LE MAGAZINE
d'ExpoRevue


A propos de la nature morte de Chardin, au Grand Palais
 
 

Chardin
 


Dans un décor triste, une centaine de tableaux aux sujets tristes, peinte par un peintre triste ou philosophe : C'est que cette peinture qu'on appelle de genre, devrait être celle des vieillards ou de ceux qui sont nés vieux. Elle ne demande que de l'étude et de la patience. Nulle verve, peu de génie, guère de poésie, beaucoup de technique et de vérité ; et puis c'est tout, écrit le philosophe encyclopédiste Denis Diderot à propos des toiles de Chardin au Salon de 1765 en ajoutant plus loin, Réfléchissez à cette ressemblance des philosophes avec la peinture. - Etonnant, non ? -



Chardin



En disant tout cela Diderot savait pertinemment qu'entre la philosophie et la peinture il y a un différend héréditaire, à propos de la vérité, justement.

L'attention que Chardin porta aux sujets inanimés, nulle théorie, ni hiérarchie ne saura déranger le cours. Bien qu'instituée par l'Académie au plus bas des genres, la composition muette de Chardin triomphera de son infirmité un siècle plus tard, avec Cézanne d'abord.

La destinée de la peinture n'est pas l'affaire d'un seul peintre localisé dans un moment donné de l'histoire. Comme l'esprit pour le philosophe romantique Frédéric Hégel, la peinture, en prenant conscience d'elle-même exploitera sa propre chair, construira sa propre logique, pour donner à voir à nouveau, du jamais vu.

Lentement, difficilement, Cézanne le peintre fait de la nature morte la mère de la modernité. La condition de possibilité de la peinture a toujours été silencieuse ; forme, couleur, espace, lumière et mystère. Chardin et Cézanne se ressemblent.
Comme la vérité, la tristesse n'est rien d'autre que l'autre face de la lune.

I. C.







Chardin





Chardin





Chardin


Différend




héréditaire



















Philosophe



















Peinture



















Composition




muette

Les Galeries Nationales du Grand Palais, Paris, France, jusqu'au 22 novembre 1999.

Sommaire
Edito