Louise Bourgeois
Centre Georges Pompidou, Paris
 
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Louise Bourgeois en 1990, derrière sa sculpture en marbre "Eye to Eye", 1970
© photo Raimon Ramis, D.R., © ADAGP, Paris, 2008.

 
 
Louise Bourgeois, 96 ans et une formidable carrière, s'expose à Beaubourg, après la Tate Modern de Londres. Le 6e étage rétrospectif dresse un paysage exhaustif de l'Oeuvre de cette artiste entière, complété par l'intimisme de l'exposition "Tendres compulsions", sorte de cabinet de curiosité dans la Galerie d'art graphique. Une rétrospective hommage donc pour cette femme qui, depuis la fin des années 30, porta très haut le drapeau tricolore au pays de la bannière étoilée. Le visiteur retrouvera ou découvrira toute l'essence de la créativité de Louise Bourgeois, au travers des incontournables femmes-maisons, totems, Janus, araignées, et autres installations. Alors, plus qu'une visite guidée du monde de Bourgeois, qui sans appropriation intime serait vaine, je choisis un parcours porté par le "je", aussi subjectif que peut l'être le regard de Louise…

Escalators de Beaubourg. 4e étage.
Galerie d'art graphique et première plongée dans l'univers de Louise Bourgeois.
Petites salles intimistes contrastant avec la cruauté de "l'être femme".
Parmi les oeuvres tardives, de longs bras de sang se tendent pour nous happer dans le monde du petit de l’artiste. Si l'envie de se fondre dans ses pensées inconscientes et intimes est vive, l'attraction se délite, fil par fil, devant des vitrines quasi archéologiques. L'archéologie d'un oeuvre encore vivace, n'y a-t-il pas là un hiatus gênant ? Comme déterrées depuis peu, témoins d'une vie qui semble déjà loin, les oeuvres s'amoncellent derrière les glaces. Ici une déesse castratrice, là une poupée vaudoue, protectrices d'une pulsion de mort, le tout juxtaposé en une mise en scène qui nous garde, hélas, étranger. Un sentiment de révolte se réveille soudain. "Ouvrez-moi la porte !" Mais le portier décide d'être sélectif à l'entrée et "Aujourd'hui Mademoiselle, vous ne passerez pas." Je reste à la porte donc. Frustrée d'effleurer ce monde féminin dans lequel je désire me couler. Pénétrer chez Louise, c'est fondre son inconscient dans celui de l'autre, par le truchement de son regard, voir les objets, les gens qui nous entourent, notre histoire, la sienne. Alors la suite, en espérant…

Les quelques marches au pied de la Galerie d'art graphique et un détour par la collection d'art moderne pour se rendre compte que l'étage n'est pas le bon, égarement dans mon propre labyrinthe et l'impression que cette rupture m'éloigne un peu plus de la toile de l'araignée Louise ou m'en rapproche, mais j'en doute.

Escalators. 6e étage.
L'exposition proprement dite et son parcours chronologique. Tout y est. Femmes-maisons qui nous projettent dans la complexité du Moi, totems que nous regretterons de ne pas voir plantés dans le sol, comme l'artiste le désirait initialement, Janus qui dans toute leur bipolarité révèlent la métamorphose, l'ambiguïté de l'oeuvre, du sens, de l'identité. Mais la magie n'opère toujours pas. Les salles de Beaubourg, si parfaites pour le moderne, étouffent, tassent, obscurcissent les oeuvres, les installations. Les pas se succèdent sans guider, l'attention bandée pour s'accrocher le moment venu à cette pierre d'achoppement qui m'offrira mon passe pour l'envers de l'exposition, celui de l'appropriation, de la compréhension.
4e salle. Une oreille tendue, "Maman, pourquoi ils ont pas mis "bois" aussi pour décrire l'oeuvre ?" et ce socle de présentation brille par son absence sur le cartel de Femme-Maison. Parmi les chuchotements adultes, la justesse de cette phrase interpelle et le regard s'ouvre. Enfin. Ce socle de bois brut plante ses racines. Dans le sol, en chacun. Dans une ascendance salvatrice, la tête remonte du végétal chaud vers la brillance du marbre blanc minéral. Les formes se découpent, rondes à la pulpe du doigt d'abord. Elles dessinent peu à peu la femme, celle qui d'une main douce et ferme nous attire vers cette tête-maison et son intérieur. La porte s'entrouvre, le portier me fait signe et je me faufile dans le nid. Une femme parle à une femme et loin des psychanalyses omniprésentes, je perçois notre génétique commune, inconscient collectif partagé depuis des siècles. Qui m'entraîne dans ses lieux de mémoire…

Le nez pique. La poussière du grenier de ma grand-mère et ses araignées. Petite fille voyeuse, je jette un oeil par le trou de la serrure, excitée et craintive à l'idée de surprendre papa et maman dans leur lit dans Red Room. La fantasmagorie bourgeoise s'insinue et les installations des salles 5 et 6 gênent autant qu'elles fascinent, entre sexualité, hérédité, candeur et perversion. Cependant ce rêve de vide-grenier ne dure que de brefs instants, rattrapé une fois encore par l'architecture des salles de Beaubourg qui nous distancie des dernières oeuvres, toutes de tissu et de maternité.

Que dire… La plus grande artiste française, la plus internationalement connue, s'expose donc à Beaubourg, chantre de la modernité. Je persiste dans la liberté du "je" pour regretter l'absence totale de photographies de l'artiste, ainsi qu'une scénographie trop distanciée, même si les murs y sont pour plus que le rôle même du curateur, malheureusement. Et je reste sur cette interrogation déjà soulevée lors de l'exposition Annette Messager en 2007, ce 6e étage est-il vraiment l'espace le mieux adapté à l'art contemporain (et ses grandes installations) ou tout au moins à ces univers si personnels ? Entrer dans de tels oeuvres, c'est entrer dans l'épidermique de l'artiste, cet inconscient qui véhicule la puissance et la justification de l'objet créé. Chose faite avec Bourgeois, mais à la salle 4. Ne reste qu'à espérer que cette exposition somme ne soit pas la dernière de cette femme encore si prolixe à plus de 95 ans.
 
Caroline Spindler
Paris, mai 2008
 
 
Louise Bourgeois, 5 mars au 2 juin 2008,  www.centrepompidou.fr
Centre Pompidou, Place Georges Pompidou, 75004 Paris, tél : +33 1 44 78 12 33

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