La publication des souvenirs du voyage au Maroc de Delacroix résulte d'une série de découvertes inespérées et d'heureux hasards dont l'histoire de l'art parfois est coutumière. De son vivant, les talents littéraires de Delacroix avaient été abondamment salués à l'occasion de ses rares articles publiés dans la presse.
Cependant, il n'est aucunement question des papiers et manuscrits, connus uniquement par quelques intimes, lors de la vente, en février 1864, du fond d'atelier de Delacroix intervenant quelques mois après son décès. Seul le Journal est ensuite publié avec le succès que l'on sait. Le reste, sans doute réparti entre des familiers et son entourage, disparaît définitivement.
Ainsi, lors de la vente en 1997 organisée par les héritiers d'Achille Piron (le légataire universel de Delacroix), quelle ne fut pas la surprise des historiens de découvrir un manuscrit incomplet relatant le voyage au Maroc. Acquis par la Bibliothèque nationale, une publication de ce texte est aussitôt entreprise par les éditions Gallimard.
Quelques jours avant la sortie en librairie de l'ouvrage, un collectionneur inconnu présente un important fragment de ce même manuscrit. Face à cette découverte inespérée, Gallimard décide de réimprimer immédiatement l'ouvrage complété du fragment manquant.
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Rédigé sans doute au début des années 1840, près de dix ans après son voyage (1832), ce texte de Delacroix est une suite de souvenirs recomposés, un ensemble d'impressions, de descriptions extrêmement précises et d'anecdotes diverses relativisées par dix années de peintures où les thèmes marocains abondent.
L'ampleur et la qualité littéraire du texte surprennent. Les scènes, narrées avec élégance et talent, nous entraînent à la suite de l'artiste dans une série de découvertes toujours modélées par la couleur et la lumière de ce pays. L'ensemble débute par son périple à travers la France vers son port d'embarquement. La deuxième partie narre son arrivé au Maroc, sa fascination pour les personnes, les costumes, la beauté des rues et des femmes. Quelques scènes, futures sujets de ses tableaux, sont exposées en détail. Au-delà d'un irremplaçable témoignage sur un pays méconnu, ce texte révèle également des pans entiers de la personnalité de cet artiste.
D. S.
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