A   vos   rangs  -  très   serrés




Isabelle Grosse, manif, courtesy Galerie Anton Weller

En France, le mois de septembre est celui de la rentrée, d'une rentrée très rangée…

Rangés les grands projets qui devaient nourrir la vie culturelle, artistique et économique de dugny en seine-saint-denis. Le projet d'une exposition internationale autour des questions de l'image est abandonné. La décision du premier ministre tombe le 7 août 2002 à 18h32, sous la forme d'un laconique communiqué de l'agence france-presse. Les soixante-douze employés de la semimages, qui n'en ont pas été directement informés, voient s'annoncer une rentrée morose. Une rentrée morose pour la france entière, qui n'avait rien organisé de tel depuis 1937.

Une rentrée qui s'annonce même comme un véritable retrait. Retrait des travaux d'urbanisation de ce lieu, perdu entre le parc de la courneuve et les pistes du bourget, puisque la région s'est engagée à construire une gare RER à Dugny. Retrait, voire disparition, des réalisations architecturales construites pour l'événement, et qui

Au sujet du risque financier encouru par l'etat, luc le chatelier signale pourtant qu'il semblait "dérisoire au regard des retombées internationales de l'expo 2004, et l'etat, qui ne s'était engagé qu'à hauteur de 100 millions d'euro (sur un budget total de 295 millions), avait la garantie d'en récupérer 60 millions au travers de la TVA". "Le lot de consolation annoncé, la mise en valeur du musée de l'air du bourget, est un leurre : ce chantier était déjà décidé depuis deux ans"(Télérama n°2746, 28 août 2002, p.27).

Ce retrait d'une ère culturelle au profit d'un retour au vieil air patriotique, laisse apercevoir qu'en temps de guerre il vaut mieux voir des avions qu'apprendre à voir des images. C'est une rentrée où l'on n'apprend plus à transmettre et à communiquer, où l'on ne comprend plus le sens des images.

Budgets de la culture, de la communication et de l'education : "a vos rangs très serrés"… ce qui n'est peut-être pas le cas de tous les budgets (avec + 6% pour l'armée).

Depuis longtemps, les étudiants se voient proposer par les ecoles d'art des formations de cinq ans qui conduisent au diplôme national supérieur d'etudes plastiques, le DNSEP. Aujourd'hui les décrets semblent officialiser une inégale valeur selon qu'il est attribué par une "Ecole Nationale", dite "Supérieure", ou par une Ecole, au statut "Municipal".

Cela a le mérite d'éclaircir une situation qui, parce qu'elle privilégie un recrutement pour lequel il est préférable d'être un enseignant "du cru" plutôt que d'être un enseignant "de qualité", conduit à une clôture de la culture sur le politique local. Elle pousse les directeurs d'ecoles à construire des cycles de formations autour du principe du retour d'ascenseur, et entretient chez les enseignants le stress de pédagogies centrées sur le revirement électoral.

Faut-il en conclure que ces décrets sont un bienfait pour la qualité de l'enseignement ? loin s'en faut.

Aucun décret ne remplace la construction d'une vraie politique de l'enseignement de l'art. A l'heure où l'on parle de décentralisation, il serait judicieux de réfléchir à l'accessibilité des enseignements au sein de chaque région, quitte à réaliser des pôles de spécialités répartis à l'intérieur de chaque territoire régional. Il faut surtout penser à préserver la qualité et la valeur des diplômes nationaux partout en france.

La politique de l'education nationale ne doit pas être contaminée par les politiques régionales, par ce politique qui sent le souci économique. Au risque de perdre ce qui reste un des derniers renoms de la france, son esprit et sa culture. Au risque surtout d'abandonner aux dirigeants le pouvoir de décision auquel doit former l'éducation, qui seule nous assure du pouvoir de défendre nos droits par l'exercice libre de l'esprit.

Rentrée plus à l'aise, un peu plus à l'est. En belgique, du 4 au 19 octobre à bruges, s'annonce format 2002, un festival qui confronte culture et technologie, et présente des spectacles qui mettent en scène les technologies multimédia.

Ces arts vivants viennent invoquer et évoquer les arts plastiques en leur offrant de jolis hommages, en guise de noms aux parfums historiques. Avec le ballet mécanique d'hermès ensemble, screens de champ d'action, le théâtre ubu des aveugles, ils épellent et rappellent que les arts ne se font pas les uns contre les autres… ou alors "tout contre", selon Guitry. En référence les uns aux autres, mais sans déférence entre eux.

A partir du 5 octobre, le musée memling de bruges accueille douze installations vidéographiques de douze artistes à découvrir. De différentes nationalités, ils viennent témoigner de ce que l'image appartient au monde entier, qu'elle y fait sens de façon variée mais toujours ouverte à d'autre significations et d'autres sens, à toutes les sensations et à tous les sens… c'est donc en tout sens qu'il faut aller voir ailleurs, et ainsi se consoler du désert français de la rentrée…

On peut également annoncer la présentation du spectacle que jan fabre prépare actuellement. Les 5, 6, 7 et les 12, 13, 14 novembre au concertgebouwn't zand de bruges, on découvrira Parrots and Guinea Pigs, où l'homme est un cobaye et l'animal un exemple.

A l'est que du nouveau donc, où l'on souhaite encore que l'homme qui se perd trouve d'autres repères, où l'on espère encore que celui qui n'aime guère la guerre respire un nouvel air, et se trouve une nouvelle ère.

Parce qu'il faudrait en finir avec une apolitique culturelle.

Frédérique Boitel
Paris septembre 2002





Isabelle Grosse, juste prix, courtesy Galerie Anton Weller

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