Un parcours chronologique mais libre, des débuts marqués par l'expérience cubiste, à la période cruciale du surréalisme, en passant par l'époque des objets décoratifs pour arriver à la période de la maturité. Huit espaces de présentation aérés, on peut tourner autour des sculptures, les scruter.

Une scénographie sobre et efficace : il n'y a qu'à se laisser porter de la Femme cubiste (bronze, 1928) à la Boule suspendue (bois, 1930-1931) qui fit l'admiration des surréalistes en raison de ses implications érotiques puis, à l'Objet désagréable (plâtre, 1932), forme phallique ou scatologique dotée de petites pointes saillantes à son extrémité. Dans la troisème salle, Cube (plâtre, 1933) impose l'énigme de sa présence à celui qui le regarde. L'artiste va toujours plus en avant dans ses interrogations de la réalité avec la Femme égorgée de la quatrième salle (bronze, 1932-1933), ébauche de forme humaine, éléments de carapace entassés comme de vieux chiffons. La cinquième salle présente des accessoires décoratifs (1932-1938) rarement montrés : vases, appliques, luminaires aux formes pures comme celles des objets antiques qu'aimait dessiner l'artiste dans les musées. Puis, on se retrouve face à face avec la flèche oculaire du Nez (plâtre, 1947) qui s'étire à perte de vue. On reste figé devant la Figurine dans une boîte entre deux maisons (bronze, 1950), comme cette silhouette saisie dans un mouvement dont elle suit la trajectoire. On termine enfin par ses figures emblématiques : L'Homme qui marche I (bronze, 1960) ou La Femme debout II (bronze, 1959-1960).

Les trois commissaires de l'exposition Agnès de la Beaumelle, Jacques Beauffet et Martine Dancer ont réussi à trouver la bonne distance dans la présentation de l'œuvre de Giacometti au musée de Saint-Etienne : ils ont restitué cette présence séparée dont parlait Jacques Dupin qui nous subjugue par une sorte de commotion silencieuse, nous tient mais à distance sous l'emprise d'un regard d'une densité presque insoutenable. Une réussite.