Catherine LambermontL'artiste, l'enfant et la forêt
Catherine Lambermont
Catherine Lambermont
Catherine Lambermont
Catherine Lambermont
Catherine Lambermont
Catherine Lambermont |
Le travail de Catherine Lambermont est tout en retenu. Il se dégage de ses images, d'une technique photographique parfaitement maîtrisée, comme un parfum de mystère.
Elle présente actuellement ses photographies à Bruxelles, à la Galerie Libre cours (jusqu'au 31 mars 2012) ainsi que dans le cadre de la biennale Photographie et architecture, les espaces du quotidien, à la Faculté d'Architecture La Cambre Horta (jusqu'en mai 2012).
L'exposition à la galerie présente la série In/Out que l'on traduit par dedans / dehors mais qu'ici j'aimerais interpréter par cacher / montrer. C'est ainsi que l'on peut percevoir dans l'une des images d'un triptyque, un corps de femme dont la main est placée devant le sexe. Que fait cette main ? Qu'en est-il de ce geste ? Sert-il à dissimuler le sexe ? Est-ce à l'inverse une invitation à mieux le dé-couvrir, à le mettre en image, comme le fit Titien dans la Vénus de Urbino si remarquablement analysée par Daniel Arasse dans son ouvrage On n'y voit rien ? La main désigne en même temps qu'elle cache le sexe de ce corps nu. Mais ce corps est-il vraiment nu ? Il est certes sans vêtement, mais un fin voile diaphane amené par la texture même de la photographie semble l'habiller. La nudité du corps est alors revêtue de l'opacité de la photographie dont la texture se donne à voir et vêt la nudité d'un fin voile, tenant à distance le spectateur, lui refusant tout voyeurisme. Cacher / montrer encore, tel cet enfant, celui de l'artiste, déguisé en Spiderman ou encore recouvert d'une fourrure noire lui cachant le corps et le visage. L'enfant est ici dissimulé sous des artifices, un masque par exemple, qui se montrent et composent la surface de la photographie. Comme si l'artiste fuyait le moment de figer par la photo le portrait de son fils, ne souhaitant d'esquisser les contours d'une identité en devenir. Personna, on le sait, veut dire masque, un masque à travers lequel l'individu devient personne. Ici c'est l'enfant dans son devenir adulte qui agit sur l'image par le biais d'un recouvrement apportant une distance entre lui et le spectateur, et neutralisant son visage. Cette distance, cette neutralité, pour ne pas parler de filtre, est aussi ce qui autorise sa mère à le représenter, le rendre visible publiquement en le faisant jouer dans les images qu'elle compose. Dans une autre image, l'enfant se cache dernière un arbre dans une forêt ne laissant apparaître que ses bras nus enlaçant le tronc. A mes yeux, les nombreuses photographies de végétaux qui rythment cette exposition sont aussi une manière de renvoyer à la dissimulation. Que se cache-t-il derrière ces amas de bruyère, de lierre, ces fragments de forêt ? La forêt justement, sujet récurrent dans ce travail, n'est-elle pas un endroit baigné de légendes et de secrets, un lieu de croyances obscures, où l'enfant y enfouit ses peurs et ses désirs ? Il semblerait alors que l'inconscient et le rêve traversent ce travail et que le secret soit le lien qui unisse les photographies, qu'elles soient d'intérieur ou d'extérieur, de petit ou de grand format. Arrêtons-nous sur cette vidéo composée d'un assemblage de photographies de l'enfant auquel on a demandé de rester assis les yeux fermés. Il lui semble difficile de rester immobile et de ne pas succomber au sommeil. Mais à quoi pense-t-il ainsi les yeux fermés ? A quelle rêverie s'adonne-t-il ? Pourquoi ce léger spasme ? L'indiscrétion du spectateur ne peut être satisfaite car de réponse, il n'y en aura pas. Mais le mystère n'est-il pas davantage intéressant que la chose cachée ? D'ailleurs, il est à noter que l'artiste fait un usage fréquent du tissu et du voile. Et un des sens du mot voile justement est : une chose qui sert à dissimuler, cacher une autre… Et je pourrais ainsi poursuivre ce texte en multipliant les éléments qui dans ce travail renvoient aux notions de dissimulation, secret ou mystère, mais je préfère me taire, et laisser la parole à Louis Ferdinand Céline dans Voyage au bout de la nuit : "Il n'y a de terrible en nous et sur la terre et dans le ciel peut-être que ce qui n'a pas encore été dit. On se sera tranquille que lorsque tout aura été dit, une bonne fois pour toutes, alors enfin on fera silence et on n'aura plus peur de se taire. Ca y sera." Nathalie Stefanov
Bruxelles, mars 2012
Galerie Libre Cours, 100 rue de Stassart, 1050 Brussels
www.galerielibrecours.eu - tél. : +32 473 590 285 Espace-architecture La Cambre / Horta Place Flagey, 19bis, 1050 Bruxelles - tél. : +32 2 642 66 63 Biennale de photographie de Liège au Comptoir du livre : "Qui font battre les coeurs…" 20 En Neuvice, 4000 Liège, jusqu'au 6 mai 2012, www.bip-liege.org/fr/le-comptoir/ www.catherinelambermont.com |