Niki de Saint PhalleTraces
Niki de Saint Phalle - Traces
Qu'en est-il de ce livre illustré par l'artiste Niki de Saint Phalle (1930-2002) qui paraît dans la nouvelle collection de L'Imaginaire, hors-série, dans un format plus grand ? (18 x 22 cm) Traces a pour sous-titre : Une autobiographie 1930-1949.
Catherine de Saint-Phalle, dite Niki de Saint Phalle (1), est une plasticienne, artiste peintre, graveuse, sculptrice et réalisatrice de films franco-américaine. Nous la connaissons pour ses sculptures de femmes hautes en couleurs, les Nanas, la fontaine Stravinsky qui se trouve dans le bassin près du Centre Pompidou, à Paris ; et notamment la très grande sculpture, une femme plantureuse colorée avec différentes matières qui se trouve dans la gare de Zurich, sans oublier son jardin de tarots, en Toscane (à Capalbio, où on peut s'y rendre et le visiter depuis 1998). Elle épousera l'artiste Jean Tinguely en secondes noces. Ce dernier réalisa Le Cyclop dans la forêt de Milly-la-Forêt, sans aucune permission, avec une dizaine d'artistes amis : César, Ben, Jean-Pierre Raynaud, Jesús Rafaël Soto, l'Hommage à Mai 68 de Larry Rivers, Le Tableau électrique de Rico Weber ou le Piccolo museo de Giovanni Battista Podestà. En 1987, François Mitterrand lui commande, conjointement avec Jean Tinguely, la fontaine de Château-Chinon. À la mort de ses parents, Niki de Saint Phalle commence l'écriture d'un cycle autobiographique. Elle explore la mémoire familiale à la recherche de réponses à rebours du temps, fouillant l'Histoire depuis la Grande Dépression jusqu'aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, de sa naissance à son mariage avec Harry Mathews, son premier mari. Traces constitue l'un des trois temps de ce projet intime dans lequel l'artiste nous convie à entrer. Le style est parfois volontairement naïf, mais les mots sont justes. Elle raconte ses parents, New York, les châteaux, l'enfance, la guerre, les jeux, les joies, les rêves et les peines. Et les drames qu'elle a vécus en filigrane… le traumatisme primitif est partout et disséminé au fil des lignes et de la vie, simultanément. Dans ce livre lumineux et aux véritables éblouissements, Niki de Saint Phalle nous offre en dessins, en photos et autres merveilles colorées les clés de son imaginaire et de sa sensibilité. Bien plus qu'une autobiographie illustrée, Traces est un portrait artistique d'une grande finesse. Cet ouvrage nous plonge, d'une certaine manière, dans l'intimité de l'une des plus grandes artistes du XX siècle. En 1953, elle fait une forte dépression nerveuse et est soignée dans un hôpital psychiatrique. "J'ai commencé à peindre chez les fous… J'y ai découvert l'univers sombre de la folie et sa guérison, j'y ai appris à traduire en peinture mes sentiments, les peurs, la violence, l'espoir et la joie." Dans son texte aux multiples chapitres dessinés, elle écrit : "J'ai vidé ma tête comme un vieux sac à main." (Nettoyage). En 1955, elle voyage en Espagne et découvre Gaudí. Les Tirs, ce sont des performances où elle tire à la carabine sur des poches de peinture, éclaboussant de couleurs des toiles pour ses compositions de tableaux-assemblages. Ils la rendent célèbre au niveau international dès 1961. La première séance de Tirs, a lieu le 12 février 1961 au 11, impasse Ronsin, à Paris. Elle les dédie souvent à d'autres artistes qui participent eux-mêmes aux tirs. Elle réalise les fameux Tableaux-cibles avec quelques artistes américains. Elle dédiera certains tirs à d'autres artistes américains célèbres, de passage à Paris tels Jaspers Jones et Robert Rauschenberg. Elle fera partie des Nouveaux Réalistes, sous la houlette de Pierre Restany, auteur du concept qu'il élabore pour ce groupe d'artistes. Paris était pour elle la ville d'amour, de rendez-vous secrets, une ville sexy… où les femmes ont conscience des mouvements de leurs corps, disait-elle. Elle raconte aussi sa rencontre avec son premier mari, Harry Mathews (l'écrivain américain – 1930-2017 - qui vécut aussi à Paris, auteur de Conversions, Ed. Gallimard, 1970 et Le Naufrage du stade Odradek, Ed. Denoël, 1975 – de très bons livres). Il y a dans ce livre beaucoup d'informations sur ses parents et leur vie, sur la deuxième guerre mondiale (la montée du nazisme), toute une époque qu'elle passe en revue avec un grand sens d'observation et d'analyse. Avec ce volume de mémoires, on baigne littéralement dans un univers chatoyant. Dans Traces, figure un grand ensemble de photos colorées par elle-même, des dessins, des poèmes écrits à la main, et bien sûr, beaucoup de notes et des souvenirs de Harry. Il y a dans ce livre des histoires d'amour, de révélations, de désir de vivre en harmonie avec son entourage et une expérience de la vie sous le signe de la joie. Et de l'intelligence des êtres. Après les épreuves de la vie qui lui serviront à se construire et à se reconstruire, Niki de Saint Phalle trouvera sa voie dans la création et dans la liberté – juste après son premier amour. Et avant de rencontrer Jean Tinguely qui sera un nouveau tremplin pour elle, une forme d'osmose et une nouvelle vie d'amour.
Patrick Amine
Paris, octobre 2023
Notes :
Niki de Saint Phalle, Traces, L'Imaginaire, Hors-série Ed. Gallimard, 19.10.2023. 176 pages illustrées. 29 € Préfaces d'Élisabeth Lebovici et Catherine Meurisse www.gallimard.fr Exposition à la Galerie Vallois, 36 rue de Seine, Paris 6. Tableaux éclatés de Niki de Saint Phalle. Du 15.09. au 28.10.2023. La série des Tableaux Éclatés est présentée pour la première fois à Paris depuis sa création et sa présentation dans la rétrospective de l'artiste à l'ARC Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris en 1993. www.galerie-vallois.com (1) Niki de Saint Phalle (Neuilly-sur-Seine en 1930- décédée à La Jolla, Etats-Unis- en 2002) est née d'une mère américaine, Jeanne-Jacqueline Harper et d'un père français, André Marie de Saint Phalle (1906-1967), fils du polytechnicien Pierre de Saint-Phalle (1859-1937) et de Catherine Virginie Frédérique de Chabannes La Palice (1865-1942), Catherine Marie-Agnès de Saint-Phalle est le deuxième enfant d'une famille de cinq (John, Marie-Agnès, Claire, Elizabeth, Richard). Confiée pendant trois ans à ses grands-parents qui vivent à la campagne, dans la Nièvre, elle grandit ensuite à New York et se marie à l'âge de 18 ans avec l'écrivain et poète Harry Mathews, un ami d'enfance. C'est d'abord un mariage civil, puis sur l'instance des parents de Niki de Saint Phalle, les jeunes gens procèdent à un mariage religieux à l'église française de New York. Elle cache, pendant des années, un lourd secret, le viol par son père à l'âge de onze ans, qu'elle révèlera en 1994, à 64 ans, dans son livre Mon secret, Ed de la Différence, 1994. La première édition de Traces : Remembering 1930-1949 : une autobiographie, Acatos, et réédition en 2014, La Différence. |