Synopsis
Il y a des arbres et deux femmes. Elles sont mère et fille. Elles s’aiment pour toujours. Elles sont étrangères l’une à l’autre. Elles ne mentent pas. C’est un songe sous les arbres.
Note d’intention
Orme est la seconde des petites pièces sans suite qui constituent après Groupe orpheline, une trilogie sur les femmes.
Ici, le lien mère et fille est exploré. Deux femmes à deux âges différents qui tombent et se relèvent dans un balancement de chaises, sur lesquelles on s’assoit, on monte, on joue, on pleure, on crie, avec lesquelles on tente d’approcher une parole qui se construit dans l’espace sombre d’un jardin clos la nuit.
Qu’en est-il de la passion de ces deux femmes, qui les propulse aimantes et rivales ?
L’une joue l’autre écrit, par une étrange symétrie, et bien que l’une vienne de l’autre par un acte de naissance, cependant rien ne les raccorde sinon ce double lien de création. Elles ne sont pas familières, elles se désaccordent sans cesse. L’entente est mauvaise.
La scène primitive, celle qui inaugure tout commencement, est la même que la scène de théâtre. Suis-je ou ne suis-je pas ? dit Hamlet. Dis-je ou ne dis-je pas ? Pour qui dis-je ? dit Heim. L’adresse ouvre sur la recherche d’une identité en mouvement, d’un nom dont on voudrait se séparer en même temps qu’en éclaircir le sens autant que la sonorité. Heim est un personnage de promenade, d’errance au bord des gouffres, fut-il celui du jeu. Les acteurs se lancent du haut d’une fenêtre imaginaire, d’abord dans un espace vide, et quand ils le possédent pleinement, ils pénètrent comme une sève un texte et un plateau.
C’est alors que la troisième personne en devient une première, et jouer un autre ou une autre serait le redevenir.
Dépasser la proximité pour accéder à la représentation.
La mère et la fille sont-elles sœurs, face au frère et au fils ? Les actrices jouent- elle également en famille face au public ?
Vivre est impossible. Heim réclame l’écoute qu’elle n’obtient pas, quand Golga est dans une distraction continue alors même que l’expression de son affection est dévorante. Les mères sont toujours coupables d’un crime connu seulement des enfants. Ils détiennent la clé du conte familial. La mère dévore l’enfant qui le lui rend bien, porteur de la toute force justifiée de la jeunesse. Et le public qui se nourrit du corps de l’acteur, le fétichise, comme une mère son enfant.
Le lien familial pourrait être un lieu, ce serait un jardin où il y a des ormes. Une maison, une villa, un territoire, réitère la marche des souvenirs d’enfance pour ceux qu’obsède le désir de les perdre "au Saut de la vie".
Raya Lindberg Octobre 2008