LE MAGAZINE
d'ExpoRevue |
Puisqu'il se démarque des autres peintres de sa génération et d'une esthétique picturale trop réfléchie, Cerredo nous intéresse.
Lui reprocher l'abondance de la pâte mal dégrossie, grumeuleuse, dégoulinante, changerait-il quelque chose ?
Dans son dernier travail intitulé L'ombre de Pangloss, série peinte en collaboration directe avec de la plus haute littérature, Cerredo ressuscite quelques-uns des personnages du célèbre conte Candide de Voltaire. En stigmatisant le mouvement de leur âme démesurée, il leur réinvente une présence ; difformes, monstrueux, burlesques, retors, tordus, ces illustres personnages sont à la fois magnifiques et ridicules comme ceux de leur doublure littéraire. Mais le philosophe est sec et mordant dans sa façon de nous les présenter, le peintre, luxurieux et cuisant.
Le déferlement de la barbarie, du viol et de la guerre murmure sourdement derrière la violence des couleurs rouge sang, noir goyesque qui rehaussent l'atmosphère dramatique de ces toiles. La peinture passionnellement engagée de Cerredo montre plus qu'elle ne contrôle. Directe, plus que suggestive, libre de cette certaine auto-censure que nous avons l'habitude de voir dans la peinture de l'école de Paris, trop libre peut-être, elle transgresse le bon goût.
Dans sa façon de faire de la peinture, Cerredo ajoute à la tradition tragique espagnole, la naïveté pittoresque, l'imagerie baroquisante et païenne de l'Amérique du Sud. Il a du souffle et de la verve, il vit éperdument son art en nous offrant généreusement le déchirement transmué en sensualité.
I. C.
Galerie Koralewski, Paris 4e, France, jusqu'au 15 mai 1999.