LE MAGAZINE
d'ExpoRevue |
Dès la première salle, diverses séries sont mélangées. Sur les murs, des photographies couleur de ville côtoient des images noir et blanc de rues désertes avec leurs façades, véritables livres d'histoire d'une tradition architecturale désormais anéantie par la modernité internationale. Dans un angle, deux portraits. Des jeunes filles nous regardent dans une pose à la fois naturelle et convenue. Plus loin, des fleurs en très gros plan. Enfin, dans l'une des dernières salles, de grandes vues d'intérieurs de monuments ou de musées. Au centre de chacune de ces photographies, un tableau, une uvre d'art. Des visiteurs l'entourent, la regardent, la photographient, puis s'en détachent avec regret. Autant dire que la production de Thomas Struth peut paraître hétérogène. Il n'en est rien.
Depuis près de 20 ans, il travaille sur les structures de nos villes, de nos vies et de nos rêves. Son parcours photographique répond, avec une extraordinaire rigueur, à un projet artistique défini dès la fin de ses études. C'est durant celles-ci, à l'académie de Düsseldorf (Allemagne), que Thomas Struth s'est familiarisé avec la photographie. Ses professeurs sont alors Gerhard Richter et plus tard Bernd Becher. Du premier, il retient qu'une image, qu'elle soit peinte ou photographiée, est avant tout une manière de penser le monde. Avec le second, il découvre l'emploi de la chambre photographique et le principe de typologie. Principe qui guidera ses premières réalisations : images rigoureuses de structures urbaines. L'architecture internationale et les schémas d'aménagement ne peuvent gommer les traditions séculières qui toujours, par mille détails, resurgissent.
A la suite de ce travail, Thomas Struth réalise des images couleurs plus mobiles. Le décor presque identique provient en fait de métropoles plus exotiques (Tokyo-Chine). Simultanément, il produit ses premiers portraits. Les êtres y apparaissent dans une singularité toute relative.
En marge, nombre de signes réaffirment la puissance des conventions sociales et la teneur d'une éducation orientée par les codes culturels d'une communauté. Les intérieurs de musée participent de la même interrogation : comment face à des chefs-d'uvre, notre regard est-il conditionné par notre savoir et par la disposition scénique ? Ce n'est que récemment que cet artiste, internationalement reconnu, s'est mis à réaliser des portraits de paysages et de fleurs. L'inconnu, qu'en définitive la vie révèle, l'inconnu que le monde est à tout instant, s'incarne en quelques objets nouveaux. Ces portraits de fleurs en sont le symbole.D. S.
Thomas Struth, Centre National de la Photographie, Paris 8e, France, jusqu'au 15 mars 1999. Catalogue Schimer et Mosel, 144 pages, 111 illustrations.