sans lieu sans sujet sans stéréotype |
Frédéric Léglise
Jill, Emilie and Valentine in my studio, 2006
Tandis que la fête organisée en l'honneur de l'"art français" bat son plein en ce moment au Grand Palais, de l'autre côté de la Seine, face au Louvre, la galerie 1900-2000 a voulu rendre hommage aux artistes dont on a oublié le nom, voire l'existence. Marcel et David Fleiss les ont surnommés les "oubliés par la Nomenklatura", et les ont qualifiés d'"atopiques et atypiques" : le premier terme peut signifier "sans lieu", "sans sujet", "sans stéréotype"…, et résume assez bien le goût de la liberté qui caractérise chaque artiste.
Parmi ceux-ci, plusieurs figurent déjà dans les manuels d'histoire de l'art, tels Alechinsky ou Ben, et on peut d'autant plus s'étonner de leur absence au Grand Palais que ces artistes sont toujours en activité. Une petite leçon d'histoire de la liberté en art est donc professée, avec parcimonie, mais justesse. Du mouvement Cobra (Alechinsky), on passe au lettrisme d'Isidore Isou et Maurice Lemaître, puis à Fluxus (Ben) et à des artistes plus ou moins subversifs, comme Jean-Jacques Lebel ou Bernard Rancillac. Un hommage est ainsi rendu à Pol Bury, décédé récemment. Aussi l'exposition se veut-elle, plus qu'une simple juxtaposition de coups de cœur, une séance de rattrapage pour ceux qui ont été oubliés par "quelques spécialistes bien en cour", que ces artistes soient aujourd'hui connus, ou à connaître, comme Frédéric Léglise, peintre du nu contemporain, ou Fabrice Balossini, au dessin parfait et inquiétant. Dans le texte introductif, on s'interroge sur les prérogatives du pouvoir politique à "s'ériger en arbitre de la création", débat bien français sur l'ingérence de l'Etat dans les affaires artistiques, et qui, semble-t-il, n'attise pas autant les tensions ailleurs, où le relais a déjà été pris par les initiatives privées. Celle de la galerie 1900-2000, dans la limite de ses moyens, est tout à fait louable, mais faut-il pour autant remettre en question le rôle du pouvoir politique dans la promotion de l'art actuel, et peut-on dire qu'avec La Force de l'Art, le gouvernement "légifère en matière de pensée artistique" ? Il ne semble pas que les hommes politiques aient eu le moindre rôle direct dans le choix (ou la censure) des artistes présentés au Grand Palais : "administrer l'activité artistique" n'est pas la régenter, mais lui donner les moyens de sa production et de sa diffusion. Si on peut regretter l'absence d'artistes majeurs comme Alechinsky, il faut sans doute l'imputer à certains commissaires : quid également de Sophie Calle ou de Kader Attia, dont l'art est pourtant reconnu par cette même "Nomenklatura" ? Tout comme l'exposition de la rue Bonaparte, les multiples propositions du Grand Palais sont le fait d'individualités fortes démontrant leurs attachements artistiques, et qui feraient presque oublier que ce n'est pas leur travail de commissaires d'exposition qu'il faut interpréter et apprécier, mais bien plutôt les œuvres exposées…
Fabrice Balossini
Puttana Metallica, 2004 |
Atopiques & Atypiques. Grand Palais : "14 oubliés par la nomenklatura", du 27 avril au 27 mai 2006
Galerie 1900-2000, 8 rue Bonaparte, 75006 Paris, ouvert lundi de 14h à 19h, mardi à samedi de 10h à 12h30 et de 14h à 19h
tel: +33-(0)1-43-25-84-20, fax: +33-(0)1-46-34-74-52, www.galerie1900-2000.com
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