient, c'est de faire passer la communication pour la chose, c'est de donner plus d'importance aux paroles qu'aux actes. Se sentir quitte parce qu'on a fait des œuvres soit disant engagées. Il est important que les gens des villes, les gens des partis, les gens de l'art qui ont un pouvoir parce que c'est un pouvoir de parler et d'écrire, ne parlent pas à la place des gens de la campagne. Ils doivent savoir écouter et écrire pour ceux qui ne savent pas écrire, rendre à la campagne son dû …
Liliane Touraine et Bernard J. Blum, publication octobre 2002
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