Lee Bae  이배
Fondation Fernet-Branca
Lee Bae
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Lee Bae 이배

Quand j'ai rencontré la première fois l'artiste coréen, Lee Bae (né en 1956 en Corée du Sud), qui s'est installé à Paris depuis 20 ans à présent, j'ai été immédiatement séduit par son enthousiasme et par sa capacité de vous accompagner dans son univers esthétique et sa pratique artistique aux multiples facettes. Dans son atelier parisien, des toiles éparpillées traduisent une très grande activité. Il préparait en 2013 une exposition à New York, puis à Séoul, et quelques autres pour 2014, etc. Il me m'expliqua tout d'abord la manière dont il coulait l'encre de Chine (issue du charbon de bois) sur des fonds blancs de papier qu'il recouvre ensuite avec des résines de fixation sur ses toiles – une technique qu'il a mise au point.

Pour la Fondation Ferney-Branca, à Saint-Louis, à la frontière de Bâle, Lee Bae montre son travail rétrospectif depuis vingt ans au moment de son installation à Paris. Les premières œuvres, en noir et blanc, révèlent comment les plaques de charbon de bois sont fondues dans le cadre de la toile. Le charbon dessine des lignes qui forment un ensemble de lattes comme un parquet de bois ; elles s'inscrivent dans un enchevêtrement géométrique. Ces lignes denses surgissent de la toile et attirent le regard du spectateur, lequel se demande comment l'artiste les a conçues. Ici, dans les salles de la fondation (1800 m2 sur 3 niveaux), les œuvres se découvrent au fil des dates de leur création et de leur thématique. Lee Bae est un artiste prolixe. Pareillement, on découvre son talent dans ses dessins de kakis séchés (Cheongdo, 2000), couleur sépia et ses fameux coléoptères gravés, réalisés avec des agrafeuses en perforant des plaques de bois, - (sa Collection d'insectes, montrée lors de notre exposition Les Nouvelles folies françaises, au Musée d'archéologie national de Saint-Germain-en-Laye, dans le cadre de l'Année Le Nôtre - juin-octobre 2013), une technique étonnante ! À l'entrée de la première salle, nous avons des balles de charbons de bois calcinés, ficelées par des cordes élastiques qui gisent comme des éléments telluriques plongés dans une pénombre qui installe l'ambiance du propos (issu du feu). Puis viennent les charbons à même les toiles (1992) formant des formes anthropomorphes et des paysages qui évoquent des mouvements de corps, sur fond d'espace blanc ; plus loin, un mur tout entier est recouvert d'environ 80 boules de charbons sculptées aux formes diverses (1998), impressionnante installation qui jouxte ensuite dans une autre salle des paysages noir et blanc. Ici, l'impression est volcanique. Tout semble rapporté d'un autre monde qui inspire la méditation et le silence créé par les éléments. Selon Empédocle, toute chose est faite de quatre éléments fondamentaux : le feu, l'eau, l'air et la terre. Les couleurs primaires sont atomisées sur les supports utilisés par l'artiste. Les atomes de couleur parviennent à se colorer en interagissant avec "les atomes de l'esprit", d'après les théories de Démocrite. Ces relations recoupent d'une certaine manière l'esthétique des œuvres de Lee Bae.

Dans l'espace de la Fondation, sont montrées plus d'une vingtaine de très grandes et moyennes dernières toiles réalisées avec de l'acrylique, enduit de noir de charbon, sa mixture d'élection. On sent son geste calligraphique véloce mais néanmoins tout abstrait, composant des jets sur la surface blanche laiteuse, comme notamment dans ses dessins au fusain. J'oserai dire comme l'écrivait Aragon : "Rien n'est plus arbitraire que d'essayer de substituer la parole écrite à la peinture, au dessin. Cela s'appelle de la critique d'art, et je n'ai pas conscience d'en être coupable ici. La nécessité de transposer d'un plan à un autre la leçon de Matisse m'a amené à une espèce de danse des phrases autour de lui."

Dans un autre espace au sous-sol, on peut voir avec surprise des films réalisés par Lee Bae dans son village natal : Chung Do, non loin de Daegu, en Corée du Sud, où l'on brûle des quantités de bois pour faire du charbon. C'est l'une de ses clés de fabrication pour son "encre noire" et son œuvre. Je vous engage vivement à découvrir cette œuvre (une véritable rétrospective) qui s'affirme aujourd'hui comme l'une des plus spirituelles et des plus ingénieuses dans son propos et son élaboration à travers le Temps. Lee Bae pourrait paraphraser Michaux dans Passages et dire : "J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie."
 
Patrick Amine,
Saint-Louis, avril 2014
 
 
Lee Bae 이배, Fondation Fernet-Branca, 2, rue du Ballon, 68300 Saint-Louis
www.fondationfernet-branca.org - tél. : +33 3 89 69 10 77

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