Wim Delvoye
La dérision face à Rodin
Wim Delvoye
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Wim Delvoye

Wim Delvoye, Tour, 2009-2010, acier Corten découpé au laser
Courtesy Studio Wim Delvoye et Galerie Emmanuel Perrotin, Miami & Paris

 
 
 
 
Né il y a quarante-cinq ans à Wervik en Flandre Occidentale, Wim Delvoye s'inscrit dans la lignée de Jan Fabre, Panamarenko, Alain Platel et tant d'autres qui ont révolutionné l'art contemporain. Vivant entre son atelier de Gent et son "Art Farm" de Pékin, ce plasticien belge a pour habitude de mélanger les genres les plus contradictoires, de confronter les univers les plus antinomiques et de réveiller ainsi en nous toutes sortes d'interrogations. Il a la passionnante particularité de façonner des oeuvres qui mèlent science et imagerie populaire, politique et religion, sacré et profane. Reconnu du grand public il y a une dizaine d'années grâce à sa fameuse machine qui reproduit le processus digestif , Cloaca (qu'il a déclinée en petit récemment), il a aussi exposé dernièrement au musée d'Art Moderne de Nice sept cochons tatoués (élévés à Pékin), ce qui a provoqué les protestations des militants de la cause animale. Depuis le printemps dernier, et ce jusqu'à fin août prochain, le musée Rodin à Paris lui fait honneur en exposant quatre de ses oeuvres emblématiques en confrontation avec le travail de Rodin.

Dans la cour centrale, posée devant l'hotel Biron, une tour ombragée nous arrête net. Elle est le fruit d'une quète architecturale atypique, une évocation de l'ère gothique qui fascine tant l'artiste. Cette mini cathédrale ciselée comme de la dentelle et oxidée par la pluie renvoie à une problématique économique et esthétique concentrée exclusivement sur le clinquant et le "bling-bling".

Un peu plus loin, dans le cabinet du premier étage, un modèle réduit du portail de l'atelier de Delvoye, Gates of hell, trône, seul au milieu de la pièce, articulant toute sa mécanique et sa légèreté. Cette porte reprend les thèmes qui lui sont chers : les logos hollywoodiens et son drôle de M. Propre et nous fait immédiatement songer à la Porte de l'Enfer du grand Rodin. Sur et autour de cette dernière, les sujets ont chacun leur raison d'être et leur signification précise. Ils font ainsi contrepied avec le travail de Delvoye qui n'est qu'une suite de détournements et d'assemblages.

Au coeur de la collection antique du maître, on découvre deux bonbonnes de gaz peintes à manière d'une amphore du Ve siècle avant J.C. Bon et mauvais goût s'interpellent et surenchérissent l'un l'autre. Le plasticien interroge par là-même l'objet et l'ornemental, non sans humour. Et enfin, au beau milieu des plâtres de notre illustre Auguste, on trouve Helix : un long crucifix serpenteux fait de bronze, conçu comme une molécule d'A.D.N qui fait un pied de nez à son aîné et à son célèbre Christ à la Madeleine. L'artiste défie ici nos traditions en découpant à l'infini nos bons vieux symboles religieux. Bousculer les conventions, les remettre en question, réveiller les consciences et nous rendre acteur de l'évolution de notre propre société, tel est le fil conducteur de cet artiste que beaucoup qualifieraient d'excentrique.

A fleur de dérision et dans le plus grand sourire, Wim Delvoye nous ouvre les portes de la prise de conscience… sans leçon, ni réponse. Il nous parle avec une brutale franchise de nos travers et tendances par le biais d'un travail à première vue, léger, mais pourtant essentiel.
 
Pauline de Meurville
Paris, août 2010
 
 
Musée Rodin, 79 rue de Varenne, 75007 Paris, tél. : + 33 1 44 18 61 10
www.musee-rodin.fr - www.wimdelvoye.be

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