"La passion d'un seul homme : Gilbert Delaine réunit 930 pièces en douze ans, l'offre à la ville en un premier musée d'Art Contemporain de la région Nord-Pas de Calais, dédié à la population dunkerquoise et notamment aux ouvriers"
Une rare collection des années 1950-1980 |
César, Valise-expansion, 1970
Après huit ans de fermeture pour travaux de rénovation, le Musée d'Art Contemporain (MAC) de Dunkerque rouvre ses portes au public. Transformé en un Lieu d'Art et d'Action Contemporaine (LAAC), terme plus approprié, l'établissement se veut inscrit dans son territoire et ouvert à la création actuelle. Il est dirigé par Aude Cordonnier, directrice du lieu. Il est entouré du jardin Jean Arp, ayant reçu le grand prix d'intégration de l'art de la Biennale Internationale des Arts de la Rue en 1980.
Un passionné d'art contemporain, Gilbert Delaine, ingénieur à la DDE a démarré sa collection dans les années 70, une véritable révélation née en découvrant par hasard l'œuvre de Joan Mitchell et de Sam Francis, l'abstraction lyrique. Il fonde en 1974 l'association L'Art Contemporain. Il se base sur la loi Malraux de 1961, sur le mécénat, sur l'article 1075 bis du code des impôts (déduction des obligations fiscales d'un pour mille du chiffre d'affaires au bénéfice des associations culturelles) et sur l'accord des artistes et des galeristes de lui offrir, pour chaque œuvre achetée, une pièce de même valeur. L'association contacte mille entreprises : une soixantaine, dont la moitié de la région, y répond. Puis, il réussit à convaincre la municipalité de Dunkerque, qui n'a qu'un musée des Beaux-Arts depuis 1972, de créer un musée en échange du legs total de sa collection. Le paysagiste Gilbert Samel et l'architecte Jean Willerval en sont les concepteurs. Le 4 décembre 1982, le Musée d'Art Contemporain est inauguré au milieu d'un parc de sculptures, aux abords des chantiers de construction navale, le long du canal exutoire et près de la plage afin d'ouvrir l'art à la population et aux ouvriers, de s'intégrer dans la cité. C'est un succès pour la beauté du jardin de sculptures, la richesse des collections et l'originalité du bâtiment du style des années 1970/1980. C'est un véritable événement, un an avant la création des FRAC, un an avant l'ouverture du Musée d'Art Moderne de Villeneuve d'Ascq. Eugène Dodeigne, Les Pleureuses, 1979
Jusqu'en 1986, le musée rencontre un vif succès. En 1987, la fermeture des chantiers navals, l'attirance pour les avant-gardes à travers les FRAC et les centres d'art, des désordres d'infiltration et l'absence de conservateur amènent la fermeture fin 1997 pour travaux de rénovation menés par le cabinet Benoit Grafteaux & Richard Klein architectes.
Le 24 juin 2005, le musée devenu le LAAC (Lieu d'Art et d'Action Contemporaine) est inauguré. Dans le cadre du projet Neptune (sur la friche des anciens chantiers navals, un quartier urbain est créé), le jardin de sculptures sera agrandi. L'objectif est d'ouvrir sur la création actuelle, multidisciplinaire (performances, installations, promenades musicales ou chorégraphiques, lectures, vidéos,…), de s'impliquer dans son territoire de par la proximité des habitants afin de leur permettre l'accès au monde contemporain, de travailler en synergie avec la Région et l'Eurorégion, de valoriser, de publier, de présenter la collection des années 1945-1980. Karel Appel, Appel Circus, 1978, assemblage
Très peu visible entre 1994 et 2005, la collection est encore largement méconnue, bien que l'une des plus significatives en France pour l'art des années 1960-1970, époque phare de la collection ; elle est également enrichie de plusieurs œuvres d'après-guerre. Elle est le panorama de la création française et du Nord de la France, représentative des grands courants des "Trente Glorieuses". Gilbert Delaine a privilégié l'art des artistes vivants et l'importance de certaines œuvres, comme l'ensemble de la Figuration Narrative ou de "Car Crash" d'Andy Warhol, au sein de sa collection. Sa grande spécificité est le cabinet d'art graphique du deuxième étage, riche de 930 œuvres, dont un tiers de peintures, avec 140 sculptures et assemblages et plus de 450 dessins et estampes. Elle est illustrée par une centaine de tableaux de l'abstraction lyrique avec Georges Mathieu, Alfred Manessier, Degottex, Kijno, Soulages, Olivier Debré,… art gestuel, tachisme,…ainsi que des Américains dont Joan Mitchell et Sam Francis.
Elle possède un ensemble unique et fabuleux du mouvement COBRA avec 75 œuvres de Karel Appel (dont le "Appel Circus", série emblématique de dix-sept sculptures-assemblages) et des pièces peu communes de César et Arman du Nouveau Réalisme. L'esprit ironique, souvent critique de la figuration narrative s'y retrouve avec Peter Klasen, Gérard Fromanger, Chasse-Pot, Bernard Rancillac. On peut y voir aussi l'expression de la stricte matérialité de Supports/Surfaces avec Claude Viallat, Christian Jacquard,… l'abstraction géométrique et le pop ‘art avec Andy Warhol et quelques représentations d'artistes du Nord de la France dont le Groupe de Roubaix, comme Eugène Leroy, Jean Roulland, Arthur Van Hecke et Eugène Dodeigne. Il est agréable de pouvoir revoir tous les mouvements artistiques, une petite révision, bien présentés. Le lieu possède de très belles pièces, hors du commun, complémentaires des circuits habituels. Nous tombons surtout sous le charme de cette collection inhabituelle et rare du mouvement COBRA. L'ensemble du lieu peut paraître incomplet, mais cette lacune devient au fil du temps un atout, surtout que la politique volontaire de la ville est de la compléter. Le LAAC met aussi en avant la sculpture extérieure avec l es "Pleureuses" d'Eugène Dodeigne ou les "Moutons" de Lalanne, ce qui manque dans bon nombre de villes.
Vincent Bijan, Musée jardin
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L.A.A.C., Port Lucien-Lefol, 59140 Dunkerque, tél. : +33 (0)3 28 29 56 00
Ouvert tous les jours sauf le lundi de 14h à 18h30, samedi/dimanche 10h à 12h et 14h à 18h30, jeudi 14h à 20h30.
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