AES + F, "Last Riot"

AES + F, "Last Riot"

AES + F, "Last Riot"

AES + F, "Last Riot"

Le réalisme pictural soviétique a engendré de (très) vilains enfants.
Voici que se développe l’hyperréalisme virtuel russe.

 

 

Étonnement, puis stupeur. Fascination et déstabilisation. De l’inquiétude au malaise.
L’ample exposition Le vert Paradis au Passage de Retz, consacrée au Groupe AES + F n’a sans doute laissé personne indifférent. Prenons la salle des Suspectes. Quatorze portraits photo de jeunes filles, regard face objectif, pull mode, expression neutre. Rien ne semble les différencier. Oui, mais voilà : la moitié d’entre elles sont incarcérées dans des pénitenciers spéciaux, pour meurtres incompréhensibles accomplis avec cruauté raffinée. Comment les reconnaître ? Périlleux exercice…

Pénétrons dans les projets Le Roi des Aulnes, Action Half Life et attardons-nous sur Last Riot. Photomontages saisissants, sculptures en bronze ou en fonte d’aluminium au poli impeccable, vidéo simultanée sur trois écrans : cela s’appelle bien du multimédia à vocation muséale. Que nous décrit-il ? De jeunes adolescents mimant leurs mises à mort respectives, avec un arsenal très diversifié, dans une parfaite indifférence et parmi des décors hautement futuristes. La perfection technique des rendus ne souligne que davantage l’expression hiératique des situations. Un peu comme si des photos de plateau de Star Wars avaient été retouchées par des maîtres de la Renaissance italienne. Pas la moindre blessure, pas l’ébauche d’une goutte de sang cependant. Nous sommes dans l’attente du châtiment : des gestes figés qui ne décrivent ni leur genèse, ni ne prédisent leur accomplissement.

Sado-masochisme collectif et/ou interrogation métaphysique, le sens à donner à ces œuvres interpellera disparatement leurs spectateurs, vue la multiplicité conjecturale de leurs lectures.
AES + F (Arzamasova, Evzovich, Sviatsky + Fridkes) veut s’identifier comme un simple groupe. Ne nous y trompons pas : il s’agit bien d’un redoutable commando.

János Kovács
Paris, janvier 2008