Wolfgang Tillmans
à la Tate Modern
Wolfgang Tillmans
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Wolfgang Tillmans

Wolfgang Tillmans

Remarquable exposition d'un photographe allemand bourré de talent, contemporain de nos préoccupations sociopolitiques, écologiques et affectives, peu mis en valeur jusqu'à présent.

Un soir du mois de mars, dans l'une des vastes salles de la Tate Modern règne une pénombre déchirée par les effets stroboscopiques des pinceaux de lumière de différentes couleurs qui balaient l'assistance. Quelques centaines de personnes assises par terre. Une majorité de jeunes qui attendent, face à la scène, qu'apparaisse l'artiste parmi les instruments de musique qui y sont déjà placés : batterie, guitares, … Trois musiciens, back stage, sont assis et attendent sagement eux aussi. C'est dans cette atmosphère de concert rock que Wolfgang Tillmans, bad boy né dans la mouvance de la contreculture de 1968, s'empare du micro.
Accompagné par son groupe, il profère des textes qu'il a lui-même écrits. La performance emballe le public ; elle s'inscrit dans le cadre de l'exposition organisée par le Belge Chris Dercon en l'honneur de celui qui, en 2000 déjà, avait reçu le Turner Prize, prestigieuse récompense décernée généralement à un artiste contemporain britannique. Mais nous sommes en 2017 (titre de l'exposition) et c'est de notre actualité qu'il s'agit.
Ce qui frappe indépendamment de ses talents de poète, dans cette exposition exceptionnelle consacrée aux multiples facettes de la créativité artistique de Tillmans depuis 2003, tient à la fois à la sensibilité de son regard, à la qualité technique de ce qui est présenté, à l'abondance de matériels très divers, ainsi qu'à l'originalité de l'accrochage voulu par l'artiste à travers quelque quatorze salles.

Le regard, la technique et l'accrochage

Qu'il photographie une mauvaise herbe qui a réussi à pousser entre des pavés sales, moussus et jonchés de débris, la nuque d'un jeune homme ou le phare d'une voiture, aucun sujet n'est anodin chez WT, volontiers concret et conceptuel à la fois. La fragilité des choses et des personnes est intégrée au contexte économique de la globalisation de notre monde. Chaque élément, en outre, peut être considéré comme un tableau ou une sculpture en soi. C'est le cas de feuilles de couleur, tordues ou chiffonnées, tirée en grand format dans des gammes chromatiques nuancées.
Sensible et intelligent, son regard témoigne aussi de son attention au médium photographique lui-même, à la pointe des développements du numérique. Les photos sont d'une netteté rare, par exemple dans le cas d'une prise de vue à partir de la fenêtre d'une voiture en mouvement. L'arrivée d'eau d'une gouttière rafistolée, une nature morte hyperréaliste, un portrait, une cascade ou un groupe d'Africains au marché sont des sujets, jamais froidement traités, donnant lieu à de petites, moyennes ou (très) grandes photographies au rendu impeccable, avec encadrement ou à bords perdus, punaisées au mur ou clipsées. Les angles de vue adoptés témoignent quant à eux d'une liberté et d'une attention sensorielle aux détails parfaitement subjectives. Du très grand art pour un projet d'une ambition politique d'une impressionnante cohérence où l'humanisme de l'engagement de leur auteur se traduit par le niveau d'exigence de ses gestes et intentions.

Les matériels

Qu'il s'agisse de prises de vue, de documents littéraires, scientifiques ou d'archives présentés sur des tables sous vitrine, de l'installation sonore d'une "playback room", d'une vidéo où l'on voit Tillmans danser de dos face à un mur, tandis que danse en solitaire son ombre spectrale sur le plan juxtaposé, de la qualité des papiers de livres imprimés ou de portraits de célébrités (Oscar Niemeyer à 102 ans dans un fauteuil installé devant sa bibliothèque ou Gustav Metzger attablé), tout ce qui nous est donné à voir relève de l'intime et de l'espace public, du ressenti d'un artiste homosexuel hypersensible à l'esthétique des textures et des surfaces de ses modèles, doublé d'un citoyen du monde constatant avec empathie la vulnérabilité de nos sociétés aux frontières ouvertes ou fermées.
Dans la dernière salle, une très grande photo de la mer agitée par des mouvements contraires sous la surface de sa belle eau bleue, dit les tensions éprouvées. C'est là "The State We're In, A" en 2015.
 
Catherine Angelini
Londres, mars 2017
 
 
Wolfgang Tillmans "2017" à la Tate Modern de Londres jusqu'au 11 juin 2017

photo © Wolfgang Tillmans, courtesy Maureen Paley, London

www.tate.org.uk

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