La vision abstraite de Frederic Anderson
 
 

Frederic Anderson

L'observation

de la réalité

ne cesse

d'être

sa source

d'inspiration

première

Tout commence en 1998 lorsque, las de créer d'après des photographies, Frederic Anderson décide d'observer la réalité. De ce changement de regard découle alors un style nouveau, vécu comme une véritable "libération". De ce défi, car la réalité bouge et change constamment, l'artiste sortira fortifié. Dès lors, le besoin de réalité et d'interrogation du monde extérieur devient insatiable. De très nombreux "life drawings" confirment ce nouvel engagement. Mais la vie anglaise ne correspond pas à cette quête et surtout à son besoin d'extérieur. A Londres, l'artiste passera l'hiver entier à sa fenêtre, à attendre que la pluie cesse.

C'en est assez pour motiver Anderson à se rendre en Italie, plus précisément dans le nord du pays, en Lombardie. Le choix de l'Italie ne peut être un hasard. Depuis toujours, des générations d'artistes s'y rendent en quête d'inspiration. Est-ce le climat méridional, la beauté des paysages, un certain mode de vie qui l'attire ? Qu'importe finalement, puisque l'artiste affirme que c'est en Italie qu'il a commencé "à vivre une vie plus réelle".

Frederic Anderson



Depuis, l'observation de la réalité n'a cessé d'être sa source d'inspiration première. Chevaux ou vaches, chênes ou peupliers deviennent ses principaux sujets, "parce qu'ils sont infatigables, honnêtes et inconscients d'eux-mêmes". Somme toute, peu importe le sujet, puisque ce qui compte avant tout pour Anderson, c'est de dessiner ou de peindre ce qu'il a devant lui. Il s'emploie à reproduire fidèlement les formes qu'il examine et pratique ainsi ce qu'il nomme la "vision abstraite".

La nature se modifie continuellement. Ainsi, la reproduction doit sans cesse se renouveler, s'adapter aux mouvements constants du végétal ou de l'animal. Un fougueux enchevêtrement de lignes, une juxtaposition rapide de différentes positions témoignent ainsi des déplacements d'un l'animal observé dans un laps de temps défini. Les "moving paintings" d'Anderson rappellent les travaux des Impressionnistes ou encore des Futuristes italiens. Mais pour lui, il ne s'agit pas tant de capter les changements de l'atmosphère ou la vitesse, que l'évolution d'une forme dans un espace donné. Ainsi, l'observation d'arbres ("tree drawings"), leurs enchevêtrements de branches et de troncs, si "silencieux, délicats et calmes", mais en même temps "explosifs, sauvages et vigoureux", pourraient bien le mener vers l'abstraction. L'idée d'une "abstraction de la réalité" fait son chemin.

C'est un regard abstrait qu'Anderson poursuit : une recherche de formes, un besoin de reproduire ce qui est regardé, une réflexion sur le sujet et sur l'espace qui l'entoure. Ce rapport du sujet à son environnement était cher à Alberto Giacometti, auquel Anderson voue une reconnaissance certaine. Lorsqu'il dessinait son frère Diego, Giacometti ne cessait de reprendre les contours de cette silhouette. Des hachures et des lignes embrouillées résultent du questionnement incessant sur le positionnement correct du sujet dans l'espace, de la difficulté de rendre sur une surface bidimensionnelle un espace en trois dimensions. D'où l'importance de l'efficacité de la ligne, si chère à Henri Matisse, et de l'information qu'elle transmet.

Frederic Anderson



Ces recherches pluridimensionnelles et linéaires à la fois, ont mené Frederic Anderson à se tourner vers la sculpture. Particulièrement ses "moving sculptures", ses arbres et animaux en fil de fer, réplique exacte des mouvements observés, ou chaque ligne est un fil, chaque fil une position, chaque position un mouvement.

L'ensemble de l'œuvre de l'artiste témoigne d'une même recherche et résulte d'études directes. Ses toiles, ses œuvres sur papier et ses sculptures sont intimement liées les unes aux autres. La persévérance caractérise Anderson, digne neveu du peintre luxembourgeois Jemp Thilmany, duquel il a sans doute hérité la ténacité et le dévouement à son métier. L'admiration de l'oncle fait parfois place à la crainte de partager la même solitude que celui-ci. Mais cette solitude n'est pas tant physique que mentale, le processus étant celui de "s'isoler en pensée."

"Quand je travaille le mieux, je ne pense à rien. Je vois une forme et je la dessine. Je n'essaye pas d'en faire une figure, un cheval ou un arbre. J'essaye simplement de dessiner ce que je vois." affirme Anderson. L'artiste travaille in situ dans une ferme italienne, "un endroit vraiment mystérieux, qui laisse libre cours à l'imagination". Comme pour Giacometti, plus un objet est étudié, plus celui-ci devient élusif et mystifié.

Frederic Anderson



Voilà de nombreuses années qu'Anderson crée. Que ce soit à l'huile ou à l'encre, à l'aquarelle ou encore au charbon, l'artiste utilise des formats modestes, ce qui lui permet de travailler à l'extérieur aussi bien qu'à l'intérieur. La technique du charbon a sa préférence, car elle permet un travail rapide et délicat, à la fois précis et sensuel. Depuis longtemps, les formes et la lumière l'intéressent davantage que la couleur.

Le travail "italien" de Frederic Anderson démontre plus que jamais qu'il commence à trouver des réponses à ses questions, que chaque œuvre le mène un peu plus loin. Loin d'avoir un but précis, ces œuvres semblent mener l'artiste vers un questionnement toujours plus vaste. Ces doutes précisément stimulent l'artiste, le mènent à pousser plus avant ses investigations et à expérimenter sans cesse de nouvelles techniques. Anderson est stimulé par ce besoin de créer et par cette quête jamais rassasiée qui caractérisent les débuts d'illustres artistes.

Sophie Richard
Luxembourg, septembre 2004

Frederic Anderson

Frederic Anderson est représenté par la Galerie Rectoverso à Rodange (Luxembourg)
Il vit et travaille à Cortemilia (Italie)   
fredinnepal@yahoo.com    http://web.tiscali/fredanderson/

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