"saisir l'essence d'une personne avec une photo relève du miracle"
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Brunella Longo, jeune artiste italienne, présente, pour la première fois en France, une trentaine de portraits photographiques en noir et blanc liés à l’ouvrage "Brunella - Longo Centouno Ritratti" qui représente le plein aboutissement d’un projet où l’artiste immortalise 101 personnalités du monde de l'art qu'elle transforme, avec un habile détournement du système, en objets de vision, en véritables chef d'œuvres.
De Nadar à nos jours, la photographie a développé, non sans difficultés, un langage artistique autonome. Le choix de Brunella Longo d'adopter un genre historiquement "favori" de la peinture tel que le portrait, révèle, une fois de plus, l'identité et l'énorme potentiel du médium photographique, en l'affranchissant, définitivement, du rôle d'instrument documentaire auquel il a longtemps été relégué.
L'appareil photographique s'interpose, ici, entre l'artiste et son sujet comme une sorte de miroir qui reflète non pas l'apparence, mais l'essence même.
Brunella Longo guette le moment où "sa proie" baisse ses défenses pour ouvrir une brèche dans sa cuirasse et emprisonner dans la boîte noire ce qu'elle possède de plus intime : son âme…
Propre à la photographie est une définition temporelle bien précise : elle "fixe" un instant du présent qui bascule, immédiatement après, dans le passé mais, dans l'œuvre de Brunella Longo, présent et passé n'ont plus aucune importance. Les personnages dont l'artiste fait le portrait semblent suspendus dans une dimension autre : affranchis du passage du temps, ils deviennent éternels.
Les contextes, les lieux dans lesquels les sujets de Longo sont insérés, subissent le même sort : bien qu'extrêmement "construits", ils perdent toute connotation réelle pour se muer en une sorte de projection du "paysage mental", de la psyché desdits personnages.
Nous sommes tentés de dire, avec Bruno Corà, que "saisir l'essence d'une personne avec une photo relève du miracle", mais Brunella Longo semble gagner cet ambitieux défi.
Martina Russo Paris, février 2004
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