Le Havre : Bienfaisante Biennale, exporevue, magazine, art vivant et actualité
Le Havre : Bienfaisante Biennale
 
 
Quand le vent du large libère, qui s'en plaindra ? A l'avant-poste du renouveau, un port, une ville, un maire, une entreprise : une volonté et des moyens. Antoine Rufenacht, le casino Partouche, divers partenaires : voici la 1ère Biennale d'art contemporain du Havre. Avec - Le Havre oblige ! - une dimension internationale affirmée : commissaire, le canadien Claude Gosselin, fondateur de la biennale de Montréal. On ne pouvait mieux ! Il faut dire que la loi est ainsi faite, dès qu'un casino s'installe dans un lieu, il doit participer à hauteur de 0.5% du produit brut des jeux à une activité culturelle. La Biennale c'était la condition pour le casino. Budget : 800 000 €. Ce n'est pas la biennale de Lyon (à laquelle Partouche participe aussi), juste la deuxième biennale française.
choix

judicieux

diversité

thème

fédérateur

médiateurs

compétents

Jordi Colomer
 
Jordi Colomer
 
 
Un choix judicieux d'artistes internationaux, avec l'accent mis sur quelques canadiens remarquables. Une diversité de propositions et de dispositifs répartie en centre-ville, un thème fédérateur pour les œuvres montrées au musée Malraux – pour sa réouverture après six mois de travaux. Et des médiateurs compétents pour inviter et initier le public jeune et moins jeune. Tâche éminemment nécessaire en réalité, que les organisateurs d'événements d'art contemporain intègrent de plus en plus.

Alighiero Boetti, Guy Debord, Gary Hill, François Morellet, Michael Snow… des noms, c'est important pour une ambition. Et des jeunes, c'est le rôle d'une Biennale.

Sublimement, Michel Verjux, voluptueusement corpusculaire et calmement ondulatoire, comme à son habitude, projette les lux de ses "éclairages" et creuse un puits de lumière dans l'appartement-témoin de la ville reconstruite par Auguste Perret, ville inscrite au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco, ville qu'il caresse simultanément d'un phare - suprême amer - du haut de la tour de l'Hôtel-de-ville.
 
 
François Morellet
 
François Morellet
 
 
En bas, la place est visitée des monstrueux cétacés plastiques de Jacques Bilodeau, desséchés et échoués sur une grève à la végétation colorée par le paysagiste Claude Cormier. Sous la pergola égayée, les chaises de Michel Goulet projettent du soleil sur la terre les célestes vers de ses amis poètes.

Non loin de là, les conteneurs repeints de la compagnie Delmas hébergent parfaitement les installations des vidéastes. Annika Larsson, jeune suédoise de New York, met en scène pouvoir et désinvolture dans une partie de hockey scandée de codes masculins. Emmanuelle Antille joue et rêve encore du diptyque cinétique dans l'opposition de violences humaines et naturelles : Kill me twice, dear friend, dear ennemy, 2005. Jesper Just, qui vit entre Copenhague et New York, explore les relations humaines et amoureuses en cultivant la moindre énigme : Invitation to love, 2003, This love is silent, 2003, Something to love, 2005. "Il n'y a pas de message, c'est uniquement poétique", nous dit-il.

Typique installation cinétique, la voiture de Jordi Colomer venue à la hâte réveiller les havrais à cinq heures du matin - ou plutôt tenter de le faire - à coups de tambour et de sonnettes. No ? Future ! vidéo extraite de ces exactions urbaines et de ses excursions fictionnelles. Réveiller/sensibiliser… rêve d'enfant. Dernière invitation, à la sortie du casino Partouche, le bar rectum de l'Atelier van Lieshout s'impose à l'embouchure de la Seine comme un débouché naturel au point zéro du biodesign postmoderne. Décidément, la scène beneluxoise ne cesse de boucher coins et recoins contemporains, en cette fin d'ère c'est infiniment sain.

Pour le musée Malraux, Claude Gosselin a retenu le thème des palindromes, ces groupes de lettres ou de mots qui peuvent être lus indifféremment dans chaque sens.
 
 
Atelier Van Lieshout
 
Atelier Van Lieshout
 
 
Le suisse Gérald Minkoff, connu pour avoir été le premier à présenter une installation laser… avec des animaux en peluche à la Biennale de Venise 1970, d'un calicot affiche/affirme ainsi : A Sumatra l'art s'amusa, 2000, et de néons, Amen ici cinéma, 1978. "Dysléxique d'origine, j'étais gaucher contrarié", dit-il. Il le reste pour "les fonctions délicates : faire des eaux-fortes, par exemple", mais il est droitier pour les fonctions "plus viriles : peindre à la brosse, le basket, le javelot" ! Amateur de pataphysique, c'est peut-être pour cela qu'il s'est intéressé aux palindromes. Il ajoute : "ce n'est qu'une fuite en avant entre départ et arrivée, (sachant que les deux se confondent)".

Des palindromes, Ger Van Elk, avec The symmetry of diplomacy III – peking, 1972, Symmetry of diplomacy in a Chinese fashion, 2005, Tunga, avec Palindromo, 1989, Ed Ruscha, avec Sex at noon taxes, 2002, Ecke Bonk, avec Aide-moi o media, 1997, d'autres cités plus haut, se sont prêtés au jeu…

En ces temps de re-découverte des arts dits premiers, la palme des palindromes revient à Dana Claxton, venue de Vancouver nous apporter un regard neuf sur l'usage de la vidéo, pourtant bien occidentale. D'origine Hunkpapa Lakota Sioux - sa famille habite une réserve dans le Saskatchewan méridional - Dana est professeur adjointe à l'Institut de l'art et du design Emily Carr, célèbre au-delà du Canada. Loin des musées ethnographiques, ses vidéos ont été montrées au MoMA à New York, au Walker Art Centre à Minneapolis et au Microwave à Hong Kong. Elles se nourrissent de symboles et proposent une analyse des stéréotypes du langage tout en dénonçant les ravages occidentaux sur les cultures amérindiennes. Sa vidéo Rattle, 2003 (crécelle) en donne une version riche de rythmes poétiques et de spiritualité aborigène : cet infini en miroirs, réflexion du ciel sur la terre, nous plonge "au coeur de toute chose qui est".
Olivier de Champris
Le Havre, juillet 2006
 
Annika Larsson
 
Annika Larsson
 
 
Emmanuelle Antille
 
Emmanuelle Antille
 
 
Dana Claxton
 
Dana Claxton

Biennale d'art contemporain, Le Havre, du 1er au 25 juin 2006

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