Anselm Kiefer à la Villa Médicis, Rome
 
 
Œuvres monumentales, pureté parfois abrupte d'un poète pétri de culture classique, exploration des mythes fondateurs, temps suspendu, matériaux bruts, silence absolu, allusions coupables aux grands désastres de l'histoire européenne, Kiefer offre une vision esthétique de femmes de tête sans visages, imprégnées de l'histoire universelle…
"Les Femmes"


émotion

pure


esthétique

rigoureuse

silencieuse

 
Anselm Kiefer
 

Peintre allemand, né en 1945 dans le Bade-Wurtemberg, Anselm Kiefer a travaillé auprès de Joseph Beuys, ses œuvres souvent monumentales sont présentes dans les plus grands musées et fondations du monde. Il exerce un travail sur la mémoire. Artiste prolifique, poète, photographe, sculpteur, grand voyageur, il cherche la vérité dans l'Histoire, sans les repères de laquelle l'Homme ne saurait se trouver. "Pour se connaître soi, il faut connaître son peuple, son histoire… j'ai donc plongé dans l'Histoire, réveillé la mémoire, non pour changer la politique, mais pour me changer moi, et puisé dans les mythes pour exprimer mon émotion. C'était une réalité trop lourde pour être réelle, il fallait passer par le mythe pour la restituer".

 
Anselm Kiefer
 

La Villa Médicis lui consacre une exposition majeure intitulée "Les Femmes", "Die Frauen", centrée sur son univers labyrinthique, parcourant l'histoire tragique allemande "champ de bataille de l'Europe, Théâtre du Destin", la Révolution française, et la mythologie. Tout ceci revisité au travers d'une allusion permanente à la femme.
Femmes sans tête, sublimes dans leurs robres de plâtre blanc, souillées par les intempéries ou le sang, taille fine, altière, immuables de féminité, d'élégance, dressées contre les avatars des guerres. Sont présentes Elektra, Circée, les reines de France, Sappho… héroïnes, reines, déesses… femmes de tête sans tête, immortalisées dans une mort sublime.

 
Anselm Kiefer
 

L'enchaînement de ces femmes au propre comme au figuré rythme l'exposition comme une litanie chargée d'émotion pure, d'esthétique rigoureuse et silencieuse.
Peu de texte, des matières brutes, une mise en scène dépouillée jusqu'à l'extrême, structurée comme une respiration, tout nous amène à prendre le temps de fouiller nos propres repères, à chercher dans nos mémoires.
Proche du Land Art, Kiefer utilise les matériaux dans leur brutalité, que l'eau, la rouille ont altérés, et toujours ce silence épais, cette noirceur de l'acier, du métal, cette charge émotionnelle qui passe par l'absence de mots. Allusive, cette présentation est limpide lorsque nous nous laissons pénétrer par le ressenti des formes, la densité des matières, et la contradiction apparente de l'élégance hiératique des statues supportant de lourdes chaînes, des livres colossaux, ou une représentation à peine ébauchée d'une histoire qui se livre en sous-entendus barbelés, cage à cochons de Circée, verres brisés et cheveux de Bérénice…

 
Anselm Kiefer
 

Parsemés au fil du voyage qui s'étend jusqu'aux magnifiques jardins de la Villa Médicis, quelques textes à main levée, écrits à la hâte au fusain sur les murs, scandent les noms d'illustre mémoire, Jaïa, Bérénice, Olympia, Kalypso… et nous ramènent à l'éphémère, et à la fragilité humaine.

Edith Herlemont-Lassiat
Rome, mars 2005

 
Anselm Kiefer
 

Anselm Kiefer, Villa Médicis, Académie de France, Rome
du 27 Janvier au 8 Mars 2005, photos © Marie Lassiat

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