Face à l'animal est une exposition organisée par la peintre Marie Sallantin, financée par Artsénat avec la participation du groupe Face à L'art et d'artistes invités.
Le jardin du Luxembourg, lieu historique "de la nature artificielle", construit au XVIIe siècle pour Catherine de Médicis, est devenu temporairement un territoire contemporain.
Dix sculpteurs montrent leurs œuvres sur le thème "animal-air-eau" dont la qualité est, pour la plupart d'entre elles, incontestable.

De manière poétique Haïm Kern fait observer l'aspect "social" chez les animaux fantastiques. De loin, l'amateur n'aperçoit qu'une sorte de cloche suspendue assez haut dans un grand arbre. En s'approchant, tout un spectacle s'ouvre à ses yeux : comme des abeilles qui volent autour de leur ruche, un tas des petites figurines en bronze que l'artiste appelle "la colonie de deusèles" semblent déployer leur vie. Cette nouvelle "espèce" est symbolique et lyrique au possible !

La notion de "territoire" qui désigne aussi la frontière entre l'homme et la nature, Yves Bodiou, la montre très clairement dans les eaux de la fontaine des Médicis. Derrière le spectaculaire Dimetrodon de Claude Lalanne qui crache de l'eau, l'artiste déploie trois nénuphars colorés en plastique. L'un porte une grenouille et deux grenades, l'autre une grenouille, une maison et deux grenades enfin le troisième une maison fermée et deux grenades. Ironiquement il intitule son œuvre "Grenouille-Grenade". Sous un aspect poétique, il montre comment l'homme, pénétrant sur le territoire naturel de l'animal, finit par le détruire. En laissant disparaître la grenouille sur un des nénuphars, le spectateur reste avec une impression violemment réaliste.

De façon très inspirée, l'exposition rassemble les œuvres d'autres artistes dont le nom d'Erik Dieteman n'est pas inconnu du public.
Nous avons également quatre sculptures en bronze de Nicolas Kennett dont le têtard et le papillon de nuit placés dans la fontaine Delacroix. Ils font tellement corps avec l'ensemble sculptural de cette fontaine que l'on n'aimerait pas les voir partir à la fin de l'exposition.
Nicolas d'Olce a inventé une raie rouge transparente.
François Weil, un mobile de granit en forme de pélican, Philippe Angot un papillon alvéolaire qui fait la joie des enfants.
François Briant pose derrière le grand bassin qui se trouve devant le Palais deux panneaux où l'animal est transfiguré en signe.
Mireille Crétinon laisse sur une pelouse une coccinelle sur pexiglas, Quentin Garel expose un crâne de canard en fonte de fer, d'après nature.
Luise Giamari, nous montre trois pièces dignes d'un cabinet de curiosité.
Enfin Tania Bruzs, des grandes éoliennes qui tournent au bon plaisir du vent. Humaniser l'animal, le prendre comme idole, acolyte, l'utiliser en tant que symbole, enfin tous ses artistes qui ont réfléchi et travaillé de manières différentes, nous inspirent quelques unes des plus importantes questions de notre siècle :
Quelle est notre place dans la nature ? Que peut-on peut apprendre des animaux ? Quels sont les liens organiques qui nous lient à la nature ? Quel est le territoire de l'animal et quel est le nôtre ?

Enfin, "La nature, même dans ses aspects les plus violents et apparemment incompréhensibles, semble exprimer une logique essentielle qui nous relie à une harmonie supérieure, quelque chose comme une clarté, une lumière intemporelle" écrit la peintre Solange Galazzo qui a présenté un guépard élastique aux couleurs de la savane dans l'exposition de peinture à l'Orangerie du Sénat qui, malheureusement, vient de se terminer.
L'homme, l'artiste et l'observateur, se trouvent face à l'animal jusqu'au 21 septembre 2003 dans le jardin du Luxembourg à Paris.

Anna Frandsen
Paris, juillet 2003