Depuis début avril, les dernières créations de Stéphane Calais peuplent le parc de l'Abbaye de Maubuisson de créatures inhabituelles et investissent les salles voûtées de ce bâtiment historique. Le dialogue parfaitement réussi entre les œuvres, l'architecture et l'histoire du lieu plonge le visiteur dans un univers à l'esthétique ludique.
porteur d'une esthétique très graphique malgré la diversité des supports |
Dynamique, le parcours de l'exposition est rythmé par la configuration du site de l'Abbaye de Maubuisson. Une première partie s'attarde aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur alors que la seconde se développe entièrement au cœur de l'ancienne Abbaye. La première pièce qui ouvre l'exposition est un grand ring en bois laqué blanc sur lequel sont positionnés divers objets. Situé au milieu d'une immense grange plongée dans le noir, il est éclairé de toutes parts par des projecteurs. Cette mise en lumière évoque immédiatement et symboliquement un rapport de force avec le lieu. La touche rouge du fauteuil Ball chair d'Eero Aarnio placé au sommet de cette structure blanche renforce encore l'aspect dramatique de la mise en scène.
En contrepoint, la découverte du Jardin flottant est un véritable moment d'apaisement et une invitation à la contemplation. Sur la plus grande pièce d'eau du parc, une dizaine de plantes flottent sur des pastilles colorés qui se meuvent au gré du vent. Avec l'aide de la paysagiste Anne-Marie Hervoche, l'artiste joue ici sur la mobilité et l'intégration dans l'environnement pour recréer une "folie" contemporaine.
En se rapprochant du bâtiment principal de l'Abbaye, l'"exotisme de pacotille" auquel fait référence Stéphane Calais pour parler de son exposition devient plus clair. Trois bons génies dorés, ou "totoro", en formes de chiens foo de restaurant chinois prennent le rôle de gardiens sacrés de temple en ornant l'entrée de l'Abbaye. Entièrement tatoués d'oiseaux colorés peints à la manière des manèges, ces "Lions tatoués" pourraient aussi bien trouver leur place sur une fête foraine. À la fois kitsch et exotiques, ils incarnent cette volonté de mixer librement les genres, les cultures et les époques.
Impliquant son histoire personnelle dans celle du site, l'artiste présente dans la première salle de l'Abbaye une photographie de sa mère en robe de mariée évoquant par ce biais le voile des moniales cisterciennes. Toujours dans cette idée de mixage culturel, la salle de l'Ancien parloir appelle au dialogue avec un grand canapé multicolore posé à même le sol, une sorte de puzzle où de faux carreaux de céramiques en carton jouent avec les couleurs des carreaux réels jaunes et verts, des toiles-dessins s'étalent et se prolongent sur le dallage par de la moquette blanche, et enfin, Spider, clef d'une des voûtes de la salle, emblème de l'exposition, rassemble en un objet syncrétique diverses strates de sens et de temporalités (ballons Spiderman, fleurs et branches d'arbre artificielles, filet au crochet).
Habitué des wall-painting, Stéphane Calais introduit ici son univers graphique par des toiles-dessins montrant des maisons clandestines des années 1960-1970 aux Etats-Unis, seule touche de noir et blanc dans cet univers haut en couleur.
Cette opposition du contraste noir/blanc et de la couleur se poursuit dans la grande salle dite des Religieuses. Sur tous les murs, de grands tondi multicolores sont accrochés sur de longues traînes de moquette noire ou blanche, une peau d'ours la gueule ouverte trône au fond. Cette immense salle, la plus grande de l'Abbaye, ressemble ainsi aussi bien à une salle d'apparat ou de réception couverte de tapisseries qu'à une galerie de portraits d'ancêtres. Avec assurance et humour, Stéphane Calais manipule le portrait de genre et peint "Le peintre", "H à la tête hurlante", "Le génie", "La veuve amazone" ou encore une "Jeune fille lisant".
Pour terminer comme avec une confidence, le dernier "ring", entièrement tapissé, beaucoup plus petit et confortable que le premier, est abrité au cœur même de l'Abbaye, dans les anciennes latrines. Symbole d'un rapport de force transformé en dialogue agréable, il est rouge sombre avec des coussins en soie qui remplacent l'aridité du bois blanc laqué. Seuls les quatre poteaux d'angles rayés noir et blanc évoquent encore le jeu de force du premier "ring".
Les noirs et les blancs qui ponctuent presque toutes les installations de l'exposition sont autant de signes de l'influence du dessin sur l'artiste. Le marque du trait noir sur la feuille blanche n'est jamais très loin, l'ironie et le recul de l'enfant de la bande dessinée non plus. Fin manipulateur des codes esthétiques et des images, Stéphane Calais est porteur d'une esthétique très graphique malgré la diversité des supports qu'il utilise (sculpture, installation, photographie, peinture, dessin, etc). Et à la question : "Les jardins sont pour les gens ! Et l'art pour nous ?", on a envie de répondre que l'artiste a mis en œuvre une multiplicité de points de vue pour que chacun trouve le sien.
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Stéphane Calais, Gardens are for people ! (and art for us ?), dessins – installations
Abbaye de Maubuisson, 95 Saint-Ouen-L'Aumône, tél : +33 (0)1 34 64 36 10
Du 6 avril au 5 septembre 2005. Tous les jours sauf mardi de 10h à 18h, dimanche et jours fériés de 14h à 18h
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