Le Frac Languedoc-Roussillon vient de perdre son directeur Monsieur Ami Barak en poste depuis 1993, congédié de sa fonction au mois de septembre dernier, décision exécutive depuis le 18 novembre. Cette nouvelle a interpellé tout le milieu artistique, et encore aujourd'hui peu de personnes comprennent ce choix du Conseil Général.

Ami Barak, de l'avis de tous, a été un directeur des plus dynamique, aussi bien dans l'achat, dans la diffusion, dans l'édition de l'art contemporain. Il a été l'auteur et le moteur du développement du FRAC, menant une politique d'un côté avec des artistes institutionnalisés (Sophie Calle, Claude Closky, General Idea, Pipilotti Rist, Andy Warhol …) et des artistes moins connus qui se révèlent aujourd'hui (Regina Moller, Matthieu Laurette, Iris Sara Schiller, Didier Trenet, Eric Duyckaerts …) Ami Barak n'a privilégié aucun support, vidéo, installation, performance, multimédia, et même le net (un des rares FRAC de France à posséder des œuvres sur le net). Alors pourquoi une telle décision du Conseil Général ?

Déjà en 2001, le Conseil Général du Languedoc-Roussillon avait censuré "les secrets" de Nicolas Frespechy, œuvre acquise selon la procédure habituelle, c'est-à-dire sur proposition du Comité technique du Frac puis entérinée par le Conseil de direction dans une réunion en date du 10 mars 1998. Lors de son acquisition, le Conseil de direction de l'époque avait trouvé la démarche de l'artiste fort intéressante et le Frac se distinguait d'emblée en étant l'une des premières collections publiques à acquérir une œuvre dédiée au net, c'est-à-dire privilégiant la place des nouveaux outils de communication, agissant sur la toile planétaire. La presse par ailleurs s'est fait l'écho de cette première en soulignant l'aspect pionnier de cette acquisition. Quatre ans plus tard, la situation politique a changé, la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon découvre que "cette œuvre qui avait été achetée avec des fonds publics comportait des obscénités qui ne pouvaient que heurter la sensibilité d'un public non averti". L'œuvre a donc été retirée du site du Frac.

De plus, la politique de Monsieur Ami Barak, n'était pas forcément locale, ou même nationale, il n'hésite pas à aider des artistes du monde entier, et ainsi acquérir des œuvres de cultures différentes ; ainsi les canons officiels tels que Support Surface ou la Figuration Libre, très importante de la région n'étaient pas forcément privilégiés au profit d'artistes plus engagés dans une démarche contemporaine internationale.

Enfin, et c'est peut-être là, sa plus grande faiblesse et la cause la plus plausible est le problème financier. En effet, Ami Barak, avait une politique des plus dynamiques qui faisait que le FRAC Languedoc-Roussillon était le plus souvent déficitaire, et la chambre régionale des comptes, lui avait signalé le problème depuis plusieurs années. Mais qui peut reprocher à un passionné d'art contemporain son attitude active, ses choix, son dynamisme, ses paris pour constituer une collection qui ne peut que continuer de prendre de la valeur comme son exposition manifeste "Devoler" à Villeurbanne en 2001 le prouvait avec brio.

Aujourd'hui Emmanuel Latreille venant du FRAC Bourgogne a remplacé Monsieur Ami Barak, on ne peut qu'espérer qu'il continuera la politique initiée par son prédécesseur. En guise de conclusion, on peut citer la dernière exposition organisée par Ami Barak qui s'intitulait "la vie devant soi", tout un programme… C'est ainsi qu'il travaille aujourd'hui sur la grande exposition nationale prévue pour la fin de l'année 2003 commémorative des 20 ans des Frac. Il reste malheureusement que la qualité des hommes et de leur travail passe toujours, en France, après les appartenances ,contingences et pressions politiques.

Philippe Agéa,
janvier 2003