Bill Viola, courtesy National Gallery London
L'exposition "Passions" par Bill Viola est présentée à Londres à la National Gallery, dans les salles traditionnellement consacrées aux installations. Elle est complétée par une présentation particulière à la Tate Modern.
Bill Viola "explorateur des émotions, ou le temps suspendu" Une partie de l'exposition est consacrée à une forme d'hommage aux maîtres classiques européens (Masolino, Albrecht Dürer, Dirk Bouts), et à leurs tableaux majeurs sur les thèmes religieux : Crucifixion, Résurrection… Bill Viola ouvre aussi une parenthèse intéressante sur l'Asie, avec des références au théâtre "NO", en nous plongeant dans la notion du temps nécessaire à l'intégration, à l'intériorisation et à l'expression des émotions propres à l'Orient. Cette notion d'universalité des émotions et de non appropriation des sentiments par notre culture chrétienne montre sa propre référence spirituelle tournée vers le bouddhisme. Les vidéos défilent, visages en mouvements très lents … Par son travail axé sur la lenteur, il nous amène à nous arrêter, à entrer en empathie avec les acteurs, et de fait avec la souffrance humaine, la souffrance universelle. Cette même lenteur permet de décomposer une palette d'émotions en une infinité d'expressions subtiles et infiniment riches. Longueur des films, acteurs intenses, anonymes, analogie non figée aux tableaux de référence, ("Emergence" lié à la sortie du tombeau de Masolino, "Man of Sorrow" à la Mater Dolorosa de Bouts, et "in Observance" aux Four Apostles de Dürer), Bill Viola s'inspire sans plagier et apporte un regard nouveau sur ces œuvres, et au-delà de l'événement qu'elles développaient sur leur impact émotionnel sur les personnages. Constructions variées et riches, diptyques, polyptyques, nous flottons avec bonheur entre Renaissance et Monde Contemporain. Cette première partie est un hommage réussi aux tableaux des Maîtres avec lesquels elle nous réconcilie. Elle nous donne l'envie de revoir ces œuvres avec un regard neuf, plus attentif et profond. Dans la deuxième partie, "The Crossing", réalisé en 1996, prolongement du travail présenté à la Tate Modern, l'installation prend un caractère plus dynamique et plus théâtral… Toujours narratif, mais le suspense entre en jeu, et l'émotion est moins dans l'image que dans le ressenti qu'elle provoque en nous, dans cette attente imposée, ce rapport à la lenteur, ce temps suspendu, qui nous intime de tout arrêter pour aller au bout de l'histoire… Un homme, court, longtemps, presque sans fin, et finit immergé totalement sous une cataracte, tandis que son alter ego, finit immolé par le feu… Nous sommes dans la symbolique de la purification et de la renaissance par la mort… A noter le bruit impressionnant de l'eau et du feu qui nous oppressent et font suite au silence des tableaux précédents. Pur plaisir sensuel, intense, extrême qualité des réalisations, des images, Viola nous ramène à nous-mêmes, et à nos émotions intimes et archaïques.
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