LE MAGAZINE
d'ExpoRevue


Sylvie de Meurville

La terre et l’eau, la volupté de la matière.

La sculpture de Sylvie de Meurville c’est de la terre qu’elle prend sa teneur. Du monde géologique elle cherche à explorer les réserves et inversement. Les formes fissurées, aplaties, déchiquetées, alvéolaires de ses œuvres laissent aux fibres métalliques étincelantes diriger le mouvement. La matière est aussi essentielle en sculpture que la fibre qui protège la sève des plantes vasculaires. En sculpture, la sève c’est l’inspiration. Entre les mains de Sylvie de Meurville, les résines rubigineuses, métaux, ou colles absorbent dans leurs corps le souvenir feint des entrailles minérales. Elles évoquent non pas l’étendue d’un paysage à l’image des illusions des romantiques philosophes mais le choc plastique entre les éléments originaires, leurs détails, leurs lignes de partage, leurs affrontements.

Une intimité féconde lie l’artiste à la terre.

Dans le creuset de failles et des ruptures minérales, elle reconnaît les anfractuosités incompréhensibles de la vie intérieure des humains.

Comme la poésie, la sculpture de Sylvie de Meurville fonctionne par signes. Elle étend la terre à l’espace, et l’érige en symbole.

Comme le poète à la langue de son choix, le sculpteur s’identifie à sa matière. En sculpture, plus que dans les autres arts l’écriture est une épreuve physique particulière : Je rythme le métal sur la table pour trouver une pulsation, dit-elle.

Dans ses œuvres récentes, l’eau prend de plus en plus de place. Elle participe à la terre, s’incorpore à elle, intensifie la matière, corse les contrastes entre les parties et s’immobilise dans une forme volitive évoquant la mer.

Sylvie de Meurville - Jetée dans les vagues, sculpture

Sylvie de Meurville - Jetée dans les vagues, sculpture

Les vagues marines immolées depuis toujours au temps, nous les retrouvons incarnées ici. Une masse enveloppante de terre enroulée vient à l’encontre de la géométrie rigoureuse du métal. Comme suspendue quelques secondes avant la brisure contre la ligne agressive du fer, elle fait appel au temps.

Dans cette sculpture, le temps se mesure aux distances entre les différentes parties de l’ensemble, lesquelles, bien que simultanées, font effet des successions et provoquent un étrange sentiment d’attente.

Les tiges de métal qui cherchaient la résolution de la matière brute dans la légèreté libre du mouvement ont disparues. Avant que la vague s’écrase sur le rocher elle est impétueuse et pleine. Nulle souffrance ne sépare sa chute de son désir.

Sylvie de Meurville - Jetée dans les vagues, dessin

Sylvie de Meurville - Jetée dans les vagues, dessin

Les dessins préparatoires qui précèdent le travail dans l’atelier, Sylvie de Meurville les prends dans la nature, sur le vif. La dernière série de croquis intitulés : Jetée dans les vagues à Saint Jean-de-Luz précurseurs de ses dernières sculptures ont une personnalité propre, se suffisent à eux-mêmes font figure d’œuvre.

Une comparaison avec leur traduction en sculpture est intéressante dans le sens où le sujet dont ils traitent se métamorphose en quelque chose d’autre et la distance de l’un à l’autre est métaphorique comme la distance entre la fleur et le sort de Narcisse dans les Métamorphoses du poète latin Ovide.

Dans l’œuvre d’art, la part du mystère n’appartient, ni à l’artiste, ni au spectateur. Sa destinée étrange d’être autre chose qu’une simple chose appartient à sa fécondité à jamais renaissante, dans les alcôves de l’esprit.

I. C.

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