David Nebreda, encore en vie grâce, dit-il, à la publication de ses Autoportraits (2 vol. éd. Léo Scheer) juxtapose image et texte, le contenu de celui-ci débordant souvent ce que celle-là montre : la blessure réelle hors champ ou bien rendue floue, ou la posture occultée (génuflexion par le cadrage rigoureux).

Exercices d'auto-réflexions, d'abord l'image mentale construite, puis la préparation stricte de la prise de vue selon des idées géométriques déterminées, la prévisualisation dans son appareil muni de correcteurs de myopie (la seule occurrence dans la vie de David Nebreda d'avoir une vue précise –il est myope à 5 dioptries et ne pote pas de lunettes-), le contrôle de ses mouvements et de sa respiration devant l'objectif à déclenchement retardé, la découverte de l'image sur la photo tirée (révélée ?).

"Amputations" vraies par blessures au couteau sur les doigts ou le sexe, "amputations" symboliques d'une partie de l'image ; exclusion du hasard et de la spontanéité pour conjurer le risque de mourir, suprême amputation ; acceptation de parler de son travail dans la rupture exceptionnelle d'une solitude muette depuis au moins cinq années ; allusion à un ordre secret, un ange dont on ne peut dire davantage ; désignation par lui-même d'un processus schizophrénique ; complémentarité de la foi et de l'intelligence, sa moitié symétrique.

Leçon métaphysique : l'être humain n'a pas à se résigner à son manque essentiel, c'est grâce à l'adjonction de ce manque qu'il peut atteindre la plénitude.

Jean-Pierre Klein
Paris, octobre 2004