"L'Atelier Blanc" a ouvert ses portes récemment à Villefranche-de-Rouergue, dans l'Aveyron. Pour sa deuxième exposition, il présente des peintures de Benyounès Semtati, artiste d'origine marocaine qui s'intéresse à la figure de l'homme tel que la société le modèle.
personnages massifs bruts |
Benyounès Semtati est le deuxième artiste que présente "L'Atelier Blanc", tout nouveau lieu d'exposition à Villefranche-de-Rouergue. L'Atelier Blanc, sis au bord de l'Aveyron, est avant tout une charmante demeure privée, dans un quartier excentré de la ville, dont la grange a été aménagée pour accueillir de l'art contemporain. Pierrette et André Villemagne, propriétaires des lieux, ont pris l'initiative d'introduire l'art contemporain dans une ville où il n'est presque pas présent. Après une première exposition du jeune peintre Xavier Drong (exposition préfacée par Eric de Chassey), ils montrent Benyounès Semtati, artiste marocain né en 1966, qui vit et travaille à Paris et dont on a pu voir des œuvres au Centre Pompidou lors d'"Africa Remix".
Il y a peu de rapport entre la paisible ville rouergate et les œuvres qu'on découvre ici. Mais l'aménagement réussi de la petite salle d'exposition et l'engagement dans l'art des maîtres des lieux rendent l'exposition convaincante. Celle-ci s'intitule "Le Pouvoir". Il s'agit pour la plupart d'huiles (à laquelle s'ajoute parfois le fusain). De format plutôt grand, elles se regroupent en séries, parfois en polyptyques. Les figures sont en noir et blanc. Réalisées sur papier, elles sont découpées selon leur contour et marouflées sur une toile laissée blanche. Ce sont des figures saisissantes. Dans une série de format vertical, des personnages sans visage en costumes d'hommes d'affaire de la City, raides, clones les uns des autres, s'emboîtent et se traversent, dans une espèce de violence indifférente. On découvre aussi une foule : des personnages de tous genres qui s'entremêlent, se chevauchent. Sur l'un des panneaux d'un triptyque, on peut voir une tête boursouflée qui tire une langue monstrueuse d'étranglé ; ailleurs se construit un damier occupé par des sortes de hiéroglyphes personnels, motifs de la vie quotidienne. La question qui habite indéniablement l'œuvre est celle de la représentation. Une telle préoccupation semble aller de soi. Pourtant, la réception critique serait probablement peu indulgente avec une peinture qui s'occupe avant tout de représentation s'il s'agissait d'un artiste d'origine occidentale, française en particulier. Il est heureux, donc, que la question puisse être abordée à partir d'autres points de vue. Benyounès Semtati entend représenter le monde d'aujourd'hui, sans distinction de continent. Il n'y a pas à discerner ici de quête identitaire, comme on l'a sans doute trop dit au sujet des artistes qui exposaient dans "Africa Remix". C'est un monde qui est tour à tour celui de Paris, de New York ou du Maroc. En revanche, la recherche d'un style personnel, qui ne relève ni de la figuration occidentale ni de motifs orientaux, est évidente (et réussie). Représenter, pour Benyounès Semtati, consiste d'abord à isoler des figures qu'on perçoit comme le résultat de la société. Les personnages y sont massifs, bruts, sans profondeur : à travers eux, on devine la force de compression de la société. Ce sont aussi des personnages qui, avec leurs épaules chargées et leurs articulations épaisses, tentent malgré tout de s'affirmer, d'imposer au regard leur propre survie. Représenter, c'est donc également mettre en avant les modes de résistance, quels qu'ils soient, et les particularités de la survie.
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Benyounès Semtati, "Le Pouvoir", du 14 juillet au 30 septembre 2005
L’Atelier Blanc, Galerie d’Art Contemporain, Chemin de la Rive Droite, 12200 Villefranche-de-Rouergue www.villefranche.com
Le jeudi de 10h à 12h et de 14h à 18h, du vendredi au dimanche inclus de 14h à 19h, et sur R.V. au +33 (0)6 30 53 37 92.
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