Au San Francisco Museum of Modern Art
Diane Arbus Révélations



A Young Brooklyn family going on a Sunday outgoing,
N.Y.C., 1966, © The Estate of Diane Arbus LLC


Diane Arbus, Woman with a veil on Fifth Avenue,
N.Y.C., 1968, © The Estate of Diane Arbus LLC
capacité



d'abstraction






"anthropologue



contemporaine"






portrait



troublant






extraordinaire



actualité


Le SFMoMA accueille actuellement l'exposition la plus complète qui ait jamais été consacrée à la photographe américaine Diane Arbus depuis son suicide en 1971. De son vivant, son travail fut notamment présenté en 1967, avec celui de Garry Winogrand et de Lee Friedlander, dans une importante exposition au MoMA de New York intitulée New Documents. Cette manifestation, qui la rendit célèbre, apparut alors comme un vaste portrait de l'Amérique des années soixante. Ce qui rapproche les trois photographes est en effet le paysage social américain, capable du meilleur comme du pire.

Contrairement à ses confrères, Diane Arbus (1923-1971) concentre son l'activité à New York et à ses alentours. Elle y fait ses débuts en tant que photographe de mode et travaille pour des magazines prestigieux comme Harper's Bazaar et Esquire. A partir du milieu des années cinquante, Arbus se consacre de plus en plus à des travaux d'inspiration plus personnelle.

Fascinée par le monde du cirque (Albino sword swallower at a carnival, Md., 1970) et par tous ceux qui sont "différents" (A Jewish giant at home with his parents in the Bronx, N.Y., 1970), Arbus dresse le portrait d'une Amérique hors norme.
Dès le début, elle mène une réflexion sur l'apparence et l'identité, ce qui l'amène à photographier des travestis, des gens déguisés et fardés. A young man in curlers at home on West 20th Street, N.Y.C. (1966) est une de ces images troublantes. La curieuse réalité de ce portrait saute au visage. Il s'agit d'un jeune homme maquillé, fumant une cigarette avec des bigoudis sur la tête. Mais cette apparente banalité est vite rattrapée par une vérité plus crue, plus douloureuse aussi, celle d'un homme en quête de son identité.

En cette capacité d'abstraction réside la force de Diane Arbus. Elle ne sublime rien et ne juge pas, mais dresse un simple constat. Cette présentation sans artifice des choses et des gens tels qu'ils sont, fait d'autant plus apparaître leur particularité. Ses photographies ne sont plus des portraits de gens en particulier, mais de la société américaine en général. Woman with a veil on Fifth Avenue, N.Y.C. (1968) nous présente l'Amérique hautaine et riche, satisfaite d'elle même et orgueilleuse. A Young Brooklyn family going on a Sunday outgoing, N.Y.C. (1966) illustre la situation de jeunes couples en difficulté. La tristesse surtout que l'on lit dans les yeux de la jeune mère est touchante. La petite fille de Child selling plastic orchids at night, N.Y.C. (1963) dévoile davantage la situation précaire d'une partie de la société.

Véritable "anthropologue contemporaine", Diane Arbus photographie les allégories de l'Amérique d'après-guerre. Elle fait de ces modèles des icônes se situant à mi-chemin entre réalité et illusion. Si ces œuvres nous touchent c'est aussi parce qu'elles sont très directes. Les gens posent en regardant l'appareil de face, conscients de leur collaboration avec l'artiste. Le regard des modèles implique directement le spectateur dans l'image, allant jusqu'à la transformer en voyeur (Retired man and his wife at home in a nudist camp one morning, N.J., 1963).

En mélangeant le familier avec le bizarre, Diane Arbus dresse un portrait troublant de l'Amérique des années soixante. Des marginaux et des excentriques, des nudistes et des enfants, nous présentent les codes, les rituels et les utopies d'une génération qui connaîtra de profonds bouleversements vers 1968-1969. Arbus montre avec une rare humanité la fragilité et la particularité des "originaux". En même temps, sa finesse et la justesse de son regard, subliment la banalité. Plus troublant encore est peut-être l'extraordinaire actualité de ses photographies. La société contemporaine d'Arbus n'est-elle pas quelque part la nôtre ?

Après San Francisco, l’exposition "Diane Arbus Révélations" sera présentée dans plusieurs autres villes américaines avant d’être présentée en Europe en 2005. Essen (Folkwang Museum, juin-septembre) et Londres (Victoria and Albert Museum, octobre-janvier 2006) sont les villes qui auront la chance d’accueillir cette fascinante exposition.

Sophie Richard
Paris, février 2004



A young man in curlers at home on West 20th Street,
N.Y.C., 1966 (© The Estate of Diane Arbus LLC

Diane Arbus Revelations, San Francisco Museum of Modern Art, 151, Third Street, San Francisco
Tous les jours sauf mercredi de 11h à 18h, jeudi jusqu'à 21h, jusqu'au 8 février
tél. : 001 415 357 4000, catalogue : Random House Publication, 200 ill., 320 p., $50.
 
www.sfmoma.org

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