Panamarenko, Helicopter, 1973-86
courtesy Galerie Durand-Dessert
Sculpture Utopie Machine Hybride Techné Expérimentation |
A l'heure où les termes d'hybridation et d'utopie se partagent les colonnes critiques des plus vivifiants essais concernant tant le monde de la création artistique que celui des idéologies économiques, quel heureux détour nous propose ce mois-ci l'exposition de Panamarenko à la Galerie Durand-Dessert. C'est en effet à la poésie et au rêve que les célèbres machines-objets de cet artiste belge de premier plan nous convient et ce, dans un espace-temps de contemplation devenu aujourd'hui si rare et donc précieux .
Au delà du plaisir ludique de la découverte de ces drôles de prototypes, le spectateur ne peut s'empêcher de croire à l'éventuelle possibilité de tester ces machines de transport surréelles. Et pourtant, on serait tenté dans un premier temps de n'y voir que technique d'assemblage élaborée à partir de "choses nécessaires pour bricoler un peu". Mais l'exposition en parallèle de maquettes, croquis, dessins, textes d'annotations techniques et des œuvres - sculptures, nous plongent dans le doute tout en déclenchant notre imaginaire. Depuis Hélicopter (1973-86) - œuvre majeure de l'artiste - en passant par Paradox (1974-88), Trompet jet (1985) jusqu' à une de ses dernières sculptures articulée mi-oiseau, mi-humain Studie Persis Clambatta (2001), Panamarenko ne cesse de jouer avec les chemins créateurs de l'expérimentation et les déceptions ironiques de la technique. En contextualisant scientifiquement ses machines-sculptures par un ensemble de croquis et de maquettes, l'artiste joue de la contradiction et de l'ironie. D'une part, il œuvre dans la tradition platonicienne qui veut que l'art soit la techné. D' autre part, il contredit ce dictat en nous montrant que la réalisation matérielle empêche toute utilisation fonctionnelle. Ce en quoi il se différencie de Tinguely chez qui les machines fonctionnent tant bien que mal et flirte avec Orozco dans son commentaire ironique tant de l'art que de la technique. Le poète et le "faux" bricoleur qu'est Panamarenko dit "aimer qu'une petite construction soit de l'art, tout en ne s'intéressant ni à la science, ni à l'art sérieusement". Mais en couplant l'inutile au probable il participe de ces esprits utopistes pour qui l'idée d'une chose prévaut à la chose elle-même. Ainsi, l'inventeur se double de l'artiste dès que la fiction d'une fonction - celle en l'occurrence du vol - devient le moteur de ses modélisations uniques. La Science-fiction qui part de données scientifiques réelles pour nous entraîner dans l'improbable est certes proche de l'univers de l'artiste belge mais lorsque le rêve rejoint le possible qui nous fait rêver parce qu' il prend les chemins de l'impossible, c'est l'art sans catégories qui montre sa véritable poésie.
Produire un objet-sculpture qui soit l'idée d'avion, de sac à dos volant , choisir pour cela aussi bien des "objets trouvés" que des matériaux désuets ou précieux tels des fils, de la soie ou de la résine opalescente, c'est travailler avec une part de frustration d'où naît le rêve, où s'ancre notre imaginaire. Et c'est dans cet écart entre l'idée et l'objet que s'immisce l'art silencieux et poétique des réalisations hybrides et des machines utopiques de Panamarenko.
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Panamarenko, 26 janvier au 9 mars 2002
Galerie Durand-Dessert, 28, rue de Lappe, 75011 Paris, tél. : (0033) 1 48 06 92 23
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