Dans le firmament du graphisme français, le nom de Massin brille d'un éclat particulier. Son inventivité sans cesse renouvelée avait trouvé chez Gallimard une pléiade d'auteurs prêts à faire confiance aux délires graphiques de cet homme secret. Lorsqu'il arrive dans cette vénérable institution en 1958, Gaston vient d'investir son fils Claude. La maison s'ouvre, s'agrandit, passe rapidement d'une production artisanale à une production semi-industrielle. Massin prend alors en charge la conception de l'ensemble de la production qui, hormis quelques ouvrages reliés, était réalisée par les imprimeurs. L'une de ses premières initiatives est la création d'un service artistique, révolutionnaire alors pour l'édition.
Durant les années suivantes, Massin va mettre en forme quelques-uns des plus extraordinaires ouvrages de la littérature française : Cent mille milliards de poèmes de Queneau, La cantatrice chauve de Ionesco, des ouvrages de Prévert... L'actuel ouvrage, deuxième d'une série de trois tomes, présente l'intégralité de ces réalisations. Magnifiquement illustré, il permet à chacun de découvrir que sa bibliothèque recèle plusieurs trésors qu'il ignorait jusqu'à présent.
Serge Gruzinski s'était déjà fait remarquer il y a quelques années en livrant un extraordinaire ouvrage sur la guerre des images, que s'étaient livrés les Espagnols et les Indiens mexicains durant les premiers siècles de la colonisation. Son nouveau livre poursuit ce propos tout en l'ouvrant sur des considérations à la fois plus générales et essentielles. La pensée métisse dissocie métissages, uniformisation et mondialisation. L'auteur refuse de percevoir dans les productions exotiques de la World Culture un simple effet d'une économie du monde régie par l'industrie culturelle de masse. Métissage et identité entretiennent au contraire des liens subtils. Ces liens, ces phénomènes disparates, ces situations parfois extrêmes, sont au centre de cet ouvrage. C'est en empruntant les voies de la sociologie, de l'anthropologie et de l'histoire, que Serge Gruzinski débusque les phénomènes de mélanges culturels et leurs rejets. Passionnant, ce livre l'est à plus d'un titre. Certaines questions y sont abordées avec une lucidité effrayante et nous entraînent à nous interroger sur nos limites à tolérer l'hybridation de nos mythes.
Il faut lire l'ouvrage de Simon Schama pour comprendre combien les bois, les eaux, les rochers et les paysages, loin d'enregistrer les folies humaines, les ont au contraire guidées, entraînées à modifier leurs politiques. Chose curieuse, au fil des pages, on saisit soudain que nos ancêtres furent plus que tout préoccupés par la nature qui les entourait. Elle constituait le territoire des mythes, des revendications identitaires et des affrontements idéologiques d'un occident toujours émerveillé par ce qui ne peut être réduit et détruit. Un paysage n'est donc jamais vierge. Il est un livre ouvert où s'inscrivent en creux les images les plus diverses qui peuplent notre esprit. Simon Schama décortique lentement les imaginaires qui sont les nôtres en partant de son histoire personnelle, ni plus, ni moins terrible que celle de nos familles. Servi par une magnifique écriture, ce livre se parcourt avec un bonheur inégalé.
D. S.
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Catalogue de l'uvre typographique de Massin, Du côté de chez Gaston
Serge Gruzinski, La pensée métisse
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