Chiharu ShiotaThe Soul Trembles. Un autre fil rouge d'Ariane
Chiharu Shiota, Uncertain Journey (Voyage incertain) 2021
Chiharu Shiota, Berlin 2024
Chiharu Shiota, Accumulation Searching for the Destination
Chiharu Shiota, Accumulation Searching for the Destination
Chiharu Shiota, Becoming Painting (Devenir peinture) 1994
Chiharu Shiota, Cell (Cellule) 2020
Chiharu Shiota, Connecting Small Memories (detail)
Chiharu Shiota, In Silence (En silence) 2002/2024
Chiharu Shiota, In the Earth (Dans la terre) 2012
Chiharu Shiota, In the Hand (Dans la main) 2017
Chiharu Shiota, Inside Outside (Dedans Dehors) 2009/2024
Chiharu Shiota, Prayer (Prière) 2019
Chiharu Shiota, Rebirth and Passing (detail)
Chiharu Shiota, Reflection of Space and Time
Chiharu Shiota, Where Are We Going?
Chiharu Shiota, Uncertain Journey (Voyage incertain) 2021
Chiharu Shiota, Scénographie pour Matsukaze
Chiharu Shiota, Where to Go, What to Exist Photographs |
Chiharu Shiota est née à Osaka au Japon en 1972, elle vit et travaille à Berlin. Sa pratique plastique consiste à mixer divers éléments tels que des séquences d'art corporel, performance et installations, photographies et dessins, tout en privilégiant une grande place au corps dans ses conceptions esthétiques. Son élément privilégié étant le fil de laine rouge – ce dernier symbolise le micro-univers des vaisseaux sanguins – blanc et noir(symbolisant le royaume des rêves et les profondeurs de l'univers).
L'ensemble se développant dans l'espace où son architecture tend à capturer "souvent" des objets, des constructions en bois, etc. Nous avions pu voir plusieurs expositions d'elle dans sa galerie : Templon à Paris. Lors de l'exposition en 2017, j'avais donné une interview sur son travail. (Cette vidéo est visible sur le site de la galerie). Cette nouvelle exposition, The Soul Trembles/Les frémissements de l'âme, de l'artiste Chiharu Shiota est co-organisée par le Grand Palais Rmn, Paris et le Mori Art Museum, Tokyo. C'est une avant-première pour l'institution avant la grande réouverte de l'institution en 2025 (à présent sous la direction du Président Didier Fusillier.) Le parcours de l'exposition est composé de 12 séquences qui s'organisent autour de plusieurs thématiques et révèlent un corpus composé de ses dessins, de ses photographies, et des éléments qui constituent son univers, sa propre biographie. "Lorsque j'étudiais la peinture, je me sentais bloquée. J'avais l'impression que tout ce que je créais avait déjà été fait. Il n'y avait pas d'émotion, c'était juste de la couleur sur une toile. Lorsque j'étudiais en Allemagne, j'aspirais à avoir mon propre espace. J'avais déménagé neuf fois en l'espace de trois ans et il m'arrivait de ne plus savoir où j'étais en me réveillant le matin. J'ai pris du fil que j'avais dans ma chambre et j'ai commencé à tisser une toile autour de mon corps et de mon lit. J'avais l'impression de dessiner dans ma chambre. Je crée une peinture en trois dimensions et, en même temps, c'est un miroir de mes sentiments. Avec le fil, j'ai enfin trouvé mon matériau." (extrait de l'entretien avec la commissaire Mami Kataoka). Dans la structure de la mythologie japonaise en termes de conflits entre principes masculins et principes féminins, aucun des deux côtés ne prend jamais complètement le dessus. Dans After That, elle utilise des robes qui sont pour elle une seconde peau. Interface entre le soi/le moi, et le monde extérieur. On verra des bateaux enlacés par les fils de laine, et par Accumulation – Searching for a destination (2014-2024), une œuvre composée par une suspension de valises pendues au plafond (voir le visuel). L'artiste évoque par là le problème des réfugiés et de l'immigration. Ces toiles gigantesques enveloppent très souvent des objets de son quotidien (chaises, lits, pianos, vêtements, etc.) et invitent à un voyage onirique magistral et solennel. "L'esprit et le corps se détachent l'un de l'autre, et je n'ai plus le pouvoir de mettre fin à ces émotions incontrôlables. /J'étale mon propre corps en morceaux épars et j'entre en conversation avec luidans mon esprit. / D'une certaine manière, c'est le sens que je donne au fait de relier mon corps à ces fils rouges. /Exprimer ces émotions et leur donner une forme implique toujours la destruction de l'âme." S. Shiota C'est au milieu des années 90 que l'artiste produit ces installations de fils de laine entrelacés, créant des réseaux graphiques spectaculaires, inextricables pour le public ! et à travers desquels le visiteur doit déambuler, s'immerger et trouver finalement son chemin. Son art de l'enchevêtrement a fait son style, sa renommée. Shiota pratique également la sculpture, la photographie, la vidéo, éléments présentés dans cette exposition qui forme une sorte de rétrospective. Les œuvres : Uncertain Journey, ou bien ses miniatures d'éléments, d'objets de toutes sortes, pianos, chaises, maquettes de maisons de l'ex-Allemagne de l'Est, 70 petites bouteilles ramassées par elle-même, un bric-à-brac, telle une panoplie de jeux pour enfants, qu'elle intitule : Connecting Small Memories est impressionnant ! les chaises, In Silence, les robes blanches dans un espace de fil de laine noir… On verra aussi un petit ensemble de fenêtres berlinoises : Inside-Outside, titre de l'œuvre, que Shiota avait montré pour la première fois en 2004, dans une œuvre créée pour la première Biennale internationale d'art contemporainde Séville, organisée par Harald Szeemann (1933-2005). Il y avait six cents fenêtres combinées et empilées pour former un mur qui, recouvert de plantes, semblait respirer comme un objet organique. Cette œuvre Inside – Outside ("Dedans – Dehors") fut exposée en 2019 au Mori Art Museum. Shiota voulait évoquer le mur de Berlin ; par la suite Shiota a utilisé les fenêtres dans de nouvelles compositions. Chiharu Shiota a notamment réalisé des scénographies de théâtre et d'opéra ces dernières années qui ont été remarquées. Ses créations protéiformes explorent les notions de temporalité, de mémoire. "La mort fait partie de mon travail, mais j'y vois moins une fin en soi qu'un nouveau départ. Pour moi, elle représente un nouveau mode d'existence dans le cycle de la vie. La mort est un état qui nous entraîne dans un univers plus vaste." Shiota Ayant fait l'expérience directe, et à de multiples occasions, de la vulnérabilité de la vie qui lui a été accordée, Shiota souhaite que cette exposition puisse transmettre aux autres, avec l'ensemble de son corps, les tremblements de sa propre âme. Ces sept installations à grande échelle, composant son projet scénographique, permettent de se familiariser avec la trajectoire artistique de Chiharu Shiota, sur plus de vingt ans. A voir absolument. Patrick Amine
Paris, décembre 2024
Chiharu Shiota, The Soul Trembles
Du 11 décembre 2024 au 19 mars 2025. Grand Palais, Paris Grand Palais Paris, Avenue Winston Churchill 75008 Paris-France. Du mardi au dimanche de 10h‐ à 19h30, nocturne le vendredi jusqu'à 22h. Fermé le 25 décembre. Publication Grand Palais Rmn Éditions 2024. Broché cousu, dos apparent avec fil de couleur rouge, 16,2 x 21,6 cm, 208 pages, 180 ill., 25€ www.grandpalais.fr www.chiharu-shiota.com Chiharu Shiota affiche
Notes :
L'exposition co-organisée avec le Mori Art Museum, Tokyo, est la plus importante exposition jamais consacrée à l'artiste, qui embrasse plus de 20 ans de sa carrière. Première grande exposition monographique organisée dans un musée en France et en Europe, elle offrira au public une expérience immersive à travers plusieurs installations monumentales déployées sur plus de 1200 mètres carrés. Biographie : Chiharu Shiota a été exposée à travers le monde, notamment au P.S.1 Contemporary Art Center, New York (2003), au K21 Kunstsammlung NRW, Düsseldorf (2014), au Smithsonian, Washington DC (2014). En 2015, Chiharu Shiota a représenté le Japon à la Biennale de Venise. En 2018, elle expose au Museum of Kyoto. De 11.10.2019 a 09.02.2020 Chiharu Shiota a aussi exposé "Me Somewhere Else" au Musée Royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles.
Note historique :
En 1993, la critique Susan Stewart, discutant des modalités du fantasme à l'œuvre dans la création des maisons de poupées, a évoqué la sexualité rabougrie et l'univers privé intensément extra-terrestre que l'artiste Joseph Cornell (œuvres que l'on peut voir en ce moment dans l'exposition Surréalisme au Centre Pompidou) parvenait à articuler dans ses petites boîtes, dont peu dépassaient deux pieds carrés : "l'univers miniature de la maison de poupée ne peut être connu sensuellement ; il est inaccessible au langage du corps et c'est la plus abstraite de toutes les formes miniatures. Pourtant, sur le plan cognitif, la maison de poupée est gigantesque… La maison de poupée... représente une forme particulière d'intériorité, une intériorité que le sujet vit comme son sanctuaire (fantasme) et sa prison (les frontières ou les limites de l'altérité, l'inaccessibilité de ce qui ne peut pas être vécu)". Ces structures en filets ont parfois été comparées à l'exposition : First Papers of Surrealism (1942) conçue par Marcel Duchamp (1887-1968). Visuels : © Adagp, Paris, 2024
Marcel Duchamp,Twelve Hundred Coal Bags Suspended from the Ceiling over a Stove 1938
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