LE MAGAZINE
d'ExpoRevue |
Tout dabord une faible présence des arts plastiques " traditionnels " ; jentends par ce qualificatif non laspect de ce qui est présenté mais lengagement et la conviction : en somme la simple force du beau. Autour on assiste à un véritable éclatement, à une interrogation sur les différents processus de la perception liés aux nouveaux matériaux et aux nouvelles technologies. Depuis que lart a cessé de servir le pouvoir et léglise, on constate une errance des intentions qui semble engager une véritable renaissance. Lart nimpose pas sa beauté évidente et glorieuse, il caresse, agresse, fait appel à la mémoire. Il en ressort des parcours solitaires et des propos ténus. Nous sommes sans cesse confrontés au problème du tout et du rien. Est-ce de lArt, une bonne idée, ou une attraction ? Quelle différence ? Lintention et la finalité. " Mettre en mouvement la pensée vers une clarification ". Peut-être est-ce là lacte le plus généreux quoffre lartiste à lhomme : son propre regard sur les choses.
Ricardo Pascuale, Ita Apu'a, 1995
A la manière dune exposition universelle des pavillons portant lenseigne dun pays présentent leurs artistes. Toutes les questions sont posées, on redécouvre même linterrogation première : lArt est-il le propre de lhomme ? (Pavillon russe). Depuis les impressionnistes où déjà lon avait fait peindre un âne pour les ridiculiser, cette bien maigre question fait débat. Cela pose le simple problème de lapparence, mais lapparence nest pas lintention et la finalité. Vouloir faire de lanimal lartiste ne peut être que de notre fait. Lanimal est, lhomme organise des dispositifs. Cela montre-t-il les symptômes dun pays en crise où lart ne sert plus le pouvoir depuis peu, où bien des repères ont disparu ?
Zhang Huan, Performance,1995
LArt éphémère (Pavillon suisse) contredit la notion dart intemporel. Tel linsecte qui sélabore en secret pour ne vivre quun jour. Lartiste organise longuement la fracture de linstant pour révéler la notion de risque, de non-repentir, tout en jouant avec les lois de la physique. Face à cette extrême urgence sinstalle un art du silence, de la méditation, de la respiration, souvent très inspiré de la nature, que ce soit le scintillement de la voûte céleste (Japon), lapparition de formes givrées et fantomatiques (Belgique). Parfois même aux limites de lart visuel des arbustes sont plongés dans la pénombre pour mieux laisser remonter les souvenirs liés aux odeurs de lhumus (Scandinavie) ; comme si de voir empêche de respirer.
Huang Yong Ping, Colonnes, 1999
Cette pensée me rappelle une installation dErik Dietmann, vue au Centre Pompidou. Elle présentait une suite de fort grands nez sculptés dans toutes les matières quil nous soit permis dimaginer dominant un alignement de tonneaux. Comme si de voir beaucoup, car la chose était vraiment prégnante, empêchait de sentir. Paradoxalement, ce travail à la gloire du nez et du vin ne sentait rien. Comme quoi sentir fait appel à la mémoire, et se souvenir conduit le regard vers lintérieur de soi. Toujours dans cette réflexion sur la notion de respiration, ce tableau (Islande) montrant lévocation stylisée dune plate-forme en suspension au-dessus dun sol. Par ce dispositif, pourtant peint et réellement statique, nous avons le sentiment dune " respiration visuelle ". Cette même impression que nous ressentons confronté à un mobile de Calder. Quand le degré de perception du déplacement est si subtil quil nous est impossible de déterminer si la chose est fixe ou mobile.
Sigurdur Arni Sigurdsson, untitled 99
Manolo Valdes, reloj, 1998
Face à cette fragilité, la peinture ou la sculpture dun Manolo Valdès (Espagne) apparaît énorme et forte par son intention. Comme si lartiste devait à lui seul supporter le poids de la continuité dun Picasso ou dun Matisse, assumer lhéritage de la plasticité. LArt fait-il peur ou lArt a-t-il peur de ne pas exister suffisamment pour se gonfler démesurément ? Tels les éléphants blancs de Babylone du film de Griffith, les rats noirs (Italie) dressés sur leurs pattes arrière et disposés en couronne pour occuper tout lespace, menacent le visiteur. La salle semble atteindre ses limites de capacité en accueillant de pareils volumes. On dit parfois que lart, par lillusion, peu repousser les murs, avec les installations des deux artistes français la rupture sopère. Pendant que lun traverse la verrière en projetant à lextérieur des animaux fantasmagoriques au sommet des mâts gigantesques, lautre détruit le sol, le désintègre. Si avec les rats lespace semblait comprimé, à lopposé nous pouvons parler maintenant dexpansion. Faut-il voir une forme démancipation de lart qui voudrait sortir de son cadre muséal ?
Katharina Fritsch, Rat King, 1992-1993
A la lumière de toutes ces directions parcourues, de toutes ces voies ouvertes dans les mécanismes de la perception du visuel, sacrifiant parfois laventure plastique au profit dune certaine fabrication dominée par laccumulation et la répétition, les uvres tentent daccéder à lessence des choses et nous révèlent un vaste mouvement dintrospection de lart. Jean-François Courteaux |
Errance des intentions Lintention et la finalité Problème de lapparence Fracture de linstant Lintérieur de soi Respiration visuelle Lhéritage de la plasticité Forme démancipation Lintrospection de lart |
Biennale dArt Contemporain 1999, Venesia, Italia.