Gilles Balmet, à l'essence de l'art, exporevue, magazine, art vivant et actualité

Grenoblois d'origine, Gilles Balmet réside depuis bientôt un an à la Cité internationale des arts. Jeune diplômé, le plasticien explore diverses pratiques - peinture, sculpture et vidéo - de manière à immerger le spectateur dans l'intériorité de l'œuvre. Sans être conçues comme un langage, les toiles engendrent plutôt un dialogue visuel, par une dualité du blanc avec le noir, interpellant le regardeur. Dans la série des Winterdreams (2005), de larges taches noires lèchent verticalement la surface vierge de la toile. Le regard se perd dans un paysage enneigé dont les formes inquiétantes offrent une vision méconnue de la réalité. A la fois minimales et généreuses, les peintures glycéro synthétisent à l'extrême la sensation tout en faisant appel au ressenti du spectateur. L'œuvre peinte de Gilles Balmet transporte le public dans un ailleurs audacieux, dans un entre-deux où l'abstraction devient aussi présente que la figuration. Plus qu'une mimésis du paysage, son travail s'inscrit dans une quête d'absolue réalité, par une intellectualisation de ses images, qu'il souhaite avant tout partager avec son public.

Tout aussi éloquente, la série simulant le Test de Rorschach - Sans titre, 2005 - renouvelle le procédé pour en dicter un langage pictural inédit. Les taches d'encre symétriques s'emparent subtilement de la surface de la toile pour l'harmoniser de lignes plus ou moins courbes. Vaste toile d'araignée ou fantastique bestiaire, l'œuvre laisse libre cours à l'imagination du spectateur projetant allégrement ses pensées, voire ses plus profonds fantasmes, dans un labyrinthe de fils entremêlés. Cette authentique manière d'exploiter l'espace atteint son point culminant lorsque l'artiste la transpose en trois dimensions. Ses sculptures Rorschach (2005) entrent en parfaite symbiose avec l'environnement. Recroquevillées, les formes noires, aux prises avec le vide, témoignent incontestablement d'une présence. Insectes, bêtes géantes, les œuvres dévoilent leurs multiples facettes à l'observateur. Usant à satiété de cette méthode, Gilles Balmet entrouvre d'infimes passerelles aux frontières de l'intérieur et de l'extérieur, du réel et de la fiction. Le jeune artiste éprouve ainsi les limites de la conscience et se pose en véritable investigateur du tangible.

Intrigué par ces faux-semblants, le spectateur poursuit sa rencontre artistique à travers des vidéos - jeux de miroirs avec des plans arrêtés ou actions s'enchaînant continuellement. Le monde réel s'évanouit ainsi dans des milieux aussi illusoires que troublants. Qualifié par l'artiste de "papier peint vidéo", Birds (2004) renoue avec l'évocation précédente d'une imagerie animale émergeant d'une masse noire sur un fond immaculé. Mêlés au feuillage, les oiseaux se distinguent tant bien que mal et rendent compte d'un environnement en perpétuel mouvement. Le public concentre son regard sur ce plan unique pour évader sa pensée dans une poétique et vibrante ambiance. La couleur ressurgit avec force dans Aikido (2004), une fin de séance d'un cours de cet art martial. Récemment présentée au Frac Champagne-Ardenne, la vidéo expose la vue de la salle progressivement rangée par des élèves. En filmant ainsi l'évanouissement d'une situation et son passage à un état autre, Gilles Balmet s'interroge une nouvelle fois sur le devenir de l'image présente et sur le souvenir que celle-ci laissera. Cette position d'entre-deux s'accentue dans Déplacements (2003) qui, par son titre évocateur, confirme la difficulté de capter l'identité spatio-temporelle. Seules quelques images entrevues demeurant en mémoire permettent de reconstruire un trajet ou une durée. En effet, la vie n'est rien de plus qu'une incessante traversée de la réalité.

Cherchant à bouleverser le champ visuel du regardeur, Gilles Balmet pousse en profondeur sa réflexion sur l'appréhension du réel en introduisant un jeu de transparence dans son travail. Réalisé à l'aide de bulles de savon appliquées sur un sol humide, Digital Garden (2005) propose un agencement quasi-architectural, aussi complexe que fragile. Sans cesse, de nouveaux éléments apparaissent et se joignent au volume existant. Infligeant une continuelle renaissance à son assemblage, l'artiste prolonge ainsi sa durée de vie dans l'intervalle compris entre le présent et futur, l'éphémère. Associée au cinquième concerto pour violon de Mozart, cette construction contemporaine se confond avec le génie atemporel du compositeur et marque le public de sa remarquable charge émotionnelle. Réunies pour une première exposition personnelle, les œuvres de ce jeune artiste révèlent le mince interstice existant entre la fiction et le monde réel : celui du possible. Avec son alchimique savoir-faire, Gilles Balmet allie les techniques des nouveaux médias à une sensibilité artistique. L'équilibre formel et la recherche colorée de ses œuvres plongent le spectateur dans des promenades sensibles presque saturées d'une intense poésie pour se trouver face à l'essence de la réalité.