Cathy Coëz. Autoportrait d'un cerveau, exporevue, magazine, art vivant et actualité
Autoportrait d'un cerveau
Cathy Coëz
 
 
A la vision du film de Stanley Kubrick 2001, l'odysée de l'espace, le spectateur est plongé dans un monde qui fascine; il évolue dans un espace et une temporalité autre. La comparaison est aisée et pourtant pleine de sens : le processus créatif de Cathy Coëz s'ouvre à notre imaginaire. Tel le mathématicien et ses formules, la plasticienne construit un langage formel qui se démultiplie à l'infini : les éléments surgissent, éclatent, se superposent et s'entrechoquent. Les œuvres témoignent d'un engagement à travers les moyens techniques, qui utilisés pour ce qu'ils sont en acquièrent pleinement le sens. Les compositions se construisent par le plaisir de la maîtrise technique et le hasard qui en découle. Ordinateur, sérigraphie, feutre, photographie : ces outils poussés à leur paroxysme deviennent des enjeux.
suggestion
à la
figuration

sens de
la forme

cheminement
mental

Cathy Coëz Cathy Coëz Cathy Coëz
 
 
«…L'ordinateur crée des formes que l'on ne peut pas prévoir mentalement…». Ces dessins «…remettent en cause la crédibilité d'une réalité qui nous est donnée à voir car tout élément existe par la façon dont on le regarde… une image est non seulement lue avec les yeux, mais aussi avec le cerveau, la culture, le savoir… de la suggestion à la figuration, du sens de la forme à ce qu'elle évoque…»¹.

De par son engouement et sa facilité à manier l'ordinateur, Cathy Coëz explore en profondeur ces possibilités. Elle utilise un logiciel de dessin vectoriel afin d'élaborer la première phase de création. Les combinaisons sont infinies et les touches Ctrl/Z du clavier permettent de les défaire facilement. Précision et rapidité sont des facteurs décisifs dans son utilisation. Les dessins sur feuille blanche naissent d'une imprimante de grand format. La ligne noire différencie la forme du fond et la clarté du support accentue l'apparaître détaché des formes. Suggestive et tempérée, c'est de cette surface blanche que surgissent les premiers assemblages de la série Pen drawings. Infini du blanc, associé à la douceur des tons nacrés, il contraste avec les couleurs plus soutenues ou fluorescentes. Absorbant et rejetant, il nous rappelle l'absence et le silence, la somme des couleurs et le mouvement. La feuille, légère et transparente, induit un jeu d'apparition et de disparition. Remplie de feutre, elle est parfois utilisée à l'envers : la couleur est alors plus diffuse et les contours sont plus doux. La densité des œuvres provient de leur construction et de leur mouvement volontairement apparent. Un accident est parfois le centre autour duquel les éléments, tels des électrons, gravitent et convergent. Le travail se construit par étapes : les techniques utilisées gardent et impriment la trace du cheminement de la pensée de l'artiste.
 
 
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Au départ, les compositions sont agencées à travers un ensemble de carrés. Peu à peu, le support s'arrondit et adopte le cercle, élément prédominant de l'œuvre. Suggestion et affirmation trouvent leur langage respectif dans l'abstraction à travers l'ouverture des formes et dans la figuration par l'utilisation de mots et d'images précises. Les mots et les formes créent progressivement une relation dans laquelle ils se confrontent et se complètent.

Suggestion
#17 Anti-gravity nuggets se traduit par «pépites insensibles à la gravité». Celles-ci sont perceptibles à travers les figures dessinées. Le titre apporte une dimension supplémentaire et met l'accent sur ses composants.

#27 Spots in the jungle mêle les significations : spot en anglais désigne entre autre un endroit précis, un pois, une tâche. La jungle s'associe au désordre visible à l'arrière plan. Les paysages tels qu'ils sont imaginés n'existent pas et se confondent volontairement. Leur construction est réalisée d'après une photographie absente de la composition. Divisée en deux parties égales qui sont mises en miroir, elle donne naissance à deux nouvelles vues. Une réalité non visible dans l'immédiat par le spectateur est suggérée.

 
 
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Affirmation
Proche du graphisme de la bande dessinée, les lignes rouges au centre du dessin #15 Bam! accentuent la sensation d'explosion qui s'en dégage et donnent une impulsion de vitesse à l'ensemble. Le mot Bam! imprimé très discrètement dans la forme renvoie au bruit que celle-ci suscite. La présence des mots et les titres choisis font partie d'un tout, le sens de la forme et le sens des mots se répondent tour à tour.

De format horizontal, #14 Landscape joue sur une mise en perspective des éléments. Une dimension nouvelle apparaît à travers le relief du collage des butées. La présence du bleu de l'horizon dans le haut du dessin et du mot Landscape permet à l'artiste de mettre en place les éléments propres au paysage.

Le sens défie la forme, dans #23 White camouflaged les motifs dessinés évoquent le camouflage. La juxtaposition des couleurs blanche et jaune fluorescent inverse leur densité lumineuse. Du fond blanc se dégage alors une forme placée maintenant à l'avant plan.

Dans #26 Spots for reconciliation et #25 Reconciliation in switzerland le mot réconciliation provient de ce qui distingue affirmation de suggestion, abstraction de figuration. C'est cette différence qui crée une dynamique. Il s'agit d'une mise en abîme, à travers le chemin de la création qui nous est donné à voir et le langage des mots. Sous leur aspect ludique, ces œuvres cachent des messages et questionnent les moyens techniques utilisés.

Dans #25 Reconciliation in switzerland le paysage suisse est imprimé en quadrichromie. Ce procédé d'impression, caractéristique de la sérigraphie est volontairement choisi. La technique est confrontée au classique de la peinture par le paysage.

Cathy Coëz nous emporte avec grandeur et un appétit infini. De la suggestion à la figuration, du sens de la forme à ce qu'elle nous évoque, la plasticienne surprend non seulement par sa dextérité mais aussi par l'ouverture donnée à son cheminement mental qui à la vue de ces dessins contient la promesse de nous révéler au nôtre.

1. Entretien avec l'artiste octobre 2004
Anne D'hond, Bruxelles, janvier 2007
 
Cathy Coëz Cathy Coëz Cathy Coëz
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Espace Gabriel Brachot, 74, avenue Louise, 1050 Bruxelles, du 19 janvier au 1er mars 2007, www.galeriegabrielbrachot.be

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