Entretien avec deux artistes, Mons Relaxus StudioDe Montrelais à Lille, du Studio à l'Agence, chronique d'un portage…
Mons Relaxus Studio, vue d'exposition, JC Nourisson, C Maugeais
Mons Relaxus Studio, JC Nourisson
Mons Relaxus Studio, CCTV 2021, C Maugeais
Mons Relaxus Studio, Shenzhen 2016, C Maugeais
Mons Relaxus Studio, vue d'exposition, JC Nourisson, C Maugeais
Mons Relaxus Studio, vue d'exposition, JC Nourisson, C Maugeais
Mons Relaxus Studio, JC Nourisson |
Comment caractériser vos travaux respectifs ? Que sont-ils ? Emmanuel Doutriaux : Si j'essayais de résumer à ma façon ton entreprise, Jean-Christophe, je dirais : "Il produit des meubles, des habitacles, des ‘formes d'architectures', il en fabrique - il est dans la fabrication. Il travaille en sculpteur, il ‘fait environnement'". J'ai relevé à ce sujet, ce dire de Rosalind Krauss, que tu cites dans ton article consacré à Christian Ruby : "Il s'agit en somme d'inscrire la sculpture dans le champ élargi de l'art". Ce qui est certain, et particulièrement parlant pour des architectes, c'est la capacité d'un travail comme le tien – en particulier en ce qui concerne la série des "plateaux" (D'une place à l'autre) qui t'a valu de te distinguer à plusieurs reprises dans le domaine public – à jouer des incertitudes fonctionnelles au regard des usages possibles, à se situer sur le terrain des affordances, des prises, des potentialités offertes à des pratiques indéterminables à l'avance. Jean-Christophe Nourisson : Cela, c'est la face la plus visible du travail, qui sera présente de manière fragmentaire dans l'exposition, avec deux pièces jumelles à la limite de la fonctionnalité, entre ventilateur et table basse (Air machine 2022) Ici on verra pour l'essentiel un autre registre d'œuvres, comme un sous-texte du travail de sculpture, qui renvoie au champ référentiel qui m'accompagne, soit la série des photogrammes bidimensionnels, amorcée à la fin des années 80, qui se nomment Résidus, en ce sens qu'ils proviennent d'images de différentes œuvres modernistes, comme les glissantes architectones de Malevitch, ou de travaux qui sont de l'ordre de l'inactualité (par exemple issus des récits des arts du jardin chinois des IIIème ou IVème siècles). Tout ce qui est de l'ordre de la sculpture sera peu présent, car ce n'est pas le lieu ici, dans le cadre de cette exposition, d'installations, mais d'agencements de pièces existantes, d'œuvres anciennes ou récentes, pour l'un comme pour l'autre d'entre nous. Claire Maugeais : Une Installation engage le lieu comme support de l'œuvre et pour un temps et un espace donnés. Les éléments et leurs assemblages n'appartiennent qu'à ce temps d'exposition et à cet espace. C'est souvent très précis, inédit. Une installation est par nature non reproductible. Tandis que l'agencement dont il s'agit ici, sera produit avec des portatifs – c'est à dire avec des œuvres conçues de manière autonome, encadrées, par exemple, sans ajout d'intervention sur le sol ou sur les murs, comme je peux le pratiquer généralement ailleurs. ED Jean-Christophe, quand tu dis que la plupart des œuvres exposées seront bidimensionnelles, est-ce à dire qu'elles échapperont nécessairement à l'univers de référence tridimensionnel de la sculpture ? Nombre d'entre-elles ne renvoient-elles pas, à plat, à l'idée de volume, voire d'environnement ? JCN Oui, cela peut être le cas lorsque les photogrammes font référence à l'architecture, la sculpture ou l'objet. Mais parfois je convoque aussi le schéma, l'écriture, le dessin. Je travaille sur des séries qui renvoient davantage aux mouvements mémoriels, du si près au si lointain. Je fais surgir la mémoire vive depuis une mémoire cache en capacité de réinterroger notre présent… Ce sont souvent des images "usées". Un parallèle serait à établir de ce point de vue avec le travail de Claire sur ses propres images. ED Je me risquerais à dire dans ce cas que si le sujet du travail est architectural, le medium ou le truchement à partir duquel s'effectue la production est déjà autre, car son objet, pleinement artistique, échappe à l'architecture. JCN Oui, bien sûr, les œuvres pointent des fragments d'histoires qui résonnent avec mon présent. Par exemple la dernière série réalisée sur Ernst Neufert, me parait tout à fait appropriée pour questionner la question du normatif, dans laquelle nous baignons. Lorsque j'essaie de comprendre le monde dans lequel je vis, j'ai besoin de faire retour, vérifier l'origine de l'horreur et de la promesse conjointe à tout processus d'émancipation, qu'il soit artistique ou politique. Les œuvres sont peu démonstratives, elles présentent un signe indiciel en capacité de faire sens en exposition. Les Résidus s'emparent du Que faire ? de Lénine mais dans le cadre de sa rencontre avec les dadaïstes au Cabaret Voltaire, attestée par Marcel Janco . Les photogrammes me permettent de mettre sur table des pièces à convictions critiques, qui charpentent mes problématiques spatiales. Et tout cela par l'entremise d'une fabrication d'œuvres sans profondeur. ED Venons-en au travail de Claire. Je dirais : "Elle réfléchit très souvent, mais sans exclusive, le potentiel graphique de l'architecture. Elle en joue, elle la déjoue, la détourne. Elle travaille en plasticienne, en graphiste, en tisseuse, elle traite moins des volumes ‘qu'elle n'occupe les surfaces'. J'ai relevé cette belle citation, extraite de l'entretien que vous avez eu entre vous à l'occasion d'une exposition de Claire à Nantes : ‘Mon va-et-vient autour du support trame est comme une danse.' C'est très beau, on y voit Penelope évidemment sur son métier, faisant le jour, défaisant la nuit, mais aussi peut-être les danseurs de Trisha Brown s'emparant de la trame new-yorkaise, dans les entrelacs formés à distance par leurs corps dansant sur les toits… CM L'image de l'architecture est présente dans presque tout mon travail. Je l'envisage presque toujours du côté de sa façade, pour ce qu'elle offre pour la rue. C'est effectivement très graphique et essentiellement en noir et blanc, puisque je conserve picturalement l'aspect/l'effet photocopie qui a déterminé tout mon travail d'installation éphémère dans les années 90. La phrase que tu extrais de cette interview traite de mes expérience et recherches dessinées au moyen d'un fil. Je ne pense pas, pour le moment [à la date de cet entretien, à mi-septembre], présenter ce type d'œuvre à l'exposition. Pour les autres travaux ce registre du va et vient joue sur un autre plan, moins technique, mais plutôt dans la relation de la figure (ce qui est représenté) au support qui l'accueille. Il y a une première étape qui est le choix et l'élaboration de l'image. L'effet dentelle du graphisme emprunté à celui du rendu photocopie crée une première distance d'avec le "réel" : un effet arraché, sans valeur de gris, saturé, pixellisé, voire dramatisé. Je peins comme j'imprime, sans affect... Puis il y a le choix du support, qui est le plus souvent mou (toile, rideau, etc.). Ces deux éléments en confrontation interagissent dans un va et vient signifiant. L'architecture est ici contre nature, puisque devenue molle. L'élévation architecturale perd ses fondations dans la confrontation avec un matériau qui relève plutôt du domestique (serpillère, torchon, tapis, etc.). C'est le cas de la série des villas sur serpillère Royan (2018) ou bien avec la série Shenzhen (2016). JCN Chacun des choix esthétiques que nous faisons est un opérateur signifiant. CM Une œuvre s'inscrit toujours dans un ensemble paradoxal. Notre travail consiste à éliminer tout ce qui ne nous intéresse pas comme langage plastique, pour conserver ce qui nous convient, pour une libre interprétation par celui qui regarde. JCN Oui, il faut insister sur cette dimension interprétative qui appartient entièrement au public. Le génial François Morellet en parlait comme du pique-nique du spectateur. J'ajouterai que ce qui fait la différence entre nos approches, c'est que toute la matière documentaire du travail de Claire est photographiée par ses soins, in situ ; ce qui n'est pas le cas en ce qui me concerne : je travaille à partir de pièces d'archives. Comment travaillez-vous, précisément ? ED Jean-Christophe, tu entretiens indéniablement un fort rapport aux livres – art et philosophie, voire politique. Tu es un grand lecteur. On a le sentiment que cela alimente une démarche, sinon de la ratio, du moins de l'explicitation – au sens qu'en donne Sloterdijk (voire un auteur comme Houellebecq – mais je crois que Sebald te conviendrait mieux comme référence), soit décrire les choses en les surlignant, établir un état du monde, sans affect marqué. Claire, tu entretiens un rapport étroit avec la photographie – en l'art et du regard, une démarche de l'intuition, qui n'exclut ni la sévérité, ni la drôlerie. Et pourtant tu dis : "La seule chose de laquelle j'espère être loin, vraiment très loin, c'est de l'espace photographique. Là on peut vraiment parler de CANONS ". A cette réflexion de Jean-Christophe, qui suivait dans le même entretien : "Les œuvres que tu réalises ne sont pas démonstratives, néanmoins tu touches très précisément les canons de représentation encore en cours aujourd'hui. Non ?" ; tu répondais : "Les Rideaux [la série des rideaux réalisés souvent à partir de fragments de torchons assemblés] nous montrent que les choses existent même si on ne les voit pas. Vous pouvez toujours fermer la fenêtre, l'extérieur continue à exister. Elle est là, ma position critique." Peux-tu expliciter plus avant cette position ? Vaut-elle pour l'ensemble de ton travail ? Il me semble que chez toi, comme chez Jean-Christophe, se joue cette différence entre ce qu'on appelle le "réel" (derrière cette fenêtre), la représentation qu'on en donne, et ce qui est de l'ordre de la présentation (ou de la présentification) – pour renvoyer à ces propositions de Daston & Galison , voyant se succéder dans les temps de la modernité et du contemporain les âges de la "vérité d'après nature" (Buffon), de "l'objectivité" (Becher), du "jugement exercé" (par exemple les images sur-réelles du télescope James Webb). CM De mon côté, la relation entre la représentation et le support n'est pas seulement physique, je l'espère aussi mentale. Un des titres génériques de mon travail a été "Où es-tu lorsque tu es là où tu es ?". Je suis loin de la photographie, puisque mon image de départ est entièrement transformée par des moyens informatiques. Je ne garde que ce qui est nécessaire à une identification de son origine. Quant à la drôlerie, j'aime à créer des situations ridicules ou incongrues, comme dans la série des Pantins (immeubles coiffés de chapeaux démesurés). Ma série de Mini-architectures en bottes de paille, pourrait aller dans le sens d'une construction plus "écologique" mais je la recouvre d'une housse en plastique. Signe que l'on n'échappe pas aujourd'hui à l‘écrin capitaliste. JCN Tu as raison concernant la différence entre présentation et représentation. On se situe toujours dans cette distance vis-à-vis de cette blague absolue qu'est l'objectivité photographique. En faisant jouer d'autres opérateurs sensibles, qui sont de l'ordre du geste, se joue un rapport au monde qui ne relève pas de l'ordre de l'appareil. Ainsi Claire, tu peins comme tu imprimerais – non pas le réel lui-même, mais d'après une empreinte du réel. Les photogrammes sont avant tout des peintures lumineuses qui donnent à voir la trace d'une empreinte matérielle (un cache découpé). Ces œuvres photographiques trouvent leur place entre décision conceptuelle et retenue formelle. Cette question de la retenue est très importante – nous y reviendrons sans doute. Il s'agit de faire apparaître – surtout à travers la série des Résidus – le background qui peut opérer et déplacer la lecture d'images-sources, présentifiées au regard de leur usure historique. À la différence d'un rapport à l'espace qui relève plus de la perception– ce que l'on connait le plus chez moi, ce travail de l'espace, du mobilier, de la sculpture – dans le cas du travail des images, c'est le regard du spectateur qui est mobilisé. Ce travail de/sur l'image est envahi par un champ référentiel que je donne à lire et à voir. Le titre fait signe et participe de la lecture. Ainsi en est-il des titres d'après Neufert, Segalen ou Malevitch. Soient trois auteurs qui n'ont rien à voir entre eux, mais qui ont ponctué des moments différents de mon parcours ; des auteurs qui habitent ma mémoire, cet agent impalpable qui est l'élément moteur de la pensée. Cette "série à trous" des Résidus renvoie en quelque sorte à ce désir improbable d'accomplir une œuvre muette qui vienne éclairer, muscler les interprétations que l'on pourrait tenter sur des moments de l'art ou de l'architecture. Quelle relation peut-on établir entre l'une à l'autre de vos productions ? Quel place l'architecture occupe-t-elle dans ce rapport ? ED N'y aurait-il chez l'un comme chez l'autre d'entre vous une préoccupation commune pour la documentation, comme un passage amont obligé du travail ? De l'art comme documentation du réel, à l'instar de l'école de Düsseldorf ? Ne partagez-vous pas, de ce point de vue, cette forme de retenue dont parlait Jean-Christophe, cette réserve à l'égard de la forme, et du registre des affects ? Comment du reste l'interpréter : s'agit-il de neutralité ou de retrait critique ? On pourrait aller jusqu'à vous inviter à vous exprimer sur la manière dont votre production se situe vis-à-vis de "l'état du monde". Par ailleurs comment envisagez-vous ce transport de l'atelier ligérien (où vous produisez votre travail) à l'agence lilloise ("la galerie de l'agence", en site occupé par le travail, cet autre travail, qui est d'architecture) ? Comment gérez-vous la contrainte du "à-plat" (2D), et du "dispersé", en ces différentes surfaces "seulement" disponibles à l'agence ? JCN Qu'est-ce qui nous apparente ? Une distance à l'image sans doute, un rapport constant à l'architecture, une manière de faire : par exemple, "on est très noir/blanc, tous les deux". Nous avons déjà exposé ensemble à deux, à au moins cinq reprises. Mais l'exposition est cette fois très originale car nous allons déployer beaucoup de pièces déjà existantes, dans une profondeur temporelle assez conséquente. Cela étant, la question du contexte est prise en compte de manière différente de la manière dont nous opérons habituellement. Il s'agit d'un espace de vie, et non d'un espace d'expo à proprement parler. Nous sommes habitués à la problématique "place nette" des espaces d'expositions. Aussi le registre de l'agencement s'impose-t-il ici, celui de l'installation étant impossible à mettre en œuvre. CM Au départ, il est vrai, cela relevait un peu de la frustration, quand on sait la production de la sculpture chez Jean-Christophe, et le recours aux marquages de scotch au sol ou de "fond de sauce" au mur en ce qui me concerne. Il fallait réinventer une forme commune d'exposition. C'est là en fait une expérience bien intéressante, puisque nous avons décidé de montrer aussi des pièces anciennes dans une dimension en partie rétrospective. C'est tout à fait inédit. JCN Se confronter à un espace où les gens sont distraits, cela fabrique un autre rapport à l'œuvre qui n'est pas pour me déplaire. Car j'aime dire qu'on peut appréhender l'art du coin de l'œil, en passant dans la rue. Tous les éléments "perturbateurs", de distraction, seront réunis – soit toutes ces choses qui démobilisent le corps et l'esprit : il va nous falloir nous glisser dans cette agitation, faire signe à l'usager, déplacer l'attention. Il s'agit ici d'une agence d'architecture. Notre exposition s'intitule "Mons Relaxus Studio " : ce sont là des œuvres d'un atelier d'artistes, transportées et exposées dans un autre lieu de travail. Soit un potentiel de rencontre intéressant avec des gens qui ont une pratique de l'espace un peu différente de la nôtre. CM Quelques petites attentions témoigneront en outre de notre relation à ce lieu particulier. Ainsi quelques-unes de mes Serpillières seront-elles en place dans la pièce d'eau [la grande cuisine/cantine de l'agence]. Ainsi ai-je produit spécifiquement pour l'exposition des sculptures en paille qui évoquent explicitement des maquettes d'architecture. JCN Avec ce terme de Relaxus, nous envoyons une missive. Avec l'atelier de Montrelais, nous nous sommes créé un espace de calme, de partage et d'attention au monde. Une manière de réhabiter sur terre. Or cette exposition lilloise n'est pas "accélérationniste", au contraire. Nous entrons tous deux dans une phase où nous mettons à distance une certaine forme d'actualité, "Qu'attendrons-nous lorsque nous n'aurons plus besoin d'attendre pour arriver ? - demandait Paul Virilio". Notre exposition et les terrains artistiques que nous explorons depuis si longtemps invitent à l'atterrissage. CM Oui, c'est juste. Et pour répondre à ta question qui était dense : évidemment nous sommes des éponges et des antennes de diffusion de l'état du monde. Le monde est en perpétuel mouvement. Nous travaillons à l'art depuis plus de 40 ans déjà, alors tout cela évolue et aujourd'hui, comme le dit Jean-Christophe, la décélération est une position critique choisie. Quelle école artistique ? Quels auteurs de références ? CM J'ai déjà évoqué l'influence Pop (pop américain mais aussi pop allemand avec Gerhard Richter). Certaines expositions nous ont marqués. Par exemple "Dispositif Sculpture" au Musée d'art moderne en 1985 , où les œuvres se confrontaient à l'espace tout en se réappropriant des éléments de mobilier (Mucha) ou et des éléments de langage (Klingelhöller). Beaucoup de notre travail est en effet venu de cette Allemagne-là. Nous avons tous les deux obtenu en 1990, une bourse de l'office franco-allemand pour la jeunesse et nous avons décidé d'aller à Wuppertal, dans un paysage urbain de 100km de ville en continu, de périphéries, de territoires en mutation… En allant voir les fameuses villas de Mies Van Der Rohe à Krefeld. Cela, alors que tous nos amis se précipitaient vers Berlin… Vis à vis de la France d'où nous venions, tout était reconstruit et cela nous excitait. JCN Une partie de mon champ référentiel sera visible. Les photogrammes convoquent des présences qui ont perturbé durablement mon rapport à l'art. De manière plus générale l'Allemagne et la Ruhr en particulier, nous ont vraiment marqués. Disons que nous étions plus aimantés par les Naim June Paik, Beuys ou Klaus Rinke que par Support Surface et la dégoulinante Trans-avant-garde… Par ces artistes allemands travaillés par l'irrésolution du conflit intérieur entre le possible et l'impossible de la poésie, dans un monde ébranlé par les camps et la bombe atomique. Cette expérience aussi explique la récurrence de la retenue dans l'art que nous pratiquons l'un et l'autre. On se situait dans la lecture d'un monde fini, soit cette belle histoire du modernisme, d'un monde sans hommes, qui n'a depuis cessé de se fracasser sur l'humaine condition. Nous ne prenons pas la tangente, mais nous attaquons de biais. Le mouvement est toujours double, pas d'attention sans relâchement. CM Le titre de notre exposition "Mons Relaxus Studio" est l'indice de notre position sur l'état du monde. Entretien mené par
Emmanuel Doutriaux Lille, septembre 2022
Notes :
1) À l'idée de l'échangeur que j'aurai été (ED), d'intituler ce texte "Chronique d'un transport », en jouant des connotations métaphoriques que ce terme peut convoquer (par le truchement de la μεταφορά grecque ornant toujours les camions athéniens), les artistes m'auront suggéré de substituer "Chronique d'un portage." Dont acte, JCN : "Portage revient simplement à ne plus esquiver les corps qui portent les marchandises. Chargement et déchargement sans transpalette, cela me semble décrire à la fois la réalité et ne pas esquiver la tâche nécessaire à l'envoi et la réception quant au convoyage. Le terme de transport va jusqu'à gommer le conducteur, capitaine, navigant. Il y a toujours des hommes à la manœuvre. En l'occurrence nous deux qui accompagnons les colis. Évidemment, ça raconte les conditions d'expositions en temps perturbé, c'est aussi une manière de ne pas voyager à vide."
2) Jean-Christophe Nourisson, recension de l'ouvrage : Christian Ruby, Circumnavigation en art public à l'ère démocratique, Lyon, Naufragés éphémères, 2021. In www.nonfiction.fr 3) On se reportera au site de l'artiste pour approcher une idée complète de l'œuvre www.jcnourisson.net 4) In Noguez Dominique, Lénine Dada, Le dilettante, 2007 5) Le ring, Nantes, 2006, Claire Maugeais, entretien avec Jean-Christophe Nourisson. In www.exporevue.com 6) Il est un maître mot chez Sloterdijk – celui d'explicitation. Non pas la représentation du monde, ni davantage son explication, encore moins son interprétation, mais seulement son explicitation. "Suivant la devise Making the immunit system explicit, la politique contemporaine devient la sphère immunitaire des actions humaines à l'horizon du temps humain, qui est soit le beau temps (favorable à la communauté) soit le mauvais temps (le temps de crise défavorable au bien commun). » [Desroches Dominic, "Le temps politique chez Peter Sloterdijk- De la technique du climat à la climatologie politique », in Horizons sociologiques, 2012, p. 14] Jean-Hugues Barthélémy relayait ainsi un propos du philosophe allemand : "Après les Lumières, il ne peut plus exister de médias religieux mais les médias d'une ambiance historique et les médias d'une urgence ». Et d'ajouter que Sloterdijk se qualifie lui-même de média d'ambiance, en se voyant "comme un piano automatique de l'esprit du temps : j'enregistre facilement les ambiances et je trie avec une assez grande sévérité' – dit-il ». [Colloque "l'espace et l'architecture : état des lieux », MSH Paris Nord, Gerphau, 05/03/2013] 7) Claire Maugeais, entretien avec Jean-Christophe Nourisson. In catalogue Le Ring, artothèque de Nantes. Espace Jacques Demy, Exposition mai-juillet 2006, www.clairemaugeais.com 8) Daston Lorraine et Galison Peter, Objectivité, Presses du réel, 2012 (ed. orig. 2007) 9) Il s'agit de la première manifestation commune, hors-les-murs, du nouvel atelier que les deux artistes occupent depuis 2019 à Montrelais, sur la vallée de la Loire, entre Angers et Nantes. L'exposition lilloise à la Galerie de l'agence Béal & Blanckaert aura été pour Claire Maugeais et Jean-Christophe Nourisson l'occasion de donner un nom à leur entité commune. En bas-latin Mons Relaxus signifie Le repos du mont (faisant étape sur la route royale entre Paris et Nantes). 10) "Dispositif Sculpture" (Jürgen Drescher, Harald Klingelhöller, Reinhard Mucha et Thomas Schütte). Commissariat de Suzanne Pagé, Musée d'art Moderne de la ville de Paris, 1985. |