Sévellec - Le Jardin d'Hiver
A l'entrée de l'appartement où vit et travaille Ronan-Jim Sévellec, un petit chien nous accueille en sautillant. L'artiste s'adresse à lui dans un langage châtié pour calmer son ardeur, puis se propose de nous montrer ses boîtes, chacune d'elle étant une vue d'intérieur en miniature. La petite pièce qui lui fait office de salon et d'atelier évoque elle-même l'une de ses réalisations : comme dans ses uvres, une seule source de lumière choisit de révéler ou de laisser dans l'ombre la multitude d'objets qui s'y sont accumulés, comme cette authentique boîte de sardines vide, plaquée or par l'artiste, qu'il nous tend en guise de cendrier...
Né en 1938, Sévellec a exercé la profession d'illustrateur, puis s'est mis à la boîte voici une dizaine d'années. Ses premières uvres réunissaient des objets hétéroclites dans des univers totalement imaginaires qui n'étaient pas sans rappeler la tradition dadaïste de la boîte depuis Cornell ou Schwitters, que perpétuent encore aujourd'hui des artistes comme Lucas Weinachter ou Jean-Michel Jaudel. Puis, très progressivement (sa minutie est telle que la réalisation d'une seule de ses boîtes peut prendre plusieurs mois), il s'est attelé à la reproduction du réel. D'abord en mettant en scène des personnages comme dans Le Bar (environ 40 x 80 x 30 cm), puis en laissant des lieux livrés à eux-mêmes. La présence humaine est d'ailleurs bien plus forte dans un travail où un lit chiffonné est mis en scène, que dans celui qui comporte des petites figurines humanoïdes.
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C'est précisément à cette force expressive qu'est maintenant parvenu Ronan-Jim Sévellec. Ses créations ne sont jamais statiques, tant chaque objet, reproduit avec une minutie maniaque, semble chargé d'une histoire passée ou d'un devenir. Une uvre récente comme La Bibliothèque évoque même une scène de polar, elle pourrait être l'antichambre d'un salon où se serait commis quelque crime sordide. Cet effet ne dépend pas uniquement du réalisme de la reproduction de chaque objet. Certes, beaucoup de livres de cette bibliothèque ont été assemblés feuille à feuille sur un format de 10 x 5 mm, et leurs couvertures sont des réductions à la photocopie de jaquettes de best-sellers, mais ce perfectionnisme quasi maladif ne suffirait pas à provoquer une émotion esthétique.
Tout est dans la scénographie et la mise en lumière de ses objets. Les boîtes sont toujours équipées d'une lampe dispensant une lumière sourde venant par une fenêtre ou par le plafond. La composition joue alors un rôle unificateur et fait de chaque boîte une uvre finie à laquelle rien ne peut être ajouté ou soustrait.
Une boîte de Sévellec n'a dès lors rien d'une maison de poupée. Ou bien si, mais celle d'une Barbie particulièrement débauchée, qui aurait sombré dans la paresse et dans l'alcool, et qui n'aurait, assurément, rien d'une fée du logis...
La critique bien pensante classerait Sévellec parmi Les Singuliers de l'Art, ces artistes taxés de folie qui, comme le Facteur Cheval, ne prennent leur place dans aucune perspective historique. Mais dans une uvre récente comme La Décharge, Sévellec refait le lien avec ses premières boîtes et par là même avec une tradition artistique de la boîte. Son sujet (une accumulation de détritus et d'objets hétéroclites réduits) fait référence à Dada, puis au Nouveau Réalisme avec les Poubelles d'Arman, mais la distance à l'objet qu'implique la réduction, et le mouvement expressionniste de la composition redonnent à cette uvre et à son auteur une importance légitime dans la création contemporaine.
F. D.
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