Images peu communes
L'il visionnaire Proust |
La Bibliothèque nationale de France vient de rendre hommage à Proust. Je ne voudrais pas parler ici de la récente exposition Marcel Proust, L'écriture et les arts, qui a eu lieu dans la sinistre techno-nécropole du site Tolbiac, laborieux fourre-tout anecdotique qui réduisait Proust à la caricature de l'un de ses modèles. Je voudrais plutôt parler d'une petite exposition de photographies qu'il fallait trouver dans le bon vieux palais de la rue de Richelieu, au Cabinet des estampes et de la photographie, Marcel Proust, La figure des pays. Cette exposition-là était tout ce que l'autre n'était pas : un retour aux sources d'une grande fraîcheur, une méditation visuelle sur le fugitif et le permanent, toute imprégnée d'esprit proustien.
La démarche intuitive, réceptive et patiente du photographe a connu de rares moments de hasards poétiques. Ainsi, lorsqu'il photographiait la cathédrale d'Amiens, songeant aux propos de Proust sur les dangers que les zeppelins faisaient courir aux cathédrales pendant la guerre, I'un de ces aéronefs (publicitaire, celui-là) entra dans son champ de vision au-dessus des voussures du portail. Cette photo est reproduite dans le livre et l'histoire est rapportée par Nadine Beauthéac-Bouchart dans son émouvante préface. Autre hasard, la découverte aux Puces d'un ancien appareil de prise de vue panoramique à obturateur pivotant. C'est avec cet appareil que le photographe est parti à la recherche de l'auteur de la Recherche. Or, ce type d'appareil introduit une courbure de la ligne d'horizon dans le champ de vision. Si beaucoup de photographes utilisent les aberrations optiques de ce type pour produire des "effets" dans leurs uvres, François-Xavier Bouchart n'en fait rien. Au contraire, il s'ingénie à faire fondre la courbure dans le paysage, mettant en valeur l'arabesque d'un sentier (à Tansonville), soulignant les jeux de la mer et des falaises ou encore la ligne d'horizon d'un château (celui des Guermantes) perché sur une colline boisée. La technique reste toujours au service de la vision.
Rien de hâtif, d'instantané, dans ces photos. Chacune d'elles porte pour ainsi dire le souvenir des heures et des journées d'affût passées à saisir le moment propice, I'instant d'un rare bonheur, celui du temps retrouvé.
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*Photographies de François-Xavier Bouchart, Marcel Proust, La figure des pays.
Flammarion, 1999. 128 pages, format à l'italienne.
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