L'art égyptien au temps des Pyramides, exporevue, magazine, art vivant et actualité
L'art égyptien au temps des Pyramides
Ancien Empire









Corps humain









Couleur









Désert









Nil









Ibis









Femmes









Fouilles









Humanité









Visages

L'Ancien Empire d'Egypte (vers 2700-2200 avant J.-C.) se résume souvent au temps des pyramides. Des rois des quatre dynasties (de la IIIe à la VIe) qui se sont succédés, certains sont entrés dans la légende : Djéser, Chéops, Chéphren, Mykérinos. C'est pour eux que furent érigés des monuments grandioses et c'est aussi sous leur règne que les arts (sculpture, céramique, joaillerie...) connurent un développement et un épanouissement extraordinaires.

L'Egypte exerce toujours une véritable fascination sur le public qui l'identifie souvent aux pharaons Aménophis III, Toutânkhamon, Ramsès III et au Nouvel Empire. On oublie parfois que l'histoire pharaonique couvre plusieurs millénaires et que les pyramides colossales et le sphinx de Gizeh furent élevés plus de mille ans avant la fameuse XVIIIe dynastie. L'exposition du Grand Palais est ainsi la première à être entièrement dédiée aux quelques cinq siècles de l'Ancien Empire. Elle s'attache d'abord à faire découvrir l'évolution de la sculpture, la monumentalité de la statuaire, les variations dans les représentations du corps humain, le sens de la composition, l'art de la couleur...

Cette exposition est avant tout l'aboutissement de dix années de travail. Le projet est né à la faveur de l'étude, puis de la publication des riches collections du Louvre. Elle s'inscrit donc dans le renouveau que la recherche connaît actuellement en ce domaine. Elle bénéficie notamment des résultats d'un travail collectif entrepris par les meilleurs spécialistes au sein du Groupe de Recherche sur l'Art de l'Ancien Empire. Les débats, les colloques et les publications qui se sont succédés depuis 1991 à l'Institut allemand d'archéologie du Caire, à l'Institut français d'archéologie orientale du Caire et au musée du Louvre éclairent aujourd'hui la création artistique de cette période d'un jour tout à fait nouveau, notamment dans le domaine de la chronologie et des critères de datation, explique Christiane Ziegler, commissaire de l'exposition et conservateur général, chargé du département des Antiquités égyptiennes au musée du Louvre.

Les IIIe et IVe dynasties

Après une chronologie qui permet de resituer la période de l'Ancien Empire, le visiteur entre dans l'exposition comme dans une pyramide ou un mastaba (tombe privée ou maison d'éternité), par un petit couloir sombre de quelques mètres seulement, mais l'illusion est réussie : on se croirait dans un long corridor mystérieux. On arrive alors dans la première salle, accueilli par Sépa, Grand des dizaines du Sud, prêtre de Nezer et Kkherty, et la Dame Nésa, son épouse. Assez massifs et rigides, ils ouvrent les portes de l'ancienne Egypte. Le décor est planté, il n'y a plus qu'à se laisser porter de salle en salle en suivant la chronologie des dynasties, de la IIIe à la VIe. L'éclairage est feutré, les couleurs au sol et sur les murs lumineuses : dominantes d'ocre/rouge et vert/bleu, empruntées à la palette égyptienne et évoquant le désert, le Nil et le ciel. Cette gamme contraste avec les œuvres souvent en calcaire et les met en valeur comme l'ont souhaité Christiane Ziegler et le scénographe de l'exposition Jean-François Bodin (exposition Rothko, réaménagement de Beaubourg).

Une faïence bleu/vert (panneau : 113 x 73,05 cm, avec des plaquettes de 6,5 x 4 cm en quartz glaçuré) resplendit. Elle provient d'un décor de la pyramide de Djéser (pharaon entre 2700-2670 avant J.-C.) qui ne comptait pas moins de 36 000 de ces plaquettes.
Au centre de la salle, une installation met en scène, au-dessus de caissons remplis de sable, deux statues dans des vitrines : l'une de la princesse Redjief en basalte, l'autre du prince Ânkh en granite porphyroïde gris. On reconnaît le style de la IIIe dynastie aux visages tout en rondeurs, aux sièges à arcatures sur lesquels ils sont assis, aux opulentes perruques tripartites, aux grands yeux ourlés et aux larges bouches.
Sur la gauche, on contemple un panneau en bois d'acacia, avec Hézyrê, directeur des scribes du roi Djéser, sculpté dans un léger relief. Ou encore le diadème en cuivre doré et bois qui montre deux ibis évoquant sans doute l'esprit de la défunte, une femme de la famille royale.

Avec la IVe dynastie, des évolutions apparaissent. Si les statues individuelles de femmes sont rares à l'Ancien Empire, quelques-unes comme la Femme en albâtre (h : 48,5 cm) comptent parmi les plus belles œuvres de l'époque. Elle était autrefois peinte et porte des traces de couleur noire sur la perruque. Si l'on compare cette figure à celle de la Dame de Nésa, on découvre une silhouette moins massive et une construction plus harmonieuse qui vient servir admirablement la pierre translucide, souligne Christiane Ziegler. Les décors peints (un semeur qui lève le fouet, et deux têtes de bœufs qui tirent une charrue) de la tombe d'Atet (femme de Néfermaât, vizir) marquent une étape importante du point de vue stylistique et iconographique dans l'art égyptien. Pour la première fois, des images et motifs apparaissent, qui allaient devenir courants pendant le reste de l'Ancien Empire. On fait une halte dans un salle intermédiaire avec des maquettes de monuments funéraires de Gizeh à Saqqara et des extraits d'une vidéo, Les mystères des pyramides, qui plongent dans les sites archéologiques égyptiens, et leurs fouilles.

Dans la salle suivante, la plus grande, le plafond a été rabaissé par une frise qui court sur le mur au tiers de sa hauteur pour que les œuvres ne se perdent pas dans l'espace car la statuaire est à échelle humaine, explique Christiane Ziegler. Là, un bloc en calcaire de la pyramide de Chéops (-2590-2565) est exposé. Suivant son étude et celle de la pyramide (d'une hauteur de 146 m, constituée de 2 300 000 blocs), les ouvriers devaient pour une journée de dix heures de travail poser en moyenne un bloc toutes les 2 ou 3 minutes ! Plus gracieux, deux bracelets en argent, turquoise, cornaline et lapis-lazuli de la reine Hetepherès, mère de Chéops ont été retrouvés parmi les débris d'une grande boîte en bois.

On s'attarde sur le portrait du roi Djedefrê (fils et successeur de Chéops) en grès silicifié rouge. La ligne fuyante de son menton, sa mâchoire forte, ses pommettes saillantes, sa bouche renflée lui confère une brutalité expressive qui tempèrent des notations plus subtiles comme la dépression sous l'œil ou le foncement de l'orbiculaire aux commissures de lèvres. Le tout compose un portrait du roi bien éloigné des impassibles effigies de son successeur Chéphren, affirme Christiane Ziegler. Puis, c'est l'étonnement avec la statue du prince Setka (figuré sous l'aspect d'un lettré : scribe), fils aîné de Djedefrê, en granite porphyroïde rose dont la base semi-circulaire est encastrée dans deux socles gigognes, l'une en bois, l'autre en calcaire. C'est ensuite aux statues de Chéphren (-2558-2533) d'être mises en scène. La plupart sont réduites à des fragments d'albâtre, de quartize, de granite noir ou de schiste. Mais il y en a des spectaculaires comme celle de Chéphren assis, à la musculature bien dessinée qui dégage une forte impression de puissance. Plus spectaculaires encore celle de la Triade de Mykérinos (-2532-2515) : le roi entre deux divinités féminines. Ou celle de Mykérinos et de son épouse : le couple adossé à une large dalle est uni par un geste affectueux de la reine enlaçant son époux. Cette attitude donne une humanité nouvelle au couple royal qui sert de modèle pour la statuaire privée dans les mastabas : statues de Katep et son épouse Hetepherès, celles de Iaib et son épouse Khouaout ou encore celles de Mémi, la main sur le sein gauche de son épouse Sabou. Au mur, dans des niches, se trouvent les statues de l'artisan Intichédou en calcaire peint en brun rougeâtre, brun clair, noir. Le sculpteur a réalisé des visages, des musculatures et des largeurs d'épaules correspondant aux différentes étapes de la vie de l'artisan. Saisissant.

Les Ve et VIe dynasties

Dans la quatrième salle, la tête géante (h : 75 cm) du premier roi de la Ve dynastie, Ouserkaf (-2500-2492) s'impose. Le visage du roi frappe pourtant par sa simplicité et sa stylisation. Cette représentation du souverain perpétue le style raffiné des statues de Mykérinos. Provenant du complexe pyramidal d'Ouserkaf, un petit relief sculpté attire l'attention : deux oiseaux s'embrassent. Il reste quelques traces de couleur verte sur les tiges de papyrus. Voir des fragments présente ici des avantages : l'œil est amené à se focaliser sur des détails de l'iconographie qui risqueraient d'échapper au spectateur confronté à des compositions entières. Plus loin et dans un tout autre registre, la statue du roi Sahourê (-2492-2480) avec le dieu d'un nome apparaît comme une image imposante de majesté et de force, en présence des dieux du pays. Le visiteur se dirige ensuite vers la cinquième salle avec sa rotonde. La pièce peinte en bleue renferme des petits modèles ou statuettes de travailleurs ou statuettes de rôle (environ 30 cm) retrouvées dans des tombes privées. Œuvres rares qu'il n'est pas commun de voir, elles sont mises en valeur sur des socles : Boucher, Nain Musicien, Boulangère, Potier au travail...
Un régal.

Puis, vient la VIe dynastie. On croise la statue en schiste de Pépi Ier agenouillé (-2339-2297) avec des yeux incrustés d'albâtre et d'obsidienne, enchâssés de cuivre, dont les traits aux joues larges, au menton large sont hardis et saisissants. On s'attend à tout moment à le voir se lever. Mais non, il reste là. Non loin, on passe devant la sculpture en albâtre de Pépi II (-2292-2203) assis en travers des genoux de sa mère, la reine Ânkhenès-Méryrê II. Le visiteur serait déçu de ne pas voir, à un moment ou à un autre, le célèbre Scribe du Louvre en calcaire peint : en rouge (carnation) et noir (cheveux, sourcils), aux yeux incrustés de cristal de roche (iris perforé et peint sur sa face postérieure) et cuivre à l'arsenic (cerclage). Chef-d'œuvre de l'Ancien Empire, des incertitudes planent encore sur sa datation exacte : son contexte archéologique est mal connu, le thème du scribe apparaît dès la IVe dynastie mais on ne trouve aucune similitude pour le visage; la représentation de l'obésité (ses plis au ventre) caractérise certaines créations de la VIe dynastie, mais la même période se distingue par l'évidement entre les bras et le torse... Il termine l'exposition et laisse une drôle d'impression avec l'incrustation de ses yeux en amande, cerclés de cuivre, qui lui donne une vivacité exceptionnelle du regard.

Par la qualité de leur architecture et de leur art, les Egyptiens, tout entier tendus vers leur quête d'immortalité, ont réalisé leur rêve : vaincre le temps, triompher de l'oubli, rester dans la mémoire des hommes, c'est-à-dire dans l'instant présent, comme ici, grâce à cette exposition.

Muriel Carbonnet

Grand Palais, entrée Square Jean Perrin, Paris 8e, France, jusqu'au 12 juillet 1999.
Catalogue : L'art ancien au temps des pyramides, prix de lancement 290 FF au lieu de 340 FF jusqu'au 12 juillet.

D'autres informations dans le GuideAgenda
Imprimer l'article

exporevue accueil     Art Vivant     édito     Ecrits     Questions     2001     2000     1999     thémes     haut de page