Si elle habite rue de Panama (quartier de la Goutte d'Or à Paris), son travail ne peut pas être taxé de complaisant, avec même une spontanéité, comme un "jeté" d'art brut. On ne peut pas non plus parler de photographie abstraite ou naÏve bien que ces prises de vues de détails portuaires faites aux cours de ses voyages (La Rochelle, Sète, Tanger, Essaouira, Tokyo et Sydney) nous forcent à constater que ses sujets représentent toujours des productions dues à la main de l'homme, laissées ou pas, aux outrages du temps.

Cathy Bion, Triptyque

Dans la vivacité des couleurs (ces dernières étant aussi importantes que l'air qu'elle respire) apparaît un fort sentiment humaniste, un cri "primal" : ce ne sont que des "portraits d'artefacts culturels" des mondes qui l'interpelle et qu'elle interroge, très attirée par leurs facettes spirituelles. Elle a choisi l'appareil photo pour raconter des "histoires" sur ces lieux marins, symbole, dit-elle, du "multilinguisme", de la "multiculture" (elle parle ces diverses langues et les utilise dans son travail de subsistance), et surtout de "l'ouverture". Cet "horizon" indispensable compense l'étouffement dû à la société parisienne d'aujourd'hui, là même où elle vit. Son discours intuitif se matérialise sous la forme de triptyques de grands formats, qu'elle aime exposer dans des lieux vivants comme l'âme de ses images. Cathy Bion transcrit le brouhaha des ports, carrefours chargés humainement et historiquement, par le silence de la couleur et de la matière.

Cathy Bion, Sète, 2000

Fort heureusement, elle voyage, car on se demande quand cette abeille laborieuse aurait le temps de photographier. Elle vole d'ateliers d'enfants (alphabétisation...) en association pour artistes (Voeux d'artistes, ateliers de Mésnilmontant) ou collabore a de nombreuses actions (livres, formations) tout en continuant "Plur'Art" voué aux échanges culturels avec Tokyo (elle travaille aussi pour un magazine japonais), Bangkok, Hong-kong, et récemment le Maroc. La presse locale l'appelle la "plasticienne sociale". Cathy Bion va "trouver son Orient", ou, peut-être plus loin, qui sait !.

Philippe Agea