Artistes magnétiques : Tommi Grönlund et Petteri Nisunen, artistes finlandais, exposent en ce moment à la synagogue de Delme. Leur collaboration a débuté en 1993. Ils explorent depuis lors les phénomènes naturels et immatériels, comme le magnétisme, la chaleur, et même les aurores boréales.

Tommi Grönlund (né en 1967 à Turku, Finlande) et Petteri Nisunen (né en 1962 à Helsinki) travaillent en tant qu'architectes avec trois autres collaborateurs. Tommi Grönlund s'illustre également dans le domaine des musiques électroniques nordiques, en tant qu'initiateur du label Sähkö (électricité en finnois), représentant notamment Jimi Tenor et Pan Sonic. Leurs vocations multiples s'entremêlent pour interroger plusieurs éléments dans leur environnement artistique. Les travaux de Tommi Grönlund et Petteri Nisunen sont basés la plupart du temps sur des combinaisons du son et de la lumière, et prennent part à la vie de l'espace qu'ils habitent. Cet étonnant duo finlandais a également abordé l'irradiation et le magnétisme, en s'intéressant à leur interaction, aux sons qui en naissent et à leurs variations. C'est toujours dans cette même optique de perception qu'ils se sont penchés sur la possibilité d'enregistrer des aurores boréales, pendant lesquelles on perçoit divers sons (craquements, roulements, etc.). Plusieurs scientifiques ont tenté l'expérience depuis les années 60, sans succès ; ils en ont donc déduit que cette perception était un fait purement psychologique. On s'est alors dirigé vers un enregistrement via les propriétés électromagnétiques d'une aurore boréale. Grönlund et Nisunen sont surtout attirés par les procédés scientifiques qui permettent une telle expérience, mais aussi par la sensibilité auditive, différente chez chacun. Ils collaborent régulièrement avec un technicien du son, Jari Lehtinen, qui fabrique par ailleurs des instruments pour Pan Sonic.

L'installation de Delme s'incruste dans l'architecture de la synagogue, pour en faire ce qui pourrait presque s'apparenter à une expérience métaphysique. Grönlund et Nisunen utilisent les aspects élémentaires du son, diffusé en basses fréquences, s'amplifiant dans le dôme du lieu, et provoquant des vibrations à l'intensité variable. L'installation projette des flashs puissants de façon aléatoire, révélant l'aspect blanc et éthéré de tout l'espace. À cela s'ajoutent fumigènes, lumière diffuse et rougeâtre, comme on pourrait imaginer les entrailles terrestres. L'endroit devient oppressant par une saturation des sens. On dépasse alors la perception de rigueur minimaliste pour considérer le lieu dans une globalité, une vie autonome et impalpable. Ils se posent véritablement en artistes de la subtilité. Au-delà de l'aspect technique de leurs installations particulièrement élaborées, de leur rigueur minimaliste déjà évoquée, de cette apparente froideur, se déploie tout un univers fait d'ordre et de chaos, de hasard et de maîtrise. Des jeux sur les paradoxes et les contraires, qui sont autant de sources de réflexion, souvent pourvues d'humour. Pour le duo finlandais, ce que l'on peut qualifier de "bonne installation", c'est lorsqu'il y a un lien direct à leurs travaux. "Le son, la lumière, et les autres éléments doivent fonctionner ensemble de façon juste et immédiate, estime Petteri Nisunen. On ne doit pas avoir besoin de connaissances spécifiques ou d'explications élaborées". "Il doit aussi y avoir des éléments de surprise sur le plan émotionnel, ajoute Tommi Grönlund. Mais cela n'a pas besoin d'être beau. La beauté peut aussi résider dans ce qui est laid".

Anne Fourney
Strasbourg, mars 2004
en partenariat avec