Pierre Cordier hommageDouglas Collins
Pierre Cordier,
Where to start with Pierre? A unique individual, and for years my closest friend. We loved each other, and yet we argued, ranted, and complained about artistic injustices, but then we would laugh and go out to eat together. Or sometimes we'd simply wander around Brussels, rummaging through shops and markets in search of unusual paints, greases, or lubricants that could be used to create chemigrams. After a while, it became somewhat of a joke for us, because we knew the possibilities were almost endless, so we'd retreat to a bar for a beer and discuss how we must have seemed like madmen when we engaged with shopkeepers about how these liquids would behave on photo paper. Suddenly, Pierre would look up and point to a building not far away. "That's where I used to swim every day. I was competing back then!" We were at the outdoor Place du Jeu de Balle flea market. He urged me to buy an accordion from a gypsy who also wanted to sell me his handicapped brother, believe it or not. Pierre winked and said he was serious, make him an offer. Then Pierre strolled ahead and disappeared. When I caught up with him, I was holding the accordion, and he asked, "So where's the brother?" It was like this everywhere we went, every street in the Marolles neighborhood before it became trendy, every corner, almost every building: a memory, a story, or a joke. During our walks, people would come up to him and greet him, in cafes or on the boulevards, because he was recognized and adored as part of Belgium's special creative life. I stood aside, in awe, smiling at these encounters. Few knew what he had accomplished, that he had actually expanded the idea of what photographic art could be and become. Neither did they care, nor did he. He viewed himself as a metaphorical cousin of HergĂ©, a son of Georges Brassens, a close relative of Georges Perec, a stepson of Jorge Luis Borges, and a brother of jazz greats Duke and Monk. Today, his contribution to the artistic scope of photography is assured, and is rightly considered immense, radical, and on a continuous trajectory from the very beginnings of photography nearly two hundred years ago. He showed us how to create an image using only fixer and developer on a blank sheet of photo paper in broad daylight. It can't get simpler than that. His greatest legacy then must this message: that we can go beyond simply recording reality, we can create it instead. Rest in peace, my friend, you've given us enough to carry on with. Par où commencer avec Pierre ? Un individu unique, et pendant des années mon plus grand ami. On s’aimait l'un l'autre, et pourtant on se disputait, on passait des coups de gueule et on se plaignait des injustices artistiques, mais ensuite on riait et sortait manger ensemble. Ou parfois on errait simplement dans Bruxelles, fouillant dans les magasins et les marchés à la recherche de peintures, de graisses ou de lubrifiants inhabituels pouvant être utilisés pour réaliser des chimigrammes. Après un certain temps, cela devenait un peu une blague pour nous, car on savait que les possibilités étaient presque infinies, alors on se retirait dans un bar pour boire une bière et discuter de la façon dont nous devions paraître comme des fous lorsque nous discutions avec les commerçants de la façon dont ces liquides se comporteraient sur le papier photo. Soudain, Pierre levait les yeux et pointait un bâtiment non loin. "C'est là que je nageais tous les jours. J'étais en compétition à cette époque !" On était sur la Place du Jeu de Balle en plein air. Il me pressait d'acheter un accordéon à un gitan qui voulait aussi me vendre son frère handicapé, croyez-le ou non. Pierre fit un clin d'oeil et dit qu'il était sérieux, fais-lui une offre. Puis Pierre se promena devant et disparut. Quand je le rattrapai, je brandissais l'accordéon et il demanda : "Alors, où est le frère ?" C'était comme ça partout où on allait, dans chaque rue du quartier des Marolles avant qu'il ne devienne à la mode, à chaque coin, presque chaque bâtiment : un souvenir, une histoire ou une blague. Pendant nos promenades, les gens venaient lui parler et le saluer, dans les cafés ou sur les boulevards, car il était reconnu et adulé comme faisant partie de la vie créative spéciale de la Belgique. Je restais en retrait, admiratif, souriant à ces rencontres. Peu savaient ce qu'il avait accompli, qu'il avait en fait étendu l'idée de ce que l'art photographique pouvait être et devenir. Ils s’en fichaient, ni lui non plus. Il se considérait comme un cousin métaphorique d'Hergé, un fils de Georges Brassens, un parent proche de Georges Perec, un beau-fils de Jorge Luis Borges et un frère des grands du jazz Duke et Monk. Aujourd'hui, sa contribution à la portée artistique de la photographie est assurée, et est à juste titre considérée comme immense, radicale, et sur une trajectoire continue depuis les tout débuts de la photographie il y a près de deux cents ans. Il nous a montré comment créer une image en utilisant simplement du révélateur et du fixateur sur une feuille vierge de papier photo en plein jour. Ça ne peut pas être plus simple que ça. Son plus grand héritage donc doit être ce message : que nous pouvons aller au-delà de simplement enregistrer la réalité, nous pouvons la créer à la place. Repose en paix, mon ami, tu nous as donné assez pour continuer. Douglas Collins |