Il y a une affinité fondamentale entre l'œuvre d'art et l'acte de résistance
|
"Il y a une affinité fondamentale entre l'œuvre d'art et l'acte de résistance" telle est la problématique de la dixième Biennale de l'Image en Mouvement. Cette citation de Gilles Deleuze pose un problème actuel : l'œuvre d'art comme acte de résistance. Aujourd'hui, l'art, et l'action artistique peuvent-ils subvertir les pouvoirs économiques ou politiques sans se retirer du monde ou sans sombrer dans des violences destructrices ? Pour répondre à ce débat, quatre artistes ont été mis en avant dans la section Rétrospectives.
Artavazd Pelechian, artiste d'origine arménienne, présente une série de films des trente dernières années où il parle de son présent, réunit des personnes représentées dans une généralisation sociale et politique du travail et de ses attributs. Ainsi il nous fais prendre conscience de ce qui est typique, à travers l'image de tout un peuple.
Jean-Marie Straub et Danièle Huillet avec une critique de la représentation et du capitalisme toujours aussi forte, reprennent un poème intitulé Toute révolution est un coup de dés de Mallarmé, en le faisant "réciter" à des comédiens. Le jeu des dialogues, et des voix plongent le spectateur dans un univers particulier, déconstruit, absent et présent à la fois. Cette forme de cinéma peu habituelle, qu'il est intéressante de découvrir, explique la mise à l'écart de ces artistes par certains festivals.
William Kentridge avec sa technique caractéristique (dessin au fusain avec ajout/effacement de motifs) présente des petits films d'animation qui mettent en scène le plus souvent Soho Eckstein (magnat de l'immobilier) et Felix Teitlebaum (grand angoissé dont l'anxiété envahit tout autour de lui). Ces deux personnages sont prétextes à des voyages : au centre d'une mine, à l'hôpital, à Paris… ou à des scènes étranges de procession, de coma, ou encore au récit d'une journée d'un dictateur. Ces films en noir et blanc nous plongent au cœur des peurs, des fantasmes et des délires des personnages ; on en redemande.
Harun Farocki, mêle dans ses films : l'image, le texte et l'animation. Toujours dans un acte de dénonciation, il traite des thèmes qui lui sont chers, tels la guerre, la prison, la révolution, la surveillance…Actes de politique ou de résistance, ces films nous plongent au cœur de notre société.
Dans la section Focus, s'exprime l'engagement des artistes plus jeunes. On y retrouve quelques films ou mini rétrospectives d'artistes internationaux. Ainsi Gianni Motti pratique l'infiltration dans une procession (à la place du mort), à la télévision, à l'ONU… Valérie Jouve interroge l'interaction des habitants d'une citée marseillaise avec le milieu urbain, architectural telle une étude sociologique. Clarisse Hahn s'investit toujours dans ses projets au point de partager la vie, - de faire expérience de - . Ainsi elle a vécu quinze jours dans le département gériatrie dans un hôpital, partagé l'appartement d'Ovidie (actrice porno) pendant un an… Ses thèmes favoris - la mort et le sexe - sont traités dans un surréalisme féminin contemporain.
Dans la section Swiss Art Vidéolobby , la BIM présente de nombreux artistes suisses. Comme dans un vidéoclub, le spectateur demande à l'hôtesse le titre qu'il désire avant de se placer devant un téléviseur. Ce système ingénieux de présentation permet de voir de nombreuses vidéos de son propre choix, il est néanmoins regrettable que seuls les artistes suisses puissent jouir de ce système. Les vidéos des dix dernières années présentent des artistes le plus souvent de réputation internationale : Olaf Breuning, Sylvie Fleury, Fabrice Gygi, Pipilotti Rist, Ugo Rondinone, Ursula Biemann, Thomas Hirschhorn…dans des factures et des débats complètements différents.
La BIM présente un programme très riche, et il est donc impossible de tout visionner : il faut nécessairement faire des choix. A coté des sections précédentes, on retrouve d'autres sections Cartes Blanches, Expositions, Traverses, et Compétitions… Toutefois, il semble que la dixième édition de la BIM a fait le choix du style "documentaire", et de nombreuses vidéos témoignent de cette influence. La technique, le fantastique, la fiction, la narration sont de moins en moins présent au profit d'un style presque descriptif. Tel est le parti pris de la BIM.
Clément Nouet Genève, Décembre 2003
|