Tomás Saraceno, ON AIR
Palais de Tokyo
Tomás Saraceno
Tomás Saraceno
Tomás Saraceno
Tomás Saraceno
Tomás Saraceno
Tomás Saraceno
 

Tomás Saraceno

Tomás Saraceno

Saraceno est un artiste que nous suivons depuis plusieurs années, ici et là, en Europe, à Düsseldorf (au K21, In Orbit), à Venise, à Bruxelles lors de l'exposition : Connected (2016) à la Centrale, et à Paris dans le cadre de l'exposition au Louvre, Une brève histoire du futur (2016) où nous pouvions déjà voir 2 cubes de verre où des araignées avaient tissé des toiles impressionnantes… L'artiste argentin (né en 1973 à Tucumán) vit à Berlin et travaille depuis quelques années à partir du fil d'araignée (et leurs diverses caractéristiques) et sur la modélisation, laquelle peut servir à construire dans l'espace des lignes, des surfaces où l'homme peut se mouvoir. Il utilise ce médium comme une métaphore du WEB (Spider Web), des réseaux, des circuits de transmission de l'information entre le vivant, la nature et les avancées technologiques – sans oublier les répercussions scientifiques, écologiques, les phénomènes de pollution, le réchauffement de la planète. Il s'est agi pour dans cette immense exposition de réfléchir, en particulier, à des modules de survie (Cloud City) et à une exploration des moyens de construire des espaces où l'espèce pourrait vivre, etc.

Quand on entre dans la première salle d'exposition, nous sommes plongés presque dans le noir, et un ensemble d'une vingtaine de de structures de filins formant un cube sont installés dans l'espace comme des modules flottants, où des toiles d'araignées sont tissées par diverses espèces sans lien de parenté, diurnes et nocturnes, de divers contrées du monde (75 environ nous dit-on), que nous pouvons approcher car l'une de leurs faces est ouverte. Certaines de ces araignées sont asociales, comme me l'avait expliqué l'artiste et ne peuvent tisser ensemble des toiles. On peut y voir là une forme de "Still Life" vivante !

On se demande comment tout cela tient ! En avançant plus loin dans cet espace de 1200 m2 ponctué de 18 séquences organisées par l'artiste, nous évoluons dans un monde singulier. Saraceno nous oblige à penser à d'autres formes symboliques qui participent pleinement de ce que l'on peut entendre aujourd'hui par le mot : Art. Ce sont des sensations nouvelles qui nous sont offertes à travers cette déambulation. WEBS OF AT-TEN(SION) ; ou Sounding The Air, des fils tendus qui produisent du son par les vibrations venues de l'extérieur ; ou bien cette pièce où sont installés des ballons avec à leur bout des stylos emplis d'encre faite de pigments de particules de carbone noir 2.5 issues de la pollution de Mumbai, que le spectateur peut faire évoluer sur les feuilles de papier installés au sol, une installation intitulée Aérographies – dans une salle bien éclairée. Un film nous montre l'Argyronète aquatique, une espèce d'araignée vivant essentiellement sous l'eau. Impressionnant. D'autres vidéos dévoilent des expériences réalisées sur l'énergie solaire avec la communauté Aerocene. Radio Galena, une pierre connectée à un réseau électrique : "Il s'agit pourtant d'une radio capable de réceptionner des ondes radioélectriques. Elle fonctionne à la manière d'un récepteur à cristal traditionnel, l'un des premiers récepteurs radio. Elle est ici reliée à la station d'une communauté mapuche d'Argentine qui lutte pour disposer librement de ses terres. Cette pierre nous permet ainsi de capter des fréquences écologiques et nous montre que même les objets inanimés peuvent nous amener sur les ondes, on air." Comme l'écrit l'artiste. Des colonies d'araignées, sur une dizaine d'hectares, pourraient tisser des toiles de plusieurs kilomètres, par exemple. Un motif qui fait réfléchir aux changements de perspectives spatiales pour l'homme.

L'œuvre intitulée Algo-r(h)i(y)thms est assez spectaculaire. Elle fait participer le public à une séance d'improvisation musicale durant toute l'exposition. Nous passons nos doigts sur les cordes et en les pinçant, les participants font partie intégrante d'un réseau de sonorités traitées par ordinateur. Ils improvisent dans l'espace de ces fils tendues avec des fréquences vibratoires diverses de sons. Le sol où évolue le spectateur-acteur devient une énorme enceinte ! Notre corps ressent de nouvelles sensations produites par cette mise en scène sonore immersive.

Tomás Saraceno nous dévoile dans une autre salle tous les livres de différents savoirs scientifiques et philosophiques qui ont guidé ses recherches, avec des graphismes, des cartes, et, notamment aussi dans une salle tous les instruments de mesure, les maquettes, les modules de survie, etc. Il précise : "Aerocene est une communauté internationale et pluridisciplinaire qui imagine de nouvelles manières d'habiter les airs, sans frontière et sans énergie fossile. Cet espace est activé par des ateliers et des interventions. Promouvant des pratiques Do-It-Yourself (Fais-le-toi-même) et Do-It-Together (Faisons-le-ensemble), ces ateliers posent une question fondamentale : que ressentirions-nous en respirant dans une époque post-énergies fossiless?" Le défi nous est lancé par cette formidable démonstration d'une pratique artistique et symbolique, qui intègre de nouveaux outils scientifiques et philosophiques. Saraceno reste très proche d'un philosophe-anthroploque tel que Bruno Latour (Enquête sur les Modes d'existence. Ed. La Découverte, 2012.) – un des théoriciens le plus cité au monde (voir les articles d'un Patrice Bollon par exemple)– avec lequel il a souvent dialoguer en public lors de ses dernières expositions.

Cette grande exposition originale est une des plus intéressantes du moment à Paris et en Europe. Jean de Loisy, directeur du Palais de Tokyo et instigateur de cette invitation pour une performance "muséale" sans équivalent et expérimentale hors norme, nous a permis de découvrir un artiste contemporain des plus novateurs.
 
Patrick Amine
Paris, décembre 2018
 
 
Tomás Saraceno, Palais de Tokyo
ON AIR – Carte Blanche à Tomás Saraceno
17 octobre 2018 – 6 janvier 2019
13 Av. du Président Wilson, 75116 Paris
www.palaisdetokyo.com

accueil     vos réactions     haut de page     retour