Bill Viola
Grand Palais, Paris
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L'exposition que le Grand Palais consacre à Bill Viola donne une réponse convaincante à la question récurrente que soulève son travail : la vidéo, est-ce vraiment de l'art ? Ici le visiteur a l'impression de voir des œuvres d'art, sensibles et vivantes, dont la visée esthétique renforce le symbolisme.

Autant évacuer rapidement les quelques problèmes logistiques qui gâchent parfois le plaisir des visiteurs : salles trop petites, absence de sièges et parcours labyrinthique. Les espaces du Grand Palais ne sont pas toujours adaptés aux œuvres mais celles-ci surmontent les obstacles avec élégance. On (re)découvre que Viola projette ses œuvres sur différents supports, par exemple des tissus suspendus comme des voiles successifs pour The Veiling (1995). Cette œuvre où se mêlent les thèmes les plus emblématiques du travail de Viola constitue en réalité une installation plus qu'une simple vidéo. Le lien de l'homme à la nature, le questionnement métaphysique et l'ébauche de narration se retrouvent dans une vidéo plus ancienne qui ouvre l'exposition The Reflecting Pool (1977-1979). Dans les salles suivantes on remarque Four Hands (2001) une vidéo projetée sur quatre petits écrans en noir et blanc : quatre paires de mains accomplissent une série de mouvements hypnotiques à des rythmes différents. La sensibilité de Bill Viola s'exprime ici dans les détails, à savoir que les mains sont entre autres les siennes et celles de son épouse…

Viola assume un certain classicisme pictural dans son œuvre et cela transparaît nettement dans les vidéos liées aux thèmes religieux, mais également dans d'autres travaux : Chott el Djerid (1979) par exemple ressemble par instants à une aquarelle ou un dessin au pastel quand la chaleur ou la brume font trembler les déserts du sud algérien et du centre des Etats-Unis. Going Forth by Day (2002) s'inscrit dans cette lignée et constitue évidemment le cœur de l'exposition avec ses cinq vidéos de trente cinq minutes synchronisées. L'artiste ambitionnait de créer une œuvre métaphysique, et il est vrai que les thèmes abordés poussent les visiteurs à l'introspection : le Déluge, l'enfer, le mouvement perpétuel, le martyre, la mort… Les allusions religieuses foisonnent mais cela n'empêche pas l'artiste de faire parfois preuve d'un certain humour. Deux autres œuvres monumentales attirent les foules vers la fin du parcours : Tristan's Ascension et Fire Woman (2005) projetées en alternance sur un grand écran vertical. L'esthétique proche de celle des jeux vidéos (personnage au visage caché, flammes immenses, décors dépouillés, héros solitaires) explique sans doute l'engouement des adolescents pour ce diptyque.

Il ne faudrait cependant pas résumer le travail de Bill Viola à ses aspects spectaculaires, car il excelle également dans les thèmes plus intimistes et sensibles, notamment le passage du temps qui lui a inspiré plusieurs œuvres visibles ici. Dans Three Women (2008) une femme et ses deux filles traversent un rideau liquide et repartent en arrière, comme une allusion au stéréotype iconographique des trois âges de la femme. Non loin de là, le visiteur se retrouve face à un homme et une femme âgés qui scrutent inlassablement leur corps nu en quête des signes de vieillissement. Man Searching for Immortality/Woman searching for Eternity (2013) s'affiche sur deux plaques de pierre noire polie qui rappellent fortement des stèles funéraires…

Bill Viola dit volontiers qu'il est né en même temps que la vidéo, et que ses mutations techniques accompagnent sa vie : s'il est le plus doué des vidéastes vivants, est-ce à dire que la vidéo comme art disparaîtra avec lui ?
The Grand Palais hosts an exhibition on Bill Viola's work that gives a clear answer to a question often asked by art critics : is video art ? Here the visitors can see real artworks, full of life and sensitivity and Viola's aesthetic ambitions strengthen the symbols they bear.

Let's state once and for all the logistical problems that can disrupt the visitors' pleasure in this exhibition : small rooms, not enough seating space, and a mazelike structure. The rooms of the Grand Palais are not always suited for this kind of exhibition, but Viola's works overcome the obstacles with elegance. One discovers that Viola shows his videos on different devices that act as screens, like hanging fabrics that make up a series of veils for The Veiling (1995). This video where the most emblematic themes of Viola's work merge together is more than basic video. The relation of man to nature, the metaphysical interrogation and sketches of a narrative connect this work to an older one that opens the exhibition, The Reflecting Pool (1977-1979). In the other rooms Four Hands (2001) stands out with its four small black and white screens where four pairs of hands performs a series of hypnotic moves, almost simultaneously : here Viola's sensitivity expresses itself through details, i.e. some of the hands shown are his wife's and his own…

Bill Viola often says that his artworks are influenced by a kind of classicism inherited from painting, and this is obvious in the videos dealing with religious topics, but also in other works : Chott el Djerid (1979) looks much like pastel drawings or watercolors when the heat or the mist make the deserts of Algeria and America quiver. Going Forth by Day (2002) belongs to that same trend in Viola's work, and it forms the heart of the exhibition with its five videos shown simultaneously. Viola aimed at creating a metaphysical artwork and one must confess the themes raise questions in the visitors' mind : the flood, hell, perpetual motion, martyrdom, death… Allusions to religion abound without hampering Viola's humoristic take on things. Two monumental videos attract the visitors' attention towards the end of the exhibition : Tristan's Ascension and Fire Woman (2005) shown alternatively on a big vertical screen. Their plastic beauty is close to that of video games (a character with a hood, huge flames, a solitary figure, minimalist sets) which probably explains why teenagers are so taken by this diptych.

Reducing Viola's work to its spectacular aspects would indeed be a mistake, because he excels at tackling sensitive and intimate issues such as the flow of time. In Three Women (2008) a woman and her two daughters walk through a liquid curtain and then back to the other side, as a variant of the iconographic stereotype of the three ages of woman. Close to it one suddenly faces an old man and woman scrutinizing their naked body relentlessly looking for signs of ageing. Man Searching for Immortality/Woman Searching for Eternity (2013) is displayed on two polished black stones that strongly recall tombstones…

Bill Viola likes to say he was born at the same time as video and that its technological mutations accompany him in life : if he is the most talented living video artist, can one predict video as art will disappear when he dies ?
 
 
 
 
 
Olympe Lemut
Paris, juillet 2014
 
Bill Viola au Grand Palais, jusqu'au 21 juillet 2014, www.grandpalais.fr

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