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Rappel à tous de notre mortalité |
Vladimir Vélickovic
Ernest Pignon-Ernest
Il est deux façons de ruser avec la mort : en prendre le contre-pied dans l'exaltation de la chair qui se dévoile ; la défier dans la célébration de la chair qui se décharne.
Les corps de Aixe-sur-Vienne se situent en deçà ou au-delà de cette borne quand ils ne se placent pas sur la frontière comme ces carnavals qui frôlent la danse macabre. Carnations des visages ou des corps de belles dames ou d'hommes en désir et par-là même désirables, ou décomposition à l'œuvre avant son temps. Graves, qu'ils soient torturés ou sereins. Evitant le regard le plus souvent, de peur de livrer une connaissance intransmissible. Regardez-moi qui ne vous regarde pas, occupé/e par la fixité de ma contemplation du vide qui m'envahit. Cris muets, concentrations internes. Et ce vertige qui nous saisit face à ces figures qui figurent l'infigurable. La plupart ont choisi de relever le défi de témoigner d'ici de notre corps là-bas quand il ne sera plus guère et pourtant qu'il perdurera quand même encore un peu dans un mouvement de désêtre vers l'informe qui le gagne. Peut-on déjà, ici, conjurer ce dénuement progressif, cette matière en marche au fond de nous ? Peut-on montrer aux vivants la vie cachée de nos cellules qui nous survivent dans leur transformation ? Peut-on révéler le secret de nos secrétions toujours vivaces, de nos ongles qui s'allongent en griffes, de nos cheveux qui recouvrent une peau qui s'en va ? Nos éléments se mélangent, nous donnons vie à des vies minuscules qui nous prolongent par lambeaux qui se séparent. Notre belle âme est partie et notre corps se liquéfie. Tout a déjà commencé de notre vivant, mais l'homme tire son génie de savoir ce qui l'attend là-bas. L'artiste ne veut pas oublier comme le reste de l'humanité ce à quoi il est promu : sa dissolution dans l'élémentaire. Emmanuelle Renard
Avant de s'y fondre, il veut représenter, il veut présenter ce qui nous est à tous dévolu, il s'ouvre à ce grouillement qu'il pressent, il désire que ce qui se défait se fige sur sa toile ou dans sa sculpture, à la fois comme rappel de l'éphémère et comme triomphe sur lui.
Rappel à tous de notre mortalité et rappel aussi que l'homme s'en nourrit pour l'immortaliser en œuvre, fût-elle périssable elle-même. Cette mutation de la chair dégradée dans une évocation qui lui rend hommage, c'est le souffle de l'homme qui, sans dieu, met définitivement de l'âme dans ce qui allait la perdre à jamais. Tradition belge des James Ensor, Léon Spillaert, Jean Ray (John Flanders), Michel de Ghelderode, Jacques Feyder, Georges Rodenbach, Thomas Owen, Emile Verhaeren, Benoît Peeters et François Schuiten, ou les groupes de Laethem Saint-Martin… Présence de ce qui va s'absenter, retour de ce qu'on croyait parti sous une dalle de pierre, préfiguration de ce qui se délite dès à présent dans le silence de nos profondeurs refoulées, éloge de ce que notre civilisation de meurtres essaie d'occulter de la mort qui doit nous advenir de toute façon. Le verbe s'est fait chair, prétend-on, la chair ici se fait corps, le corps même de l'œuvre cependant que la chair qui le composait se corrompt et ne fait plus trace que par et dans sa présentation dans l'art, vie du corps au-delà de la mort du corps.
Axel Cassel
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exposition "Au-delà du corps", centre culturel Jacques Prévert, Aixe sur Vienne, tél : +33 (0)5 55 70 77 00, www.audeladucorps.fr.st
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