Dans le XIIe, passé un porche, puis un portail en bois, on découvre une cour remplie de jouets, d'un vélo, d'une voiturette verte, un petit jardin aux roseaux, aux hortensias et une maison aux murs ocre, en fer à cheval. Au fond, sur la gauche, c'est l'atelier de Christine Jean. Elle est ici chez elle à l'abri dans ce petit coin de tranquillité.

Ses travaux ont bien évolué depuis trois ans, elle a mûri, je me sens plus libre, beaucoup plus dans l'action qu'avant, explique-t-elle. Il n'y a désormais plus de paysage, d'échelle. Elle utilise pour cela un savant cocktail d'acide qui enlève au lieu d'ajouter, d'eau qui fluidifie, d'encre de chine qui se dilue et de cuivre qui s'oxyde. L'artiste casse avec son univers. Sa vision des choses et de la peinture a considérablement changé. Elle a rompu avec certains éléments de sa vie. Il y a dans ses nouvelles toiles davantage d'ouverture, moins de considérations intellectuelles sur la vie parce que j'ai accompli des choses. Oui, c'est ça, je suis dans une période d'accomplissement même si je sais très bien que tout est fragile.

Il y a en effet moins de pathos dans ses derniers travaux qui ne se donnent pourtant pas d'emblée. Le spectateur a du mal à poser des repères, il doit chercher des formes dans leur inachèvement même, des formes non figées même si elle sont déterminées et signifiantes. Christine Jean se joue du brouillage, de l'informe. Elle ponce le cuivre pour qu'il ne reste que des vibrations, des réseaux qui perturbent le regard. Elle superpose, elle touille : l'encre se diffuse et se disperse selon les déformations du papier humide. L'eau et l'encre se repoussent, s'attirent, s'absorbent en deux jeux fluides fascinants. Des formes non connues adviennent. Vision de loin, vision de près se chevauchent, commente l'artiste.

Il est certain que Christine Jean aime cette phrase de René Char tout acte est vierge même répété. Il se passe toujours quelque chose dans son trait, son geste, un va-et-vient permanent de variations.

M. C.